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Les défis de Gazidis

Ce samedi, le Milan aura enfin son nouvel administrateur-délégué. Paolo Scaroni, le président rossonero qui a aussi assuré ce rôle par intérim depuis la prise de contrôle du club par le fonds d’investissement Elliott, passera donc les clés du camion à Ivan Gazidis. Le Sud-africain était directeur général d’Arsenal depuis 2009 et va donc découvrir l’Italie et son football dans les jours qui viennent.

Dans un Milan qui rime avec chaos depuis plusieurs saisons maintenant, tant dans sa gouvernance que dans sa gestion sportive, Gazidis va affronter plusieurs chantiers de taille afin de redonner au club lombard la place qui fut la sienne dans le monde du football. A quelques jours de l’assemblée générale des actionnaires du club prévue mercredi prochain afin d’officialiser cette nomination, tour d’horizon des principales tâches qui attendent le successeur du funeste Marco Fassone.

1/ Crédibiliser l’AC Milan devant les institutions

En parallèle du délitement sportif d’un des fleurons du football mondial auquel les tifosi ont assisté avec autant d’impuissance que de résignation, c’est aussi l’image du Milan qui s’est particulièrement appauvrie dans le même temps. Le summum du ridicule a été atteint à plusieurs reprises, entre les vrais faux états d’âme d’un Adriano Galliani dépassé par les événements, le projet de nouveau stade lancé puis abandonné le mois suivant moyennant le paiement d’une faramineuse indemnité, le brassard de capitaine de cette prestigieuse institution porté par n’importe qui, l’interminable mélodrame de la vente du club par Fininvest, le rocambolesque interlude chinois conclu par une exclusion des coupes européennes… Il est dorénavant temps que cette liste non exhaustive soit close pour de bon, avec une direction solide sur ses appuis.

La nomination d’Ivan Gazidis par le nouveau propriétaire du Milan est un indice supplémentaire sur la volonté du fonds Elliott à l’égard de son nouvel investissement. La présence d’un fonds vautour comme celui-ci, qui a été proche de provoquer la faillite de l’Etat argentin (!), n’avait pourtant pas de quoi rassurer les tifosi et plus globalement les observateurs du football. Finalement, ce nouveau propriétaire a permis d’éviter au Milan de perdre complètement la face devant l’UEFA puisque grâce à cette présence, le club a été réadmis par le Tribunal Arbitral du Sport en Europa League et l’association des fédérations européennes semble plus satisfaite d’avoir à faire à un interlocuteur comme celui-ci plutôt qu’aux sbires de Yonghong Li.

Ivan Gazidis va donc devoir poursuivre ce travail de séduction et de normalisation des relations auprès de l’UEFA mais aussi plus simplement de la Lega Calcio pour que le Milan redevienne un acteur incontournable du football dans la péninsule et le continent. Un rôle politique qui lui va donc comme un gant pour un Milan bien trop raillé pour la sénilité ou l’amateurisme de ses derniers dirigeants.

A photo taken on April 6, 2016 shows the logo of European football body UEFA at the UEFA headquarters in Nyon. Swiss police raided the headquarters of European football body UEFA on April 6 following the latest revelations of a web of Panama-based offshore financial dealings by the rich and famous. The raid came after the so-called Panama Papers revealed that newly elected FIFA president Gianni Infantino signed TV rights contracts for the Champions League with a company headed by two defendants later caught up in the corruption scandal that engulfed football's world body.  / AFP PHOTO / FABRICE COFFRINI

 

2/ Fixer de nouvelles orientations

Pour que l’image du Milan auprès de ces interlocuteurs soit conforme à ce qu’elle a été par le passé, Ivan Gazidis va devoir réorganiser le club pour mettre en place les grands schémas directeurs du développement économique d’une telle entreprise. Ce diplômé d’Oxford aura toutefois la chance de ne pas tout reprendre de zéro puisque ce travail a déjà été entamé en amont par Paolo Scaroni. Président du Milan et administrateur-délégué par intérim, l’ex dirigeant de l’ENI s’est attelé à une grande réforme dès le mois de juillet, avec l’aval du nouveau conseil d’administration et donc de la famille Singer, propriétaire du fonds Elliott. La partie la plus visible de l’iceberg, soit la direction sportive, a déjà été retouchée en profondeur au cours de l’été avec les arrivées successives de Leonardo et Paolo Maldini. L’expert brésilien et le novice italien vont avoir pour tâche de reconstruire un secteur marqué par le départ d’Ariedo Braida en 2013 (l’ancien supérieur hiérarchique de Leonardo n’avait jamais été véritablement remplacé jusqu’à la fin de l’ère Fininvest) et la brève expérience du très décrié Massimiliano Mirabelli.

