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ACM-Z inside : Pour une géographie du football : le Milan, une mosaïque du monde…

 

 

Miroir expressif, élément essentiel d’une société en quête de référents et de références, le ballon rond attise toutes les réflexions et analyses. C’est à la relation migration-sport professionnel, un domaine dans lequel le Milan a toujours été en tête de pont, que nous allons nous intéresser. Il était légitime à cette occasion de poser un regard géographique sur cette question. Le football, devenu vaste spectacle à diffusion planétaire nous interroge en effet un peu plus tous les jours. Les effectifs des clubs de Serie A et des autres clubs européens sont devenus cosmopolites : finie la domination sans partage des natifs sur les arrivants, aujourd’hui un vent de mondialisation a soufflé.  

 

ACM-Z va porter une réflexion à l’échelle du Milan mais qui peut se lire aussi plus universellement. Servez vous donc un café, et dégustez le au travers de cette large analyse de l’un des pans de l’histoire rossonera…

1 : Panorama sportif d’une innovation devenue un poison.

 L‘ enfance d’un club et son envol : le club rossonero a une tradition « mondialiste » qui tient à ses racines et pourtant l’« Internazionale” ce n’est pas lui. Cette culture de l’ouverture, c’est presque un signe envoyé : le Milan, sera une équipe européenne. En partant d’Herbert Kiplin un des pères fondateurs britannique, en passant par les joueurs Gren, Nordhal et Liedholm suédois, Van Hege belge, sans fermer la porte à une touche sud-américaine. Les amis Schiaffino uruguayen ou Altafini brésilien, en seront les premiers ambassadeurs de marque. Chemin faisant, le Milan arrive en 1986, année de sa reprise par Don Silvio. L’homme d’affaires aux dents qui rayent le parquet va procéder à une révolution en deux temps : première phase de renforcement de l’équipe avec des nationaux comme Massaro, Donadoni et Galli. Deuxième phase avec un raz de marée venu de l’étranger : un ailleurs qui s’appelle alors Pays-Bas.

En 1987, le duo Van Basten-Gullit signe et va amener une touche de rêve : la notion de frontière commence à paraître plus floue, avec des moyens on peut attirer des noms même hors sol. Rebelote un an plus tard avec le troisième larron Oranje. S’ensuit ensuite une longue liste de numéros et de nationalités qui s’enchainent dans le tourbillon des mercato. Espoirs plus ou moins déçus, grandes réussites avec plus-values : plus que des échanges le Milan découvre le business, « la bourse des hommes » celle qui définit sa côte. Plus de limite, plus d’état d’âme : une nouvelle ère s’annonce. Y’a t-il encore une âme dans ce semblant de merchandising ? On voit bien des visages, des figures défiler mais on ne sait plus si c’est encore le Milan. Les couleurs sont là mais ne sont-elles pas passées ? Saignent-elles encore ? Signer un contrat pour 35 ou 40 millions est-ce une affaire de cœur ? Les tifosi s’enchantant des arrivées pourraient même les déclamer sur les victoires mais cela donne t-il de la joie ? Y’a comme un malaise fric sur la planète Milan et sur la planète foot…

 

Les débuts d’un mix improbable ! 

 

 

: Un recrutement mondialisé ?

 

Pour comprendre de plus près les faits exposés plus haut, tentons de répondre à une question simple : d’où viennent nos joueurs ? Depuis longtemps abordée à l’échelle planétaire, nous nous allons étudié celle-ci pour le Milan. Le professionnalisme a vu naître avec lui des questions concernant les grandes structures du territoire (hiérarchies, centralité, équipements).  Et la remise en cause des bordures qui séparent les pays avec. Les frontières continuent à jouer un rôle dans l’engagement de joueurs en limitant l’ampleur des flux internationaux. Le recrutement de footballeurs à l’étranger suit des logiques spatiales bien déterminées. Dans le cas du Milan et d’autres clubs, des aires de recrutement préférentielles existent. Ces dernières sont reliées aux États recruteurs par des liens d’ordre géographique (proximité spatiale, historique ou culturel voire linguistique).

Concrétement, des associations significatives se sont nouées : en Italie, la plupart des joueurs provenant de l’étranger est recrutée en Amérique latine. Cela pouvant s’expliquer par la présence ancienne de nombreux émigrés transalpins. D’ailleurs, les premiers joueurs extra-européens recrutés par des clubs italiens professionnels ont été des « oriundi », c’est-à-dire des émigrés d’origine italienne, tels que les Argentins Julio Libonatti et Raimundo Orsi dans les années 1920.

