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Milan, UEFA et voluntary agreement

Vendredi dernier, alors que les tifosi s’enivraient d’officialisations et de rumeurs de transfert, le Milan publiait sur son site officiel un communiqué qui – s’il a bien retenu l’attention du peuple rossonero – n’était pas particulièrement compris par tous :

« Ne disposant pas du temps nécessaire pour trouver un terrain d’entente satisfaisant et en accord avec la Commission de l’UEFA compétente, l’AC Milan communique qu’il a été décidé de retirer la demande de voluntary agreement présentée en décembre 2016 dans le but d’en présenter une autre version qui sera étudiée avec l’UEFA à l’automne 2017. L’accord résultant produirait ses effets à partir de la saison 2018-2019. »

Au milieu de cette déclaration laconique, c’est bien l’expression de « voluntary agreement » qui suscite le plus d’interrogations. Ainsi, nous vous proposons ici une tentative d’explication et d’éclaircissement de ces mots qui, s’ils attirent la méfiance, ne sont pas pour autant mauvais signe pour le Milan version Rossoneri Sport Investment. Alors, qu’est-ce que le voluntary agreement ?

Depuis 2010, les clubs participant aux compétitions internationales organisées par l’UEFA doivent respecter le fameux fair-play financier (FPF). Le site de l’UEFA l’explique très bien  de manière succincte : cela correspond, pour ces clubs, à « prouver, pendant toute la saison, qu’ils n’ont pas d’arriérés de paiement envers d’autres clubs, leurs joueurs et les administrations sociales/fiscales » tout en respectant « les exigences relatives à l’équilibre financier, en principe ne pas dépenser plus qu’ils ne gagnent ». Cette vision relativement simpliste est entourée de dispositions plus spécifiques – comme le prouve le règlement UEFA Club Licensing and Financial Fair Play Regulations (voir ici, en anglais) – qui font du FPF une véritable usine à gaz.

 

A photo taken on April 6, 2016 shows the logo of European football body UEFA at the UEFA headquarters in Nyon. Swiss police raided the headquarters of European football body UEFA on April 6 following the latest revelations of a web of Panama-based offshore financial dealings by the rich and famous. The raid came after the so-called Panama Papers revealed that newly elected FIFA president Gianni Infantino signed TV rights contracts for the Champions League with a company headed by two defendants later caught up in the corruption scandal that engulfed football's world body.  / AFP PHOTO / FABRICE COFFRINI

 

En l’espèce, ce qui nous intéresse dans le document cité à l’instant est son chapitre 2 (Monitoring requirements) de la partie III (UEFA Club monitoring). Dans le cadre du respect du FPF, le corps de contrôle financier des clubs de l’UEFA peut décider de conclure un accord avec un club souhaitant se mettre en conformité avec le FPF dans un laps de temps déterminé. La demande – qui émane forcément du club – ne peut être reçue que dans certaines circonstances, comme le souligne l’alinéa 5 de l’article 57 (Scope of application and exemption). Cet article renvoie à l’annexe XII, dénommée « Voluntary agreements for break-even requirement ».

Cette annexe institue donc un voluntary agreement/accord volontaire – à l’initiative d’un club – afin de déterminer un plan permettant à ce club de respecter le FPF le plus rapidement possible, en se mettant à l’abri de sanctions. Pour qu’un club soit éligible à une telle procédure, il doit respecter au moins une de ces trois conditions :

  • le club en question doit avoir reçu de la part de son organe national compétent (la Lega Calcio en l’espèce) une licence valide pour participer aux compétitions de l’UEFA, sans que ce club n’ait été qualifié pour une compétition de l’UEFA la saison précédent l’entrée en vigueur de l’accord volontaire, ou ;
  • ce club doit être qualifié pour une compétition de l’UEFA et il doit avoir respecté la nécessité d’équilibre de son bilan financier précédant l’entrée en vigueur de l’accord volontaire, ou ;
  • le club demandeur doit avoir subi un changement significatif dans sa propriété et/ou dans les participations à son contrôle dans les 12 mois précédents l’échéance de la demande.

De plus, le club en question ne doit pas avoir conclu un accord volontaire dans les trois ans précédant, il ne doit pas être soumis à une sanction disciplinaire rendue dans le cadre du FPF ou il ne doit pas être engagé par un accord amiable* conclu avec l’UEFA.

Venons-en au contenu du voluntary agreement, qui contient des engagements de plusieurs ordres à la charge du club demandeur. En premier lieu, l’accord permet de présenter un business plan à long terme (comprenant le patrimoine du club, une projection de ses pertes et revenus calculée en vertu d’hypothèses « raisonnables et prudentes ») qui doit inclure des informations concernant l’atteinte de l’équilibre financier dans une période maximale de quatre ans. Deuxième point : le club doit y démontrer sa capacité à être viable jusqu’à la fin de cette période. Enfin, le club doit aussi prouver qu’il est en mesure d’atteindre les objectifs fixés en accord avec le bureau d’enquête du corps de contrôle financier des clubs de l’UEFA.

