Dans la vie du XXIème siècle, pour pouvoir garder son emploi, il faut pouvoir se diversifier, s’adapter au marché qui ne cesse d’évoluer et cette règle vaut aussi pour Adriano Galliani. Si, au début de sa prise de pouvoir, il pouvait se permettre certaines folies dans les transferts comme avec Ruud Gullit, Rui Costa, Alessandro Nesta ou encore avec notre actuel entraineur Filippo Inzaghi, force est d’admettre que les choses ont bien changé en 30 ans.
L’avènement du fair play financier ainsi que l’arrivée de nouveaux richissimes propriétaires ont obligé Galliani à changer son fusil d’épaule : fini les achats de joueurs à plusieurs dizaines de millions d’euros et place à la réduction des dépenses et au low cost, plus que jamais devenu la ligne conductrice des mercati. Et ce n’est pas le dernier en date qui me contredira. Retraçons l’histoire du low cost rossonero.
Les premiers faits du low cost remontent à la saison 2008/2009. Même si le Milan parvient à attirer Ronaldinho et Gianluca Zambrotta de Barcelone (plus de 30 M de déboursés pour ce duo), à racheter grassement la copropriété de Marco Borriello du Genoa pour 9 M et à faire signer Thiago Silva en fin d’année civile pour 10 M en provenance de Fluminense, l’arrivée de Mathieu Flamini à paramètre zéro va devenir le chef de file de ce nouveau mouvement. On pourrait aussi citer les prêts de Philippe Senderos ou le retour de Andriy Shevchenko sans oublier Mattioni, Cardacio et Viudez qui peuvent aussi être placés dans cette catégorie des joueurs dit-low cost.
Et Flamini va devenir l’exemple type de ce « faux low cost ». Si Arsenal n’a rien perçu dans ce transfert, c’est tout l’inverse pour le milieu français. L’indemnité de transfert inexistante dans cette opération, le Milan va lui proposer un très gros salaire pour battre la concurrence dans ce dossier. Et l’addition va être salée : percevant un salaire net de 4 M par an – soit 8 M bruts – et étant resté 5 ans au club (dont une année où il a gagné 3.5 M bruts environ), l’ancien milieu marseillais a donc couté la bagatelle de 35.5 M au Milan. Pas très low cost pour un joueur qui n’est jamais vraiment arrivé à faire son trou en Italie.
L’intersaison qui suit voit le départ de Kakà au Real (68 M) mais aussi celui du « futur Zidane » Yoann Gourcuff pour 15 M à Bordeaux. Tous les supporters attendent donc de voir débarquer à Milanello un ou deux grand(s) joueur(s) pour, au minimum, palier l’absence du ballon d’or 2007. Seulement voilà, les seules dépenses du Milan seront pour Huntelaar (15 M, Real), Adiyiah (1.4 M, Fredrikstad) et le rachat de la copropriété d’Ignazio Abate au Torino pour 3 M environ. Et ce ne sont pas les arrivées d’Oguchi Onyewu (Standard de Liège, à paramètre zéro) ou de Mancini à l’hiver 2010 (Inter, en prêt) qui redonneront le sourire aux supporters.
En fait, il faudra attendre une année pour que le Milan redevienne protagoniste sur le marché des transferts. Acheté 75 M l’année précédente par Barcelone, Galliani parvient à racheter le contrat de Zlatan Ibrahimovic pour trois fois moins. Mais ce n’est pas tout : Robinho (18 M en provenance de City), Kevin Prince Boateng (9 M plus la copropriété du jeune Giacomo Beretta) et Sokratis Papastathopoulos (5 M plus différentes copropriétés de joueurs iront au Genoa en échange) et le gardien réserviste champion du monde en 2006 Marco Amelia (3.5 M, Genoa).
Les opérations à bas cout menées cette année là sont assez réflechies, comme en témoignent les arrivées de Mario Yepes venu reprendre le rôle de Giuseppe Favalli parti à la retraite, d’Antonio Cassano (1.7 M) et de Mark Van Bommel (laissé libre par le Bayern Munich) qui viennent palier les innombrables blessures que subit l’effectif rossonero en janvier. Trois autres joueurs viendront aussi en janvier et connaitront moins de réussite, à savoir Urby Emanuelson (1.7 M, Ajax Amsterdam), Didac Vilà (Espanyol de Barcelone, 3 M) et Nicola Legrottaglie (gratuit, Juventus). L’arrivée de Bruno Montelongo (River Plate mais le club évoluant en Uruguay) n’a vu son utilité que pour le quota d’extra communautaire. Et celle saison là, le Milan fut champion d’Italie pour la 18ème fois !
