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La légende du GreNoLi…


Ils l’ont fait. On vous la raconte. Voici leur Histoire…

L’épopée, l’ascension vers le Graal

 

Gunnar Gren était « Il Professore », Gunnar Nordahl « Il Pompierone », et Nils Liedholm « Il Barone » (de gauche à droite sur la photo ci-contre). Les trois hommes formèrent le fantastique Gre-No-Li qui hissa le Milan AC à un très haut niveau dans le panorama du football italien durant l’après-guerre et qui rendit exquis le jeu proposé par les lombards. Comment naquit le « Gre-No-Li » ? C’est un journaliste sportif transalpin qui l’inventa un jour. Ayant des difficultés à prononcer et à écrire les noms des trois vikings, il prit la première syllabe de chacun de leur patronyme afin de les abréger. Géniale trouvaille qui deviendra synonyme de perfection, de brio technique, d’intelligence tactique et de puissance, qui finira par rentrer dans la légende ! C’est tout simplement le premier « grand » Milan, mais qui, paradoxalement, ne gagnera (avec les trois réunis) qu’un seul Scudetto, très attendu certes…

 Fin 1949, Milan fête l’anniversaire de son premier demi-siècle d’existence et autour du gâteau, trois joueurs suédois viennent égayer la fête. Le premier à montrer le bout de son nez est Gunnar Nordahl, attaquant dont l’arrivée fut simplifiée par le grand boss de la Juventus Turin, l’Avvocato Agnelli, dans le cadre d’un arrangement peu clair (voulant se faire pardonner un précédent accrochage sur un transfert – voir fiche joueur ci-dessous – ). Un jour, Gunnar Nordahl qui était venu au siège du club lombard pour parler avec le président Umberto Trabattoni et avec son agent, Toni Busini qui était aussi le directeur sportif du Milan à l’époque, leur déclara : « Là-haut en Suède, j’ai deux de mes amis qui jouent très bien au ballon. L’un s’appelle Gunnar Gren et l’autre Nils Liedholm. Je vous conseille de les prendre ».

Voilà comment le trio du Gre-No-Li s’est formé en Lombardie, faisant en conséquence le bonheur du club à partir de 1949 jusqu’au début des années 1950. Gren et Liedholm retrouvent donc leur compatriote avec lequel ils ont décroché la médaille d’or aux J.O. de Londres douze mois plus tôt. A Milan, leur entente marque les esprits. Depuis quelques années, le Milan vivotait dans le milieu du classement. Et d’un seul coup, les rossoneri allaient passer de la médiocrité au triomphe, de l’ombre à la lumière, de l’abstrait à la splendeur, gagnant de ce fait le tant attendu titre de Champion d’Italie, le quatrième de leur histoire. Gunnar Gren était le cerveau, Gunnar Nordahl les bras, Nils Liedhom le poumon.  Plus concrètement, ce trio qui a sublimé le jeu de l’équipe lombarde s’organisait ainsi : Gren en meneur, Liedholm en une sorte de milieu offensif et Nordahl en pointe.

Sous l’impulsion de ce trio des merveilles, admirablement dirigé par le Hongrois Lajos Czeizler (qui avait déjà eu Nordahl sous ses ordres en Suède, à Norrköping), le Milan réalise un championnat (1949/1950) de haut rang, finissant à la deuxième place, inscrivant 118 buts en 38 parties (soit la deuxième attaque la plus prolifique de l’histoire de la Serie A derrière le Torino 1947/1948 et ses 125 unités et avec un Nordahl qui atteint la barre des 35 buts en 37 matchs, un record !). Une sorte de répétition générale qui conduit donc l’AC Milan à la consécration la saison suivante avec ce Scudetto, attendu depuis 44 ans ! Quatre décennies à vivre dans l’ombre de la Juve et de l’Inter, mais aussi et surtout de Bologna et du fameux ‘Grande Torino’ qui a succombé tragiquement dans un crash aérien en Mai 1949.

Le Milan 1950/1951 ? Un plaisir pour les yeux, et un enfer pour les adversaires : Udinese (6-2), Como (7-2), Atalanta (7-4), Lucchese (5-1), Palermo (9-0) et Novara (9-2) tombent notamment sous les coups répétés d’une équipe flamboyante  au plan offensif avec 107 buts (dont 34 du seul Nordahl, le faisant terminer à la tête du classement des buteurs du championnat). Le titre est là, au bout du chemin, « grâce » à la défaite surprise de l’Inter sur le Torino lors de l’ultime journée. Les joueurs du Milan pleurent de bonheur, et Busini s’en évanouit (voir la Une du quotidien milanais, la Gazzetta dello Sport du lendemain) ! Le Grenoli (vu par Franco Bruna en 1979, ci-contre) a amené Milan sur le toit du Calcio.