Outre cette partie sportive, qui contribuera bien évidemment à la croissance économique du club si elle est correctement menée par Leonardo et son équipe, la politique de développement du Milan doit être repensée par le nouvel administrateur-délégué. En son temps, Silvio Berlusconi clamait déjà vouloir se tourner vers l’Asie – comme quoi le Milan est le club avec le plus de supporters en Chine – sans pour autant que ce filon soit exploité. Quand il l’a enfin été sous l’impulsion de Yonghong Li et Marco Fassone, cela a été fait avec tellement d’amateurisme que les fruits ont été nuls (voir ici).

Les premières esquisses de la future politique économique de Gazidis ont déjà été faites par Paolo Scaroni, notamment dans une de ses interviews récentes (voir ici) : le Moyen-Orient comme l’Extrême-Orient mais aussi les États-Unis seront visés. Cette fois-ci, le Milan pourra non pas compter sur un ancien dirigeant des mauvaises années de la Juventus mais sur un homme qui a fait d’Arsenal une place forte du football mondial d’un point de vue financier, tant en Asie (Chine, Singapour, Indonésie…) qu’aux Amériques.

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3/ Renégocier les contrats de sponsoring

C’est là une des grandes réussites d’Ivan Gazidis à Londres : avoir fait d’Arsenal un mastodonte financier dans le panorama footballistique. Bien évidemment, le club londonien n’était pas un petit poucet avant 2009 et l’arrivée du Sud-africain à sa tête mais celui-ci a su faire fructifier la marque Arsenal, bien aidé il est vrai par les droits TV pharaoniques dont disposent les clubs de Premier League. Simplement, à titre de comparaison, sur l’exercice comptable 2017-2018, Arsenal a enregistré près de 100 millions d’euros de revenus commerciaux (sponsoring) et 32 millions d’euros de revenus de merchandising, contre seulement 45M€ de revenus commerciaux et 17M€ de merchandising pour le Milan sur la même période ! Si les chiffres du Milan restent honorables étant donné que le club n’évolue pas en Premier League et qu’il n’est plus sur le devant de la scène depuis plusieurs saisons maintenant, Ivan Gazidis n’entend pas s’en contenter.

Sportivement, le Milan régresse, et financièrement aussi : le dernier exercice comptable du club fait état de revenus équivalents à ceux de la saison… 2003-2004 ! Pour inverser la tendance, le nouvel administrateur-délégué rossonero envisagerait de reprendre les principaux contrats de sponsoring du Milan, à commencer par le dernier en date, celui de Puma. La marque allemande équipe le Milan depuis cet été suite à la rupture amiable négociée avec Adidas sous l’égide de Marco Fassone, avec un contrat bien moins rémunérateur que celui des clubs phares européens (voir ici). Avant de quitter Arsenal, Gazidis a d’ailleurs négocié avec Adidas pour remplacer Puma en tant qu’équipementier des Gunners à l’été 2019, obtenant ainsi un contrat d’environ 60M€ par saison avec la marque aux trois bandes contre environ 25M€ par saison avec celle au félin. Le but du Sud-africain serait donc de revoir le contrat Puma à la hausse (environ 15M€ pour le Milan) au moins jusqu’au niveau de ce qui était versé à Arsenal, notamment avec une qualification à la prochaine Champions League.

En outre, le discours serait le même avec Fly Emirates, sponsor majeur du club lombard (depuis 2010) et d’Arsenal. Gazidis envisagerait de faire en sorte que la compagnie aérienne prolonge son contrat actuellement valable jusqu’en 2020 en passant de 20M€ à 40M€ par saison, soit le montant qu’elle verse actuellement à Arsenal. Cette négociation pourrait être facilitée par la bienveillance de Fly Emirates à l’égard du Milan – qu’elle a toujours soutenu malgré les années difficiles – et par la perte de son contrat avec le Paris Saint-Germain dès l’été prochain, sur fond de tensions politiques entre les Émirats Arabes Unis et le Qatar.

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4/ Déterminer l’avenir de San Siro

Tout récemment, le Milan, l’Inter et la Ville de Milan ont annoncé qu’une commission allait être créée afin que les deux principaux utilisateurs du stade San Siro en déterminent l’utilisation dans un futur proche. Cette éternelle question du stade est un dossier qui traîne en longueur, alors même qu’il avait failli être résolu par Barbara Berlusconi en son temps, bien soutenue d’ailleurs par Fly Emirates. L’intervention de Bee Taechaubol et les atermoiements de Silvio Berlusconi avaient finalement tué ce projet dans l’œuf, ne faisant que repousser les débats quant à l’utilisation de San Siro. Les années ont passé et les deux clubs milanais se partagent toujours un stade qui ne leur appartient pas et dont la municipalité milanaise n’entend pas se séparer. L’an passé, le crédo de la direction rossonera d’alors était de cesser toute discussion avec l’Inter et la Ville de Milan afin de rechercher des terrains pouvant potentiellement accueillir un nouveau stade dont le Milan serait pleinement propriétaire.