La saison 2011/2012 commence à montrer les limites. C’est la fameuse année où tous les supporters attendaient le fameux Mister X. Cesc Fabregas ou Marek Hamsik ? Et bien, aucun des deux : ce sera Alberto Aquilani en prêt avec option d’achat. Heureusement que son compatriote Antonio Nocerino réalisa cette saison là la saison de sa vie, et rentabilisa largement le demi million versé à Palerme.
Et les autres transferts, tous en low cost, ne vont pas faire relever le niveau du club. Citons : Philippe Mexes – et ses 4 M par an, salaire qu’il touche encore aujourd’hui – Taye Taiwo (Marseille) qui débarquent en été et Djamel Mesbah (Lecce, 0.6 M), Sulley Muntari (prêté par l’Inter) et Maxi Lopez (prêté par Catane) qui les rejoindront 6 mois plus tard. Fort heureusement, un petit jeune joueur italien portant le nom de Stephan El Shaarawy rejoindra les rangs rossoneri (12 M plus Alexander Merkel) après avoir fait parler de lui à Padova, en Serie B.
Révolution du coté de Via Turati pour commencer la saison 2012/2013 : Alessandro Nesta (Impact Montreal), Clarence Seedorf (Botafogo), Gennaro Gattuso (Sion), Filippo Inzaghi (fin de carrière), Gianluca Zambrotta (fin de carrière), et Mark Van Bommel (PSV) quittent le Milan AC et sont remplacés par Cristian Zapata (prêt payant de 500.000 plus option d’achat à 6 M, Villarreal), Riccardo Montolivo (gratuit de la Fiorentina), Bojan Krkic (prêté par le Barça), Kevin Constant (4 M pour la copro, Genoa) et Nigel De Jong (3.5 M, City). Des noms bien moins ronflants…
Et n’oublions pas que le duo Thiago Silva-Zlatan a été vendu au PSG pour plus de 60 M et que le club n’a acheté -en plus de De Jong déjà cité – que Giampaolo Pazzini (7.5 M + Cassano), M’Baye Niang (3 M, Caen) Francesco Acerbi (4 M, Chievo) et Gabriel (500.000, Cruzeiro). La famille des joueurs à paramètre zéro accueillera un nouveau membre dans sa famille en hiver avec l’arrivée de Cristian Zaccardo qui arrive de Parme en échange de Djamel Mesbah et du prêt de Rodney Strasser.
Et c’est lors de cette même période de transfert que le club signe son plus gros bide de l’ère low cost : Bakaye Traoré. Le malien débarque à Milan gratuitement à l’âge de 27 ans, lui qui n’a connu que la Ligue 2 à Amiens pendant 5 ans et le maintien en L1 avec Nancy pendant trois ans. Comment le Milan a-t-il pu croire que ce joueur allait réussir au Milan ? De plus, il touchait, à quelques centaines de milliers d’euros près, le même salaire qu’un certain Borja Valero.
Stephan El Shaarawy, puis Mario Balotelli arrivé à l’inter-saison en provenance de Manchester City (24 M) pour palier le départ d’Alexandre Pato au Corinthians pour 15 M, vont porter l’équipe sur leurs épaules et permettre au Milan d’accrocher la troisième place synonyme de préliminaires pour la ligue des champions.
La manière dont le Milan va dépenser son argent lors du mercato de l’été 2013 nous fait penser que le low cost n’est pas si mal que ça. En effet, si cela avait bien commencé avec les achats en copropriété d’Andrea Poli (2.5 M) et de Riccardo Saponara (4 M), investir les 12 M de la vente de Boateng à Schalke sur Alessandro Matri était une aussi bonne idée que de faire signer Bakaye Traoré 365 jours auparavant…
Toutefois, le bilan des joueurs arrivés « à paramètre zéro » est assez positif : le retour sous forme de prêt de l’ancien idole Kakà, couplée aux arrivées d’Adel Taarabt (prêt gratuit, QPR), d’Adil Rami (prêt gratuit, Valence) et, dans une moindre mesure, de Keisuke Honda (arrvé du CSKA Moscou à la fin de son contrat) en hiver vont apporter un plus à l’équipe. Trois ratages et demi sont à noter : celui de Matias Silvestre (prêt payant de 1 M, Inter), Michael Essien (laissé libre par Chelsea et payé 3 M nets par an au Milan), Valter Birsa (transfert gratuit, Genoa) et celui de Jherson Vergara (2 M, Universitario Popayan) à qui on peu encore laisser une chance au vu de son jeune âge.
