Chantier permanent depuis l’été 2012, entre recrues douteuses et changements d’entraîneur, la défense centrale du Milan semble enfin avoir trouvé un peu de stabilité au terme de la première partie de saison. En effet, les performances de Gabriel Paletta et Alessio Romagnoli ont convaincu en terre rossonera et ont fait taire le scepticisme initial qui pouvait entourer le duo.
En soi, l’association des deux Italiens était loin d’être acquises l’été dernier. Tout d’abord, il faut se souvenir qu’en août 2015, lorsque Romagnoli a signé au Milan, Paletta avait été envoyé en prêt à l’Atalanta. Pourtant auteur d’une demi-saison satisfaisante à son arrivée en provenance de Parme, ce dernier n’entrait pas dans les plans de Sinisa Mihajlovic, qui avait annoncé que la permanence de Paletta au sein de l’effectif rossonero était impossible en cas de signature de Romagnoli. Finalement, le jeune romain avait rejoint le Milan contre 25 millions d’euros, expédiant son collègue plus âgé chez le voisin lombard, et se trouvait longtemps associé à Alex, pour un résultat plutôt probant.
Rebelote lors du dernier mercato estival, cette fois-ci sous la direction de Vincenzo Montella. Alex et Mexès partis, Zapata à l’infirmerie, Rodrigo Ely vissé sur le banc… Il ne restait donc plus que Paletta, revenu d’un prêt concluant. Dans ce contexte, l’ancien joueur de la Roma – fraîchement nommé entraîneur – pensait bien pouvoir profiter de l’argent chinois pour s’offrir un défenseur central à associer à Romagnoli.
Il jetait donc son dévolu sur Mateo Musacchio, défenseur central argentin de 26 ans et joueur de Villarreal. Si les deux clubs s’étaient bien entendus sur les modalités du transfert, il restait un détail (de taille !) à régler : l’argent. Le Milan n’avait en effet pas les 25 millions d’euros nécessaires pour s’attacher les services de l’Argentin. Rendez-vous manqué, donc, comme il est régulièrement de coutume au Milan ces derniers temps. Le club choisit de se rabattre sur l’inconnu Gustavo Gomez (8,5 millions d’euros) pour le rôle de troisième défenseur central dans la hiérarchie.
Finalement, l’aeroplanino s’en réfère à cette charnière incongrue, composée de Paletta et Romagnoli. Si elle pouvait sembler intéressante sur le papier pour certains observateurs, c’est plutôt le scepticisme qui entourait les débuts du duo. Romagnoli sortait d’une seconde partie de saison 2015-2016 moins flamboyante que la première et avait toujours collée au dos l’étiquette d’un jeune surpayé et imbus de lui-même, image due à une honteuse déformation des propos du joueur faite par La Gazzetta dello Sport suite à une interview.
De l’autre côté, Paletta, international italien à trois petites reprises, dégaine tout sauf sexy, style très physique et tempérament colérique, qui a connu ses plus belles heures en luttant pour le maintien avec Parme. Contre toute attente, malgré les railleries, la mayonnaise a pris, pour le plus grand bonheur du Milan.
Pourtant, les débuts sont quelque peu contrariés. Pour le compte de la première journée de Serie A, le Milan reçoit le Torino de Mihajlovic. Si le match est globalement sans encombre pour les rossoneri, Paletta se montre plutôt nerveux et écope d’un premier carton jaune en milieu de match. Enfin, dans les toutes dernières minutes, celui-ci commet une faute peu évidente dans la surface et reçoit son deuxième avertissement. Pénalty, carton rouge… Il faut un Gigio Donnarumma inspiré face au milanista Belotti pour que le Milan ne s’incline pas.
Suspendu, l’Italo-argentin laisse donc Gustavo Gomez faire ses grands débuts en Italie sur le terrain de Naples, avec une défaite 2-4 à la clé. Les retrouvailles entre Paletta et Romagnoli se font lors de la réception de l’Udinese, qui se termine par une défaite 0-1, rappelant les plus belles purges de l’ère Allegri/Inzaghi/Mihajlovic (entourer la bonne réponse).
Pour ses deux premiers matches, le duo ne s’est pas montré sous son meilleur jour, sans pour autant être catastrophique. Les performances positives se font enfin voir lors du déplacement victorieux à Gênes face à la Sampdoria, qui constitue le début d’une spirale positive pour toute l’équipe. Les deux compères se montrent particulièrement complémentaires, Romagnoli s’affirmant comme la caution mobile de cette charnière et Paletta excellant dans le rôle du déménageur.
Bien aidés par Donnarumma, les défenseurs permettent au Milan de ne pas encaisser de but lors de trois matches consécutifs. La belle série s’arrête à San Siro avec le match rocambolesque face à Sassuolo et l’absence de Romagnoli. Menés 3-1, les rossoneri s’imposent finalement 4-3 grâce à un dernier but marqué de la tête par un Paletta volant au-dessus de la défense neroverde.