Plus qu’à une mondialisation du recrutement, le transfert international de joueurs suivrait donc des logiques spatiales : les clubs ne puisent pas au hasard mais dans « les sources d’approvisionnement qui ressemblent le plus aux sources locales en termes de climat, de culture, de langue et de style de football « .

Les temps changent…

: Une cartographie milanaise : le marché du travail.

Graphique représentant l’évolution de la provenance des joueurs du Milan sur ces 30 dernières années.

La notion de frontière a évolué et a besoin d’être interrogée voilà une belle occasion : en la questionnant à travers  la dynamique des échanges de joueurs dans le football européen et plus particulièrement au Milan, l’objectif est de mesurer l’ampleur des changements intervenus y compris avant 1995, considérée comme date charnière dans la mobilité des sportifs, avec l’arrêt « Bosman », des quotas limitant jusque-là la présence de joueurs possédant le passeport d’un pays membre de l’Union dans les clubs européens étant abolis, jetant ainsi les bases pour un développement des flux internationaux.

 Oui les grands clubs, très médiatiques, comme le Milan sont des chantres de la mondialisation. Mais la préservation, voire le renforcement des logiques géographiques n’est pas mort.

 Neuf saisons après l’entrée en vigueur de l’arrêt « Bosman », il apparaît que la part des joueurs exerçant leur profession en dehors du pays dans lequel ils ont été formés a augmenté. Une croissance exponentielle du nombre de joueurs non-nationaux entre 1995 et 2001 s’en suit. Puis une stagnation des saisons 2000 à 2004/2005.

 Si lors de la première période prise en compte le pourcentage moyen de footeux migrants internationaux par rapport aux joueurs nationaux a augmenté de plus de 17%, ce pourcentage est resté stable de 2000/2001 à 2004/2005. En Italie, à l’instar de leur nombre, la part de joueurs formés en dehors des frontières nationales a même diminué.

 Ce coup d’arrêt dans ce developpement semble indiquer qu’après avoir avancé dans le sens d’une plus forte perméabilité des frontières, l’avènement d’un marché commun européen des footballeurs rencontre des résistances.  La libre circulation pour sportifs communautaires n’ayant pas été abolie, la réactivation des frontières se fait par le partage de valeurs telles que la protection des clubs formateurs. L’emploi de joueurs locaux, capablent de pouvoir représenter les équipes nationales du pays dans lequel ils évoluent, est désiré par les responsables des fédérations, qui nourrissent l’espoir d’améliorer la performance de leurs sélections.

 Mais ce sont surtout les clubs de milieu ou de bas de tableau qui emploient le plus de joueurs nationaux, les équipes d’élite ayant toujours tendance à snober les frontières en poursuivant une politique de recrutement internationale. Les clubs les plus riches effectuent un recrutement large, tourné vers un « tri » des meilleurs joueurs des clubs concurrents. Les moins aisés eux jouent sur une logique inverse et repèrent les bons numéros de clubs modestes qui n’ont pas les moyens financiers pour offrir un avenir professionnel à leurs éléments les plus  prometteurs.

3:1 Du Royaume de sa majesté aux Pays Bas : premiers pas vers l’exil.

Contrairement à la logique pratiquée aujourd’hui ou naguère de piocher dans le bassin sud-américain, le Milan a au cours de ces quarante dernières années, jeté son dévolu sur des joueurs européens, une logique qui a changé après que les lois sur le recrutement aient changé tout comme l’environnement politique. Ainsi, des années 70 ont émergé l’unique et légendaire Karl-Heinz Schnellinger, international ouest-allemand, avant une réouverture des frontières durant les années 80, dont sa première moitié a vu l’arrivée exclusive de joueurs anglo-saxons, prisés par le président d’alors, Giussy Farina. Joe Jordan sera remplacé par Luther Blissett, qui lui-même sera remplacé par Mark Hateley. Ce dernier sera accompagné par Ray Wilkins, tandis que figure également dans cette période, un diable rouge, du nom d’Eric Gerets. L’échec de tous ces joueurs laisseront une trace dans le recrutement futur du Milan, où un seul anglais viendra par la suite, David Beckham. 