 Les acteurs de ce trio des merveilles : les trois fantastiques

GUNNAR GREN

Pour les témoins privilégiés qui ont traversé le XXè siècle, Gren (à droite sur la photo ci-dessous) est avec Alberto Schiaffino et Luis Suarez l’un des trois meneurs de jeu à avoir posé leurs valises en Italie. Pour ses compatriotes, il est carrément « le meilleur joueur suédois de tous les temps ». Nils Liedholm ira lui, jusqu’à même parler de « Maradona des années 50 ». Par sa finesse et son habilité technique, il était capable de dribbler n’importe quel défenseur sur une seule feinte et de déposer le ballon là où il le souhaitait. « Il Professor » était le savant sur le terrain, capable de mettre en application l’enseignement reçu toute la semaine à l’entrainement. Il avait cette capacité à organiser le jeu de son équipe et à sentir les bons coups.

Un caractère pas toujours conciliant le conduit à claquer la porte du Milan en 1953 après une dispute avec Busini. En 1956, il quitte même « son » Italie adoptive (comme il l’a souvent défini) qui le croit tout juste bon pour une retraite méritée. Erreur : à trente-huit ans, il dispute avec la Suède la finale de la Coupe du Monde ! Monstre de longévité, il poursuit dans le championnat suédois jusqu’à l’âge de quarante-quatre ans en tant qu’entraineur joueur du Gais Göteborg, trois ans après un court, mais néanmoins triomphal retour en Italie, sur le banc de la Juventus (Scudetto 1961). Dans les rangs amateurs, il roulera sa bosse sur les terrains jusqu’à plus de cinquante ans ! Le talent n’a pas d’âge.

« Je voudrais que mon heure sonne en Italie quand elle viendra » avait-il déclaré un jour d’été 1990. Un an plus tard qu’il eut dit cela, un soir de Novembre de 1991, le sommeil éternel frappa à sa porte. Ses doigts se serrèrent autour de la couverture du livre qu’il lisait. C’est son fils qui l’a découvert inerte dans sa maison, la faible lumière toujours allumée… Un infarctus avait brisé Gren à soixante et onze ans. Son histoire finissait là où elle avait commencé en 1920 : à Göteborg (et non en Italie…). En tout, Gunnar Gren a joué au Milan AC de 1949 à 1953, pour 133 parties et 38 buts. Il a remporté un Championnat et une Coupe Latine. C’était un bon vivant, un joueur bien à son aise, toujours avec la répartie juste et étant le premier quand il fallait raconter des blagues…

NILS LIEDHOLM

Nils, avant de venir à Milan, jouait dans le club de Norrköping et était comptable. En effet, il rédigeait la déclaration de revenus des pêcheurs de son pays, à Valdemarsvik. Après s’être fait désirer un peu, Liedholm signe pour 12 millions de lire en Lombardie (un chiffre astronomique pour l’époque) à l’été 1949 (sous l’insistance de son compatriote Nordhal). Il fera sa vie en Italie et écrira les plus belles pages du Calcio en compagnie de ses deux amis suédois. De Nils, Cesare Maldini dira qu’il n’aura jamais autant admiré un joueur aussi complet que lui. Grand et, par conséquent, redoutable de la tête, Liedholm faisant preuve d’une précision d’orfèvre (avec son pied gauche de prédilection), distribuant de véritables caviars à ses partenaires. Qu’est ce qui lui a valu le surnom de « Baron » ? Son allure et son fair-play, tout simplement… Il avait toujours une anecdote à raconter. En voici une parmi tant d’autres : « J’assurais tellement bien mes passes habituellement que, lorsque j’ai raté la première en cinq ans, le public s’est mis à m’applaudir pendant de longues minutes ! ». D’un caractère original, il lui arrive même de s’endormir sur le banc du vestiaire ou de prendre des douches gelées de ses compagnons stupéfaits.

Nils Liedholm (au milieu en photo ci-contre) a joué sous les couleurs rossonere de 1949 à 1961 : après 394 rencontres officielles et 89 buts, il remet le flambeau où brûle la flamme rossonera à Gianni Rivera (on peut admirer les deux hommes à gauche lorsque l’un entrainait le second). Il va devenir ensuite responsable des équipes de jeunes et se verra confié l’équipe première à partir de 1964 à 1966, de 1977 à 1979 et de 1984 à 1987, en totalisant 277 présences sur le banc. En tant que joueur, il a remporté 4 championnats et 2 Coupes Latine. Liedholm l’entraineur a quant à lui remporté un seul et unique championnat. Sans jamais dévier de deux principes fondateurs : la recherche du beau jeu (avec défense en zone) et la volonté de donner leur chance aux jeunes. A son « palmarès » : Baresi et Maldini  à Milan, mais aussi Conti et Ancelotti à la Roma, Antognoni à la Fiorentina ou encore Bettega et Gentile à Varese !