Les résultats positifs s’enchaînent pour le Milan avec notamment une superbe prestation face à la Juventus. Ce soir-là, Paletta et Romagnoli ont muselé Higuain de la plus belle des manières, qui aura été transparent tout le match. Si cette partie constitue sans doute la meilleure performance de la défense centrale cette saison, il n’en faut pas moins souligner les très belles prestations de Donnarumma et Locatelli, qui avaient offert au Milan une colonne vertébrale particulièrement solides.
Toutefois, tout n’est pas toujours rose. A Gênes, face au Genoa, Paletta pète littéralement un plomb alors que le Milan est mené 1-0, lançant un impressionnant tacle avec les deux pieds décollés qui lui vaut une expulsion directe. Ensuite, les rossoneri boivent définitivement la tasse en jouant à dix (défaite 0-3). De même, fin novembre, alors que Romagnoli est blessé, le Milan concède l’égalisation dans le temps additionnel contre l’Inter.
Après le match, Paletta reconnaît le manque de concentration et l’erreur de marquage. La première partie de la saison 2016-2017 s’est conclue le 23 décembre dernier par une victoire méritée en Supercoppa face à la Juventus. Là encore, la charnière centrale milanaise s’est montrée inspirée et a une nouvelle fois été le maillon fort de l’équipe.
Pourtant, cette impression de sérénité peut être contrebalancée par quelques chiffres. Après 17 matches de championnat, le Milan compte 33 points, avec 20 buts encaissés. Si l’on s’intéresse aux mêmes données depuis 2010-2011 et le dernier scudetto, on voit que le Milan comptait cette saison-là 36 points et 16 buts encaissés. En 2011-2012, ces chiffres étaient sensiblement les mêmes (37 points, 16 buts encaissés), avant que Thiago Silva et Alessandro Nesta ne quittent le club.
La saison suivante, c’était 27 points et 22 buts encaissés. Le pire est atteint au cours de la saison 2013-2014 avec 19 points et 26 buts encaissés. Pour la saison sous les ordres d’Inzaghi, le Milan comptait 25 points pour 20 buts encaissés, puis 28 points et 21 buts encaissés avec Mihajlovic. Malgré des statistiques globalement inchangées par rapport aux exercices précédents et à la même période, il ne s’agit pas d’accabler uniquement la défense centrale.
En effet, depuis le début de la saison, des défaillances ont pu être constatées à d’autres niveaux : le milieu de terrain est sur courant alternatif et les latéraux se sont à plusieurs reprises signalés dans le mauvais sens. De même, Donnarumma ne s’est pas montré infaillible, notamment lors du dernier mois de compétition. L’équilibre est donc précaire dans cette équipe, alors même que Montella attend de ses défenseurs centraux qu’ils soient les premiers relanceurs du Milan. Avec ses 1470 minutes de jeu en 16 matches, Romagnoli est le troisième joueur le plus utilisé par le Mister.
A ce titre, il faut rappeler que l’ex défenseur de la Sampdoria a commis sa première faute de la saison lors de la neuvième journée de Serie A, face à la Juventus, après 656 minutes passées sur le terrain (pour seulement trois avertissements) ! Preuve, s’il en fallait, de ses incroyables capacités défensives. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas échappé au sélectionneur italien Giampiero Ventura, qui a offert sa première apparition en azzurro à Romagnoli en octobre contre l’Espagne. Ces chiffres sont légèrement moins flatteurs pour Paletta qui a récolté quatre avertissements et deux cartons rouges en 1346 minutes (15 matches).
Devant le rendement de ces deux joueurs, il vient logiquement à l’esprit de se demander si un nouveau changement de charnière centrale est nécessaire. Romagnoli, qui n’a que 21 ans (rappelons-le !), s’avère particulièrement fiable, performant et s’inscrit dans la durée au Milan, malgré l’intérêt prononcé de Chelsea et Antonio Conte. Paletta, quant à lui, ne déçoit pas et évolue sans aucun doute à son meilleur niveau à 30 ans (on le croirait plus âgé, n’est-ce pas ?).
Enfin installé, alliant jeunesse et expérience, ce duo complémentaire doit-il être chamboulé dès l’été prochain et une hypothétique enveloppe mercato importante ? Si recrutement il doit y avoir, ne faudrait-il pas se contenter de trouver de bonnes solutions de rechange pour la défense et plutôt privilégier les dépenses pour d’autres secteurs (comme l’attaque) ?
Ces questions restent en suspens mais demeurent pertinentes à l’approche d’un probable bouleversement au sein de la direction du Milan.