Pourquoi l’Angleterre ? Certainement pas pour une question de culture, bien que les romains aient réussi un temps à dompter les britanniques, la part d’immigrés italiens en Angleterre n’a jamais été dithyrambique. Dans le recensement de 2001, seule 0.2% de la population anglaise était native d’Italie, et on obtient le double en prenant en compte une estimation des anglais d’origine italienne. Ce n’est pas non plus une question de culture footballistique, surtout à cette époque avancée où l’hobbie de leurs entraineurs était le kick & rush, mais une question de réputation, les anglais dominant alors largement la scène européenne.

L’arrivée de Don Silvio va bousculer la donne Via Turati, faisant la part belle aux oranje, et à travers ce premier grand succès, on peut dire d’une certaine façon que Gullit et consorts ont tracé la route aux Seedorf et Emanuelson. Néanmoins, ça n’a pas non plus crée un engouement démesuré du coté du Milan, le recrutement n’a jamais été exclusivement tourné sur les néerlandais par la suite, du moins, avant l’Arrêt Bosman, lorsque Berlusconi et Galliani décident de s’offrir la dernière génération dorée de l’Ajax, en prenant tout d’abord Reiziger et Davids, qui seront rejoints par Bogarde et Kluivert. On passe de l’or au plaqué, ces joueurs étant épinglé non-seulement pour un échec sportif certain mais aussi par leur attitude communautariste. On peut parler d’un échec d’intégration, qui refroidira considérablement cette piste de recrutement, avant que Seedorf n’arrive avec Jaap Stam, mais ils viennent en ayant déjà fait leurs gammes en Italie.

 

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Pourquoi les Pays-Bas ? À l’instar de l’Angleterre, nulle question de culture, les italiens représentent 1% de ses immigrés, et aucun des joueurs venus n’avaient de relation particulière avec l’Italie. Ici, il est non-seulement question de réputation individuelle mais aussi collective. Gullit, le premier, arrive avec l’Europe à ses pieds, bien qu’il n’ait eu le loisir de briller que dans son championnat national. Van Basten également, a égayé l’Eredivisie, par son ratio incroyable de buts, mais a également joué un rôle majeur dans la victoire en Coupe des Vainqueurs de Coupes de l’Ajax, finissant deuxième meilleur buteur de la compétition. Rijkaard était également de cette Ajax-là, mais lui voulait rester, avant qu’un clash avec Cruyff vienne envenimer les choses, ce sera d’abord l’Espagne pour lui, puis le Milan, après la victoire de l’Euro 88. Tous ces joueurs répondent aux qualités physiques et techniques exigées par Arrigo Sacchi.

La seconde salve répondra à cette même logique de réputation, les 4 joueurs de l’Ajax ont tous été de la grande partie européenne, celle qui gagnera contre le Milan en 1995, avant d’échouer aux tirs-aux-buts face à la Juventus l’année suivante. Milan, meilleure équipe du monde et plus grosse puissance financière, n’aura aucune difficulté à engager ces joueurs, mais aucun d’entre eux ne parviendra à réussir pour des motifs divers. L’ironie du sort veut que Davids parte à la Juventus, et qu’il y laisse une trace indélébile à ses tifosi. Les trois autres feront la pluie et le beau temps du Barça version Van Gaal.

Concernant Seedorf et Stam, la logique est sportive, avec de véritables besoins à combler, pour Van Bommel et Emanuelson, ce sont les blessures et le coup attractif qui ont facilités leurs venues.

 

Outre la réputation, ces joueurs ont tous des facilités physiques évidentes, qui sont parfaitement utilisées dans leur championnat. Physique, et tactique, avec les trois premiers Oranje qui avaient l’étoffe et qui ont déjà joué soit dans le football-total de Michels, ou dans celui de Cruyff, ces modules se retrouvant par bribes dans la culture de jeu de l’Eredivisie, qui facilite les joueurs vifs et qui par ses espaces met en évidence les joueurs techniques. Et derrière ces caractéristiques se cache aussi la facilité de transfert, l’Eredivisie n’est pas un championnat suffisamment attractif pour retenir ses jeunes ambitieux, sportivement et financièrement, le coup de ces joueurs est donc réduit, encore plus lorsqu’il s’agissait des premières années de l’Arrêt Bosman.