Bien qu’il ait changé à plusieurs reprises d’équipes, il est resté toujours fidèle à la ville au château Sforza. Lui qui ne voulait pas quitter sa terre natale au début de sa carrière, il va finalement s’installer en Italie à son arrivée et ne plus la quitter jusqu’à sa mort en Octobre 2007 (quasiment 60 ans), devenant également un véritable amoureux des grands vignobles italiens.

 

GUNNAR NORDAHL

Gunnar Nordahl fut le premier des trois compères à arriver chez les rossoneri, mais sa trajectoire est plutôt curieuse et rocambolesque. Médailléolympique avec la Suède en 1948, il frappe les esprits, en particulier ceux des dirigeants de la Juventus, qui prennent alors une option sur lui. Mais les Turinois n’insistent pas et finalement le cèdent à Milan. Par pur politesse ? Rien n’est moins sûr. Quelques mois plus tôt, les juventini avaient court-circuité le transfert du Danois Ploeger chez les lombards en l’enlevant littéralement à sa descente du train, pour l’embarquer et le faire signer, direction Turin (pratique plus ou moins courante à l’époque). C’est donc sans doute pour se faire pardonner que le célèbre Avvocato Agnelli donne pour instruction de faciliter l’arrivée de Nordahl dans la capitale Lombarde, en lui apportant une aide précieuse sur le plan administratif par l’intermédiaire de la filière suédoise de la Fiat. Avant-centre très puissant et athlétique, il est habitué à travailler dur dès son plus jeune âge, c’est une véritable force de la nature. Il sera surnommé « Le Bison » ou encore « Le char d’assaut ». Liedholm aurait même déclaré un jour : « J’ai vu des adversaires se tordre la cheville en essayant de lui casser le tibia ».

Il rejoint donc le Milan lors du mois de Janvier 1949 (26 Janvier exactement mais il avait déjà signé son contrat une dizaine de jours auparavant). Lorsqu’il arrive en gare centrale à Milan, le 22 janvier, des centaines de tifosi l’accueillent en héros. L’armoire à glace (1,80 m pour 90 kg) au sourire angélique va-t-elle leur offrir un Scudetto, le premier depuis 1907 ? Le lendemain de son arrivée (27/01/1949), il débute au stade de l’Arena devant un public record et inscrit deux buts face à Pro Patria. Nordahl fut ensuite une véritable mine d’or (et de but) : il en a marqué 210 en championnat en 257 rencontres. Champion Olympique avec la Suède en 1948, il assume son rôle dès sa première demi-saison à Milan (1949) et totalise 16 buts en 15 matchs. Gunnar Nordahl devient encore plus irrésistible lorsque ses deux compatriotes, Gunnar Gren et Nils Liedholm, engagés à l’été 49, lui apportent leur soutien.

Manifestement, les dirigeants de la Juve n’avaient pas pris la mesure du talent de celui que l’on surnommait « Il Pompierone » (« Le Pompier ») en rapport avec son ancienne profession qu’il exerçait en Suède. Si Ploeger ne s’imposera jamais chez la Vieille Dame, Nordahl explose tous les records à Milan. Il jouera avec les rossoneri jusqu’en 1956 en s’adjugeant à cinq reprises le titre de meilleur buteur de la Serie A : 35 buts lors de la saison 1949/50 (record absolu en Serie A pour une moyenne de 0.945/match), 34 lors de celle de 1950/51, 26 en 1952/53, 23 en 1953/54 et 27 lors de sa dernière pige milanaise 1954/55. Durant la saison 1956/1957, et comment beaucoup de grands noms milanais à l’époque, il est transféré à la Roma avec laquelle il va jouer deux ans avant de conclure sa carrière de joueur (non sans avoir remercié au préalable les tifosi lombards très chaleureusement dans une lettre publiée dans la presse locale). Gunnar Nordhal a été peut-être l’attaquant « pur », selon sa définition première, le plus fort de tous les temps.

Il fut le symbole de beaucoup d’avants-centres lors des générations suivantes. Avec ses 92 kilos de muscles et son tir surpuissant, il était capable de se jouer des défenseurs les plus rugueux de la Botte (ce qui n’était pas une mince affaire).

Nordahl est le meilleur buteur (toujours pas égalé) de l’histoire du Milan AC avec 221 buts en matchs officiels (le deuxième étant Shevchenko avec 173 réalisations). Mais il est aussi le buteur étranger le plus prolifique de la première division italienne (225 buts entre le Milan et la Roma) et tout simplement le second canonnier de l’histoire de la Serie A derrière Silvio Piola. Gunnar Nordahl s’en est allé tout à coup, sans déranger personne comme il le désirait. Il a dit adieu à la vie alors qu’il se trouvait à Alghero avec quelques touristes suédois pour un voyage… Mais il n’est pas mort à l’étranger, il est décédé dans cette Italie qu’il considérait, à juste titre, comme sa seconde patrie.

 
Bons baisers des Vikings !
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