Après plus de quatre ans de rumeurs incessantes, le retour de Zlatan Ibrahimović au Milan s’est réalisé il y a quelques jours avec la signature du Suédois pour six mois et une année en option. A 38 ans, l’ex rossonero réalise donc un come-back surprenant dans un de ses anciens clubs qui sombre de saison en saison. S’il a bien le mérite de faire parler de cette équipe en déliquescence, ce retour d’un des personnages les plus médiatiques du football mondial illustre cruellement le manque d’idées de la direction du club et la faillite d’un projet finalement inexistant.
Non, le retour de Zlatan Ibrahimović au Milan n’est pas une bonne chose. Certes, depuis sa signature en fin de semaine dernière, toute la communication du club sur ses canaux de diffusion tant à nous présenter le Suédois comme le sauveur du peuple, à grand renfort d’images de ses buts inscrits sous la tunique rossonera lors de son passage entre 2010 et 2012. Pourtant, depuis cette période, les choses ont changé : Ibrahimović s’est contenté de marcher sur la triste Ligue 1 avec la machine PSG, puis a commencé à marquer le pas notamment d’un point de vue physique avec Manchester United avant de s’autoproclamer roi d’un championnat au niveau famélique sous les couleurs du Los Angeles Galaxy pendant deux ans. C’est donc – si l’on en croit le club – un joueur de 38 ans parti en pré-retraite aux États-Unis qui devrait sauver la saison d’un Milan à l’agonie en cette fin de décennie, contre trois millions d’euros de salaire pour six petits mois.
Finalement, c’est bien là que le bât blesse. Ibrahimović, s’il semble bien content de ne pas partir immédiatement à la retraite grâce à la seule véritable proposition d’emploi qu’il a reçu, symbolise à lui seul la faillite du Milan an 2 du fonds d’investissement Elliott. Le trio à la direction sportive formé par Paolo Maldini, Zvonimir Boban et Frederic Massara s’était déjà désavoué, ou tout du moins s’était fait désavouer par ses supérieurs, il y a plusieurs semaines en licenciant Marco Giampaolo, pourtant présenté comme le porteur du projet du futur Milan jeune et compétitif. Ces mêmes personnes n’ont pas jugé bon d’investir sur un entraîneur aguerri comme Luciano Spalletti afin de remplacer le disciple de Sarri mais se sont contentées d’un Mister habitué aux luttes pour le maintien avec Stefano Pioli.
Encore un projet mis en échec à peine lancé, donc, comme tous ceux qui se sont succédés lors de cette triste décennie de déclassement. Outre la question de l’entraîneur, c’est aussi un énième mercato raté pour le Milan, avec des recrues qui ne prennent que péniblement la place des titulaires et des départs qui n’ont pas été aussi nombreux qu’espérés. L’animation offensive, point faible du Milan depuis plusieurs saisons, n’a pas été améliorée avec le mercato et c’est même le contraire puisque les insupportables Suso et Calhanoglu sont toujours en place, au soutien d’un Piatek qui semble bien parti pour n’être que le tube d’une saison et d’un Leão médiocre et peu concerné. Prise de panique devant sa propre absence d’idées, la direction sportive – qui a bien remarqué la stérilité offensive de son équipe (16 buts marqués en 17 journées, 16ème attaque de Serie A) – s’est donc tournée cet hiver vers le recrutement d’un énième attaquant de pointe avec la solution de la soupe réchauffée en la personne d’Ibrahimović.
N’ayant pas voulu payer la somme nécessaire afin de libérer Luciano Spalletti de ses liens avec l’Inter qu’il avait quitté en juin dernier, ce qui aurait pourtant permis au Milan d’engager enfin un entraîneur viable, la direction sportive a tout de même trouvé les moyens d’offrir un potentiel gros contrat à un pré-retraité dont le niveau réel demeure une inconnue majeure. En outre, comment espérer qu’en six mois Ibrahimović fasse mieux que les autres attaquants ayant occupé son poste après son départ en 2012 alors que l’animation offensive n’évoluera pas d’ici à la fin de la saison ? On rétorquera que le Milan aura au moins un leader de vestiaire dans son groupe avec Ibrahimović mais comment peut-on espérer qu’un personnage aussi imbu de lui-même puisse mettre une secousse dans un groupe gangréné par des énergumènes plus occupés à alimenter leur compte Instagram en photos de leur week-end aux Baléares qu’à tenter de sortir leur club de l’ornière dans laquelle il s’enfonce inexorablement ? Occuper l’espace médiatique et vendre des maillots ne sont-ils finalement pas les seuls points positifs du retour du Suédois ?
En définitive, la direction sportive mise en place l’été dernier poursuit la tradition installée par ses prédécesseurs : promettre un grand projet de refonte devant permettre un retour du Milan au premier plan, avant que ce même projet ne soit renié au bout de six mois par manque d’idées. Ces fameux projets sont tous sacrifiés par des changements de cap à répétition qui négligent les principaux problèmes de l’équipe depuis plusieurs saisons, à savoir le milieu de terrain, la création et l’installation d’un entraîneur capable, malgré des millions dépensés à qui mieux mieux en transferts et salaires. Le retour d’Ibrahimović en est un énième exemple : le navire Milan vogue encore et toujours sur les eaux troubles du court-termisme.