De même, le club doit fournir l’engagement de la part d’un de ses actionnaires et/ou du propriétaire et/ou d’une tierce partie à soutenir le club pour un montant au moins égal au déficit prévu pour toute la durée des périodes de référence de l’accord. Cet engagement doit être juridiquement contraignant pour toutes les parties et il doit être garanti par un versement significatif sur les comptes du club, ou par la garantie apportée par une autre société, ou par toute autre forme de garantie que le bureau d’enquête du corps de contrôle financier des clubs de l’UEFA retiendra comme satisfaisante. De plus, dans le cadre de l’accord volontaire, le club s’engage à fournir régulièrement à l’UEFA des informations quant à sa situation financière.

Le non respect de l’accord volontaire et des temps de passage entraînera évidemment des sanctions. Celles-ci peuvent être très différentes : limitation du nombre de joueurs inscrits sur la liste UEFA, interdiction d’inscrire sur la liste UEFA un certain nombre de recrues, sanctions financières…

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Après ces explications que nous espérons être les plus claires possibles, il est temps de s’intéresser aux raisons qui ont conduit à ce que le Milan publie le communiqué reproduit en début d’article.

En décembre dernier, le Milan s’est donc rapproché de l’UEFA quant à la conclusion d’un voluntary agreement. Cette ‘auto-dénonciation’ de la santé financière morose du club devait intervenir dans le cadre de la vente du club; c’est pourquoi Marco Fassone – alors même que le closing était sans cesse repoussé – avait travaillé avec Barbara Berlusconi pour délimiter les contours du dossier milanais. Le but était simple : élaborer un programme réaliste d’augmentation des recettes et de comblement du déficit de façon à ce que la société AC Milan puisse passer outre le FPF pendant une période de quatre ans, au terme de laquelle elle respecterait pleinement les conditions du FPF.

Premier club de l’histoire à utiliser cette possibilité, le Milan avait donc proposé un accord volontaire à l’UEFA. Entre temps, la vente du club a été réalisée mais selon des modalités différentes que celles envisagées jusque fin mars, avec la mort prématurée de Sino-Europe Sports et l’avènement de Rossoneri Sport Investment. Le nouveau Milan étant financièrement bien différent de celui imaginé entre août 2016 et mars 2017, le dossier proposé à l’UEFA s’avérait déjà dépassé. C’est pourquoi celui-ci a été retiré par le club afin d’en présenter une nouvelle version à l’automne prochain.

Selon l’agence de presse ANSA, si le Milan a retiré son premier dossier, cela serait aussi lié aux doutes qu’aurait émis l’UEFA concernant la structure mise en place par Yonghong Li et ses capacités de financement. Du côté du club, seul l’optimisme a filtré à l’égard de ces considérations administratives. Si le montant de l’argent à disposition du nouveau président du club a longuement prêté à débat, tant les tifosi que l’UEFA et la Lega Calcio ont été rassurés par la réalisation du closing et les premières dépenses sur le mercato.

En définitive, ce voluntary agreement qui n’interviendra qu’à l’automne 2017 n’impactera pas immédiatement le mercato du club rossonero. Des conséquences (type restriction de recrutement) seraient envisageables à compter de la saison 2019-2020 si le Milan ne respectait pas l’accord volontaire. La nouvelle direction a donc tout intérêt à ce que ce plan soit réalisable et surtout réalisé…

 

* accord amiable ou settlement agreement : pour ainsi dire, c’est le stade supérieur du voluntary agreement. Un club qui ne respecte pas le FPF reconnaît sa faute et s’entend avec l’UEFA concernant le montant et la teneur des sanctions, tout en s’engageant à se conformer aux règles du FPF dans un délai prévu lors de la conclusion de l’accord. En Italie, l’Inter et la Roma sont actuellement liées par un tel accord.

  • Fabien1899

    le bon point c’est que pour être compétitif sur plusieurs années il va falloir un nouveau stade afin de maximiser les recettes.

  • Darb rossonero

    Merci pour l’article, très interessant

  • Seedorf

    En gros on peut dépenser notre argent comme on l’entend sans craindre des sanctions tant que pour la saison 2019-2020 les comptes sont équilibrés et que l’on reste dc ds le cadre du FPF.

    • Belu

      L’accord volontaire qui sera discuté à l’automne 2017, s’il est accepté, portera sur 4 saisons à compter de 2018 (donc jusqu’en 2022). En 2022, il faudra que le club ait respecté son plan prévu dans l’accord afin d’éviter des sanctions. De même, des sanctions peuvent être prises pendant les 4 années si le club ne respecte pas les ‘temps de passage’ qui ont été fixés dans l’accord volontaire. Pendant 4 ans, le club a le droit de ne pas respecter le FPF en vertu des conditions de l’accord, mais il doit respecter cet accord.

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