A la veille de ce qui devait être la 26ème journée de Serie A avec la réception du Genoa à San Siro, Zvonimir Boban est sortie de sa réserve via une interview accordée à La Gazzetta dello Sport et a lancé un véritable pavé dans la mare de la direction du club. Le responsable des activités football du Milan a ainsi étalé au grand jour les dissensions existant entre la direction sportive – composée notamment de Paolo Maldini et lui – et la direction économico-financière menée par Ivan Gazidis, placé à ce poste par le fonds d’investissement Elliott. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Boban n’y va pas avec le dos de la cuillère.
La semaine passée, l’administrateur-délégué Ivan Gazidis a balayé les rumeurs en disant qu’il n’y avait pas deux visions différentes au Milan. Qu’en pensez-vous ?
« En prenant acte de mes difficultés initiales, des différences culturelles et des passions rossonere bien différentes, avec quelques divergences de vues et d’opinions, moi aussi je pensais qu’il n’y avait pas deux visions différentes au club, jusqu’à il y a quelques jours. »
Ensuite, il y a eu les rumeurs sur Ralf Rangnick (entraîneur allemand actuellement responsable du football chez Red Bull, dont le nom est annoncé avec insistance au Milan, ndlr) : il y aurait effectivement eu des contacts avec le manager allemand et cela n’est pas bon pour le club et n’aide pas au travail de la direction technique.
« Le fait que nous parlions de ces choses ne fait du bien à personne, surtout à la veille d’une rencontre importante, comme le sont toutes celles que nous disputons. Le pire, c’est que cet événement déstabilisant s’est produit à un moment où l’équipe s’améliore et où l’on voit le bon travail de Pioli, à un moment où l’on perçoit que de meilleures choses se passent. Ne pas nous prévenir a été quelque chose d’irrespectueux et inélégant. Ce n’est pas « da Milan ». De ce dont on se souvient du Milan, en tout cas. »
Donc il n’y a pas d’unité ? Il n’existe pas un système de travail unique pour arriver à un grand Milan ?
« Selon moi, l’unité, c’est le partage et le respect. En fin de compte, la base de tout est d’avoir cette approche, c’est la seule façon de bien travailler et de se sentir bien. »
Avez-vous demandé des éclaircissements à Gazidis ? Depuis combien de temps ne vous parlez-vous plus ?
« Avec Gazidis, nous avons déjà parlé. Pour le bien du Milan, il est en tout cas nécessaire qu’une rencontre avec le propriétaire intervienne le plus rapidement possible. »
Vous avez quitté la FIFA car vous aviez de grands projets avec Paolo Maldini…
« Je suis heureux de partager et de vivre ce moment avec un grand ami, avec qui je rêvais de travailler depuis longtemps. Paolo représente mieux que personne l’histoire et l’appartenance au Milan, c’est une bonne personne, avec beaucoup de classe et c’est désormais un dirigeant crédible et efficace. Le mercato estival a été dynamique et finalement positif. Ensuite, il y a eu un début de championnat très insatisfaisant pour lequel nous assumons nos responsabilités, avec un changement d’entraîneur et la construction d’une base solide pour un projet qui a été pensé sur au moins trois ans. Voilà la synthèse de notre travail jusqu’à présent. »
Avec quel budget pourriez-vous travailler dans le futur ?
« Le propriétaire du club doit être clair tant sur le budget que sur les objectifs. En somme, nous, nous devons respecter les exigences d’équilibre économique et financier pour garantir une gestion correcte et saine du club et le propriétaire doit respecter des aspects sportifs confiés à ceux qui représentent l’histoire et la valeur d’un grand club. »
Donc vous n’en avez aucune idée.
« Pour le moment, malgré les efforts faits durant le mercato de janvier et toutes les coupes budgétaires, avec deux départs importants et la diminution de la masse salariale, nous ne savons pas quelle sera notre marge de manoeuvre. »
Un des problèmes à résoudre est celui du renouvellement du contrat d’Ibrahimović.
« Tout le monde voit l’impact qu’a eu Zlatan. C’est un joueur spécial et je ne crois pas qu’il y ait des doutes sur le fait que nous devrions travailler dès aujourd’hui sur un renouvellement de son contrat pour la prochaine saison, peu important le résultat final de la saison. »
Il y a aussi le problème du renouvellement du contrat de Begović et surtout de Kjær.
« Je n’ai rien à ajouter par rapport à ce que nous avons vu sur le terrain. Ce sont des joueurs d’expérience qui ont rendu le Milan plus solide, il est probable qu’ils le fassent encore dans les prochaines saisons. »
Il y a la politique des jeunes défendue par Elliott comme un dogme, que vous partager. Mais il y a aussi des limites : comme l’a dit plusieurs fois Maldini, une équipe de jeunes n’a jamais rien gagné…
« On nous a demandé de rajeunir l’effectif et nous l’avons fait tout en soutenant qu’il faut un juste milieu entre jeunesse et expérience. Le mercato hivernal a prouvé que nous avions raison, il suffit de voir comme les jeunes ont grandi en peu de temps. »
Finalement, il y a une entente sur la stratégie ou non ?
« Nous, nous sommes sûrs que le Milan n’a qu’une issue : penser en grand, tout simplement car il s’appelle Milan, il a derrière lui 120 ans d’une histoire faite de succès et il a gagné sept fois la Champions League. »
Alors quand verrons-nous un tel Milan, capable de lutter pour retourner en Champions League ?
« Il faut déjà finir la saison et voir où nous arriverons, mais c’est déjà un Milan différent. Nous ne disons pas qu’il faut gagner dès la saison prochaine mais nous devons être compétitifs et lutter face à tout le monde, au moins en Italie. Nous sommes bien conscients que nous ne sommes pas en présence du Milan de l’époque mais il faut au moins avoir une vraie ambition qui puisse te faire rêver. »
Dans un rôle ou un autre, Ibrahimović restera-t-il ?
« Le premier à l’avoir appelé a été Paolo, puis j’ai pris le relais du fait de la langue et du caractère balkanique que nous avons en commun. Ca a été amusant quand il m’a appelé vers 10h du soir la veille de Noël en me disant « Boban, félicitations au Milan, vous avez pris Ibrahimović, Joyeux Noël et à bientôt ». Toutefois, l’aval de Londres est arrivé quasi immédiatement. Nous espérons pouvoir aller de l’avant. »
Il y a besoin de grands joueurs – pas forcément âgés – et de joueurs d’avenir pour ramener le Milan au sommet. Il faut aussi un stade, d’après le propriétaire. C’est une priorité pour Elliott. Qu’en pensez-vous ?
« C’est une bonne chose et il faut le faire, ce serait très beau pour la ville de football la plus important au monde. Cela dit, le nouveau San Siro avec les standards les plus avancés serait grandiose et je crois qu’Elliott, avec ses dirigeants, serait capable de faire un chef d’oeuvre architectural de calibre mondial. »
Beaucoup de gens disent que le propriétaire est trop éloigné de la gestion des clubs de football et de la société italienne. Qu’en pensez-vous ?
« Nous, nous savons à quel point il est important d’avoir une identité milanaise et italienne. On peut l’inculquer aux joueurs étrangers, je pense qu’il y a beaucoup d’exemples. Nous comprenons que ça soit difficile à assimiler par un propriétaire étranger mais c’est un passage fondamental. On ne doit jamais arriver à une « désitalianisation » et à une « démilanisation » du club, ce serait comme perdre notre âme. Et je le dis en tant que patriote croate qui aime ce club, cette ville et cette magnifique terre. »