Demain soir, le Milan lancera sa saison de Serie A édition 2020-2021 par la réception de Bologna dans un San Siro toujours privé de spectateurs. Il y a encore trois mois, personne n’imaginait que Stefano Pioli serait encore là pour ce début d’exercice. Toute l’attention du microcosme rossonero et des médias italiens était tournée vers Ralf Rangnick, le gourou de la section football de Red Bull, qui devait rejoindre le Milan pour sauver le club du naufrage avec une politique de valorisation/vente de jeunes joueurs. Or, à la faveur d’un improbable retournement de situation (et de six semaines de résultats comme on en voyait plus depuis longtemps), Pioli est finalement resté : le traghettatore arrivé par défaut devenait ainsi l’homme de la situation, bénéficiant d’une prolongation de contrat jusqu’en 2022. Le plus dur arrive donc maintenant pour le natif de Parme. Il va devoir passer le cap de la première saison complète à la tête de son équipe, chose qui ne lui est quasiment jamais arrivée dans sa carrière.
Hors équipes de jeunes, Stefano Pioli a entraîné treize clubs différents en dix-sept ans, son parcours de Mister dans des équipes professionnelles ayant débuté en 2003 du côté de la Salernitana. En outre, il a connu en tout six renvois et a posé une fois sa démission. Des chiffres inquiétants, donc, qui n’avaient pas manqué d’alimenter la réprobation des tifosi lorsque Pioli avait été nommé en remplacement de Marco Giampaolo en octobre 2019. Il faut dire que ses premiers mois à la tête du Milan allaient bien dans le sens de cette inquiétude générale, tant les rossoneri peinaient à tous les niveaux, avec en point d’orgue une terrible humiliation sur la pelouse de l’Atalanta à la veille de la trêve de Noël. En fin de compte, était-ce bien anormal pour un entraîneur qui a passé l’essentiel de sa carrière à lutter dans la deuxième partie de tableau de Serie A ? A l’exception d’une troisième place acquise en 2015 avec la Lazio, les faits d’arme de Pioli n’ont même pas besoin d’une main complète pour être comptés.
Pourtant, la reprise du championnat après trois mois de suspension suite à la crise sanitaire liée au Covid-19 a offert au Mister une scène inattendue pour se mettre en valeur, glanant au passage une prolongation de contrat. Cela ne vous rappelle rien ? Il paraît que l’Histoire est un éternel recommencement : comme Montella et Gattuso avant lui, une simple bonne période de résultats dans ce contexte très particulier a permis à Pioli de se voir offrir une prolongation de contrat et l’on sait très bien que cela n’a pas été une réussite pour ses prédécesseurs. Alors que le Milan aura cette année encore l’objectif de finir dans les quatre premiers du championnat pour accrocher la qualification à la lucrative Champions League, le club peut-il raisonnablement compter sur un entraîneur aussi instable pour y parvenir ? En effet, Pioli n’est certainement pas un gage de stabilité. Au cours de sa carrière, il n’a jamais tenu plus d’une saison complète sur le banc d’une même équipe. Il a connu sa plus longue période à la tête d’un même club avec Bologna, où il était arrivé en cours de saison en octobre 2011, avant de passer toute la saison 2012-2013 chez les rossoblù puis d’être viré en janvier 2014.
Une instabilité chronique et inquiétante à rebours de ce que recherche le Milan depuis des années, qui a connu neuf entraîneurs différents depuis la saison 2013-2014. Il reste à savoir si les conditions sont réunies pour la permanence de Pioli dans le projet du Milan et il semble que la réponse soit plutôt positive. La direction sportive du club a enfin gagné en stabilité malgré l’échec Giampaolo puisque les recrues de l’été 2019 du duo Maldini-Massara ont globalement donné satisfaction – le destin dudit duo ayant tout de même été très lié à celui de Pioli – ce qui lui a donc permis de poursuivre sa collaboration avec Gazidis. En outre, les têtes pensantes du club sont enclines à satisfaire le Mister sur le mercato : Ibrahimović a été prolongé, le milieu a été renforcé avec Tonali, un défenseur central est aussi visé… Bref, tout semble fait pour contenter Pioli et lui permettre de produire une saison aux résultats proches voire équivalents, pour les plus optimistes, aux fameuses six semaines post confinement. Tout n’est pas encore fait, évidemment. Il y a peu de conclusions à tirer du match de jeudi dernier contre une faible équipe du Shamrock Rovers, les premières journées de Serie A seront le véritable révélateur du travail de Pioli et conditionneront la suite de la saison rossonera. En espérant, bien sûr, que le Mister ne soit pas repris par ses vieux démons.