Il ne faut pas oublier que cette pratique est devenue monnaie courante aujourd’hui, notamment dans le football anglais et à Arsenal, avec son Emirates Stadium. Dorénavant, le refrain semble différent du côté de CasaMilan, puisque Paolo Scaroni a voulu renouer le dialogue avec le colocataire de San Siro. Sous l’œil attentif d’Ivan Gazidis, la commission mise en place récemment devra permettre de trouver un terrain d’entente entre toutes les parties : se dirigera-t-on vers un statu quo ? Le Milan et l’Inter s’entendront-ils pour créer une société ad hoc en charge de la gestion de San Siro, dans le cas où la Ville accepterait de la déléguer ? Le Milan cédera-t-il finalement en quittant son antre historique pour un stade de sa propriété, plus à même de répondre aux exigences financières du football d’aujourd’hui ? La municipalité sera-t-elle finalement vendeuse d’un de ses monuments ?

Les prochains mois devraient permettre de pouvoir répondre à tout ou partie de ces questions, tout en n’occultant pas que les actuels dirigeants nerazzurri n’envisageraient pas de quitter San Siro et verraient même d’un bon œil la possibilité d’être seul locataire d’une enceinte voulue et construite dans les années 20 par Piero Pirelli, président… du Milan. L’enjeu est de taille et la question sera donc traitée par le nouvel administrateur-délégué rossonero avec toute l’expertise d’un homme qui a contribué au développement du football aux Etats-Unis, pays où les enceintes sportives propriétés des clubs – plus exactement, des ‘franchises’ – sont particulièrement nombreuses, et qui sera inévitablement influencé par son expérience londonienne.

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5/ Ne pas interférer dans le sportif

Ce point peut paraître anecdotique mais n’est pas vraiment incongru lorsque l’on s’intéresse à l’environnement du Milan. Les dernières années de gestion du club par Fininvest ont démontré un mélange des genres particulièrement douteux, incarné par Silvio Berlusconi. Celles-ci ont en effet été marquées par les allers-retours de son président entre la politique et les affaires : quand il n’était plus au pouvoir ou titulaire d’un quelconque mandat, Berlusconi revenait s’occuper de son Milan non pas simplement comme président en charge des questions économiques, mais il voulait aussi avoir son mot à dire au sujet du domaine sportif. Les exemples à ce sujet ne manquent pas, comme les séquences lunaires diffusées à l’époque sur Milan Channel où il Cavaliere se rendait à Milanello pour conseiller au Mister du moment de mettre deux attaquants en pointe ou de jouer le tout pour l’attaque. Cette omniprésence caractéristique du personnage a inévitablement alimenté l’instabilité chronique sur le banc du Milan, où les entraîneurs se sont succédés depuis départ de Carlo Ancelotti (pas moins de sept entre 2009 et 2017, année de la fin du règne de Berlusconi).

Désormais, il faut espérer que l’arrivée d’Ivan Gazidis mette un terme à cette pratique nocive pour l’équipe et son entraîneur. En tant que directeur général d’Arsenal, le Sud-africain n’a connu qu’Arsène Wenger sur le banc du club londonien, et Unai Emery pour quelques semaines seulement. Cette stabilité à toute épreuve s’explique notamment par le fait qu’en Angleterre, les entraîneurs ne sont que très rarement de simples entraîneurs mais bien souvent de véritables general manager, en charge de toute la politique sportive du club, du recrutement de l’équipe première à l’organisation du centre de formation. Cette pratique récurrente outre-Manche permet donc de bien cloisonner les responsabilités, la direction du club ne s’occupant – pour schématiser – que des aspects économiques et institutionnels développés ci-dessus, laissant ainsi à la direction sportive une grande autonomie dans l’organisation de son travail.

Toutefois, si tant est que Gazidis continue dans cette voie en arrivant en Lombardie, il devra faire avec la pression du fonds Elliott qui, en tant que propriétaire et surtout fonds d’investissement vautour, attendra sans aucun doute des résultats sportifs et donc économiques à moyen voire court terme.

  • Di Mattia Roberto

    Superbe article,. Par contre ça fait un peu peur tout ce travail en amont

    • Shevchenko_7

      En même temps, c’est logique. On ne devient pas une équipe de champion par hasard. La Juve a aussi mis du temps pour gagner en Puissance. Et encore, eux ont eu la chance de commencer à gagner lorsque la Serie A était moribonde, ce qui leur a permit d’enchaîner les titres et gagner de plus en plus d’argent grâce à la LDC, contrat de sponsoring, image du club, etc.
      On devra s’armer de patience mais un jour, le Milan reviendra et j’espère que ce sera sous cette direction

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