Après une saison ratée, le Milan avait deux possibilités : faire un beau mercato pour retrouver une compétition européenne ou d’enfin miser sur les jeunes et « joueur le maintien » pour permettre à ces jeunes talents de grandir calmement. C’est bien sur la première solution qui a été choisie et Galliani l’a mise à la sauce low cost. Preuve en est avec les ventes d’Alberto Paloschi (3.5 M, Chievo) et Bryan Cristante (6 M, Benfica). Les départs de Kakà (libre), Robinho (en prêt à Santos), Kevin Constant (2.5 M à Trabzonspor) et de Mario Balotelli (20 M à Liverpool) ont quant à eux permis de rapporter plus de 30 M d’euros et de diminuer la masse salariale de plus de 20 M, et aux supporters d’espérer de voir leur club de cœur investir dans les transferts.
Juan Iturbe, Alessio Cerci, Jackson Martinez ou encore Mattia Destro ont tous été cités au Milan mais au final, aucun des deux n’est arrivé au Milan : le Milan n’avait qu’en enveloppe de 12 M prévues pour les transferts. Une somme pas assez élevée pour espérer attirer un joueur confirmé. Pour cette raison, Adriano Galliani a agi avec patience et intelligence sur le marché, en essayant de chercher des occasions avec le meilleur rapport qualité-prix.
Et ce mercato a été plutôt bien pensé, voire réussi, si on le compare aux précédents. En plus d’avoir dégraissé le noyau, l’administrateur délégué a réussi à fournir une équipe complète à son nouvel entraineur en ne dépensant que 16.5 petits millions d’euros et a réussi à palier en partie le manque à gagner de la non qualification pour la ligue des champions. Voici l’équipe des nouveaux :
Diego Lopez (Agazzi); Albertazzi, Alex, Rami, Armero; Poli, van Ginkel, Saponara; Menez, Torres, Bonaventura.
Et il y a du beau monde dans cette équipe : l’ex-gardien titulaire du Real de Madrid, un bon défenseur d’expérience en la personne d’Alex et un Fernando Torres revanchard après son échec londonien. Même si le joueur est bien loin de son niveau lorsqu’il était chez les Reds, il a un profil mieux adapté pour jouer seul en pointe que ne l’est Balotelli. Espérons qu’Inzaghi pourra redonner une seconde jeunesse à El Nino. Sans oublier le dernier coup de dernière minute Giacomo Bonaventura, surtout là pour mieux faire passer la pilule Bryan Cristante ?
Le low cost est plus que jamais le vrai projet du club. Le projet jeune, s’il existe, devra encore attendre avant de voir le jour. L’équipe pour cette saison à l’air bien plus compétitive que celle de l’an passé. L’ère des bad boys semble terminée, comme l’a souhaité Inzaghi qui compte désormais sur des hommes plus que sur des joueurs. Voilà peut-être l’explication du non retour d’Adel Taarabt au profit d’un Bonaventura…
Mais il reste encore des choses à améliorer car le low cost a créé une nouvelle catégorie de joueurs : les indésirables : des joueurs qui sont au Milan mais dont le club ne veut plus. Parmi eux, nous pouvons citer Michael Agazzi, qui fera le troisième gardien alors qu’il était venu à la base pour reprendre le rôle de Marco Amelia, Cristian Zaccardo, qui a refusé de rejoindre Parme, Michelangelo Albertazzi, qui a refusé l’offre de La Spezia (on peut comprendre qu’il ne veule pas rejouer en Serie B) ainsi que deux des cinq plus gros salaires du club : Philippe Mexes (4 M nets) et Michael Essien (3 M nets).
Sans oublier que si le club a su se séparer de beaucoup d’éléments de son noyau, un nombre certains de joueurs ne sont partis que sous forme de prêt comme Matri, Robinho, Nocerino ou Birsa. Des joueurs qui reviendront gonfler la masse salariale mais aucunement renforcer l’équipe.