 

3:2 Nord, est, sud : des conquêtes au goût exotiques  

 

 

S’il y a bien une chose à retenir de ces deux premiers points, c’est que la réputation fait tout, surtout à cette époque plus reculée où l’on n’avait pas une cellule de recrutement si ambitieuse et active. L’envie se créait à travers les medias, les journaux puis la télévision, et quoi de mieux pour dénicher le nouveau jeune qui monte que d’être affalé dans son canapé devant un match de coupe d’Europe ? Comme évoqué préalablement, la puissance sportive et financière du Milan facilitait grandement les choses, encore plus lorsque ses étrangers réussirent à grandir. La génération Sacchi était un vent d’espoir pour tout jeune européen qui voulait devenir le meilleur, et pour les clubs italiens, cette époque est idéale. Les règles concernant les transferts sont de plus en plus ouvertes, et la communauté européenne de travail est en marche, ses propres compétitions impliquent des clubs de pays bien plus pauvres, on parle ainsi de l’Europe de l’Est et de la Scandinavie.

Tiens, cette même Scandinavie a également laissé une trace dans l’historique du club avec le Gre-No-Li, et bien d’une année sur l’autre arrivent Jesper Blomqvist et Andreas Andersson. Leurs points communs, au-delà de la jeunesse ? Ils ont joué ensemble à l’IFK Göteborg. Blomqvist, demi-finaliste du Mondial ‘94, a été titulaire d’une équipe qui a surpris son monde peu après, en dominant sa poule de Ligue des Champions, faisant fi du Barça et de Manchester United, Blomqvist se fait une réputation en marquant le but de la victoire contre Barcelone et en inscrivant le premier but d’une victoire mémorable sur Manchester. Le parcours de son équipe s’arrête en quart, mais lui a obtenu un billet classe affaire pour Malpensa, lorsque deux ans plus tard il récidive, marquant à San Siro tout comme Andersson, et comme le jeune Andersson est meilleur buteur du championnat suédois et qu’il vient de jouer avec sa sélection, c’est suffisamment solide pour les recruter. Ce sera l’équation préférée du Milan post-Bosman.

 

C’est dans la même logique, mais en faisant plus attention au critère sportif, qu’arrivent  en période pré-Bosman, Dejan Savicevic et Jean-Pierre Papin, forts d’un très haut niveau attesté aussi bien en club qu’en sélection nationale, et emmenant leurs équipes très loin en Europe, voir le titre suprême pour l’Etoile-Rouge de Belgrade de Savicevic. Même contexte pour les signatures de Desailly et Weah, qui comme les deux premiers de ce paragraphe, ont eu la possibilité de jouer directement contre Milan, tandis que Boban a eu l’occasion de s’illustrer dans le championnat yougoslave, dans la même période que Savicevic, ce même Savicevic qui conseillera aux milanais Miodrag Vukotic, un flop total. Ce mythe des footballeurs de l’est si talentueux qui hante Milanello reviendra des années plus tard…

Cette pratique européenne se retrouvera dans les signatures de Shevchenko et Kaladze, compagnons de la dernière grande épopée européenne du Dynamo Kiev en C1. Les venues de Cosmin Contra et Javi Moreno, finalistes en C3 avec le surprenant Alavès, où encore Vikash Dhorasoo et Jon Dahl Tomasson, arrivant tous les deux sans indemnité de transfert, une opportunité devant laquelle le Milan sera attentif dans les années à venir. 

 

 

Les techniciens de l’est  : rigoureux et dévoués.

 

3:3 La voie de l’extrême : Quand le Milan sonne…trop brésilien ? 

 

 

Surgit le 21ème siècle et son accent do Brazil. Le premier brésilien du règne Berlusconi se nomme André Cruz, et ne laissera pas grand souvenir au sein de la défense centrale, oh non, le premier brésilien qui aura marqué ces vingt dernières années se nomme Leonardo. Arrivant du PSG, il va très vite se faire apprécier d’Adriano Galliani en particulier, et va développer une nouvelle route de transfert, menant tout droit le Brésil au Milan, et cela pas forcément en passant par le brasileirão, bien que ce soit de là qu’arrivèrent Dida, Serginho et Kakà. La réussite de ce dernier amènera bien des compatriotes à lorgner sur le Milan, même si le reste du contingent se révéla moins satisfaisant.

Kakà prendra son frère Digao dans ses bagages, et ils seront rejoints par un autre pauliste de passage, Marcio Amoroso. Puis vient la seconde moitié de la décennie, le Milan entre alors dans un déclin financier et sportif, la clé du recrutement est donnée à la cellule sud-américaine et particulièrement brésilienne, outre Leonardo, un autre ancien rentre dans cette cellule, Serginho, tandis que Cafu est devenu agent de joueurs au pays. On voudra alors relancer trois stars, Ronaldo, le petit Ronaldo et Emerson, accompagnés par quelques jeunes plus où moins prometteurs, Felipe Mattioni, Thiago Silva, Marcus Diniz et le benjamin, Pato. Puis on privilégiera de nouveau un brésilien sur le (faux) retour, Mancini, avant de signer six mois plus tard un joueur qui a des traits de visage similaires mais une fortune différente, Robinho.

 

Quels sont les motivations de ces choix ? Les stars dont la réputation où le niveau est sur la pente descendante sont négociables à moindre couts, et cette réputation permet au club de rentabiliser sur le plan marketing, de satisfaire une partie des tifosi, et de pouvoir concrètement espérer que ces joueurs puissent se relancer. Derrière cette logique se situe une nouvelle doctrine, qui émerge après l’Arrêt Bosman. Si avant on recrutait des joueurs étrangers capable d’effectuer un saut de qualité, et qui venaient dans la fleur de l’âge, c’est un tout autre mode de pensée qui s’impose. Désormais, on peut recruter des étrangers pour former la base de son équipe, ou pour égayer son banc, le joueur étranger est désormais privilégié au joueur italien, et ce raisonnement va plus loin, puisqu’il met en concurrence les jeunes italiens du vivier du club avec des jeunes étrangers qui ont la possibilité de jouer chez les professionnels dans leurs championnats nationaux. Maintenant on regarde également vers l’extérieur pour s’assurer les beaux jours futurs de l’équipe, en prenant des joueurs âgés tout juste de 20 ans où moins, pour l’équipe première où la Primavera. Cette idée se revendique à travers ces statistiques.

 

L’italien moyen qui a joué ou a été recruté dans les années 80 est resté en moyenne 3.8 ans au club, pour un chiffre arrondi de 80 apparitions, contre 3.5 ans et 73 apparitions pour le joueur étranger. Cette tendance s’inverse dans les années 90, où le joueur italien recruté où venu de la Primavera a passé en moyenne 2.7 années, pour 35 apparitions, contre 2.8 années et 53 apparitions pour le joueur étranger, tandis qu’il y a eu un vrai boom dans le recrutement de ces joueurs, avec à peu près 56 étrangers recruté contre 34 italiens dans les années 2000, un chiffre parfaitement équilibré une décennie plus-tôt.

 

 

Derrière cette idéologie globale, la fameuse route brésilienne n’est pas une exclusivité du Milan, et s’explique en plusieurs points très simples. Premièrement, la culture. On assimile souvent ce pays au football, dans une folie égalant celle que les néo-zélandais portent au rugby, et ces deux cultures ont la particularité d’en obtenir de grands résultats sportifs et une culture du jeu unique, qui booste la pratique du sport chez les plus jeunes, entrainant un nombre considérable de joueurs, qui pour la plupart viennent du futsal ou du foot de rue, ce qui travaille leurs qualités techniques. Des brésiliens, on attend le plus souvent vitesse, technique, spontanéité et une capacité à se porter vers l’avant, qui amène le plus souvent, les rossoneri à recruter des attaquants où des milieux relayeurs venant du brasileirao.

 

Ensuite, viennent se greffer les eléments historico-sociaux. Le Brésil a une culture à part entière, l’Italie a beaucoup joué dans son développement économique. Le prolétaire italien va remplacer l’esclave africain dans la seconde moitié du 19ème siècle, et un exode massif des nordistes italiens vers la terre braisée va alors survenir, pour ce qui reste aujourd’hui le premier pays étranger en terme de nombre d’immigrés italiens, et plus encore, ils représentent également au Brésil, le plus grand nombre d’immigrés, devant même le Portugal, et ce détail culturel facilite un autre aspect : le fameux passeport européen, si important pour rentrer dans les quotas imposés par les divers fédérations nationales.

 

Le dernier point qui pourrait tendre à disparaître dans les années à venir est le facteur économique. La situation du Brésil faisait que le rêve de ses joueurs était d’évoluer en Europe, non seulement pour jouer dans les plus grands championnats mais pour gagner aussi les meilleurs salaires possibles, ainsi, le flux de brésiliens quittant hâtivement le pays faisait que les clubs s’adaptaient par une politique de formation rude, comblant les trous laisser par des joueurs, pour certains âgés de 16 ans, ce cercle vicieux permet à ces jeunes de croitre plus rapidement que les européens de leurs générations, et ainsi, d’être privilégié par les grands clubs dans un premier temps, d’autant plus que la situation économique étant dure, ces grands clubs pouvaient les obtenir à un prix attractif.

 

Mais la situation a bien évolué. Le Brésil n’est plus un pays en voie de développement : sa croissance est telle qu’il s’impose comme un pays émergent incontounable et qui risque vite de faire fructifier le marche sportif et d’offrir à ses joueurs des salaires plus compétitifs, se permettant même de rapatrier ses bons éléments qui sont en difficulté en Europe. Cela augmentera la valeur financière du joueur, mais à terme, le fameux cercle vicieux pourrait être court-circuité, et le vivier brésilien, moins nombreux que son désormais, pauvre voisin argentin.

 

La famille brésilienne : entre attachements et fausses courtoisies

 

: Transnationaux, Multinationaux : des flux et des hommes

 

 

 

Graphiques recensants les différents « échanges » entre les championnats et le Milan sur 20 ans.   

Ou l’analyse des différentes étapes de la carrière des footballeurs « internationaux ».

Prenons l’exemple du parcours de Zlatan Ibrahimovic, à partir du moment où il a quitté son pays d’origine. Il a évolué de 2001 à 2004 à l’Ajax, avant de partir pour la Juventus en 2004. Avant de partir pour l’Espagne en 2009, il fera un passage par l’Inter, puis reviendra finalement en Italie…

À contrario d’un Gennaro Gattuso dont la trajectoire est relativement rectiligne : une seule incursion étrangère en Ecosse chez les Rangers. À l’image de beaucoup de joueurs nationaux dont la préoccupation tend aussi au lieu de leur formation.

Ce n’est sans doute pas pour rien que les transferts à l’intérieur d’un même pays sont nettement plus nombreux que les transferts internationaux. Les échanges de joueurs entre clubs sont toujours redevables des frontières. Les  joueurs non-nationaux présents dans les clubs italiens changent d’équipes « intra muros » près de deux fois plus qu’ils ne vont dans des clubs étrangers. Ce ratio montre l’existence de réseaux de transferts fortement structurés à l’échelle nationale. En Italie, le système de « prêts » de joueurs entre clubs contribue à augmenter les flux nationaux et à augmenter ainsi la valeur du ratio.

Un autre élément explicatif revêt une grande importance lorsqu’on parle de mobilité des footballeurs : l’intégration dans les réseaux de transfert. Dans le football professionnel, les changements de club sont presque toujours négociés par des agents. Ces véritables faiseurs de réseaux, jouent le rôle d’intermédiaires entre le joueur qu’ils assistent et le club désirant le recruter. En échange de ce travail, ils prélèvent un pourcentage sur les salaires de leurs clients. Pour chaque transfert réalisé, ils négocient avec le club qui se porte acquéreur un pourcentage sur le montant de la transaction effectuée. Les plus importantes sociétés de placement de joueurs possèdent des sièges et des collaborateurs dans de nombreux pays. La Pro Active Sports Group, créée en 1987 en Angleterre, s’occupe de la carrière de plus de 270 joueurs et possède dix sièges dans huit pays différents. Mino Raiola, l’agent de Zlatan Ibrahimovic est un as du domaine en ayant eu Nedved l’ancien ballon d’or tchèque ou encore le jeune Ballotelli dans sa liste de prestigieux clients. Obscur, à la limite de la régularité, il est tel qu’on l’imagine dans des romans : sourire en coin et dans l’ombre….

On peut considérer que dans ces flux de footballeurs, les frontières politiques entre États continuent à jouer un rôle important par le respect de celles-ci. Mais les réseaux de recrutements contribuent également à la reproduction de schémas qui perpétuent des logiques spatiales que la libre circulation était censée effacer. Le football loin d’illustrer un marché du travail « mondialisé »montre comment des fissures se creusent. Et il se permet même de faire des crises et de dépenser moins si nécessaire….une micro-société dont le Milan est un exemple flagrant. Au milieu des quotas qui divisent ou des rumeurs de replis, on attend de voir ce que le sport le plus excentrique du 21ème nous réserve encore…

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