Doc et Marty n’ont pas le monopole du voyage dans le temps. Toutefois, contrairement aux héros de Retour vers le futur, nul besoin d’une DeLorean revisitée pour revenir trente ans en arrière : en ce qui nous concerne, notre simple mémoire peut nous ramener quatre ans plus tôt, au début de la triste – et heureusement brève – période chinoise du Milan. Souvenez-vous : l’euphorie des premières semaines avait bien vite laissé place à la tension des longues négociations pour la prolongation de Gianluigi Donnarumma.
Ce drame shakespearien – d’abord oui bien sûr, puis silence radio, puis hacking de réseaux sociaux, puis non, puis faux billets, puis pleurnicheries, puis presque signature de Mattia Perin, puis peut-être, puis re-non, puis peut-être si le frère participe au festin et enfin oui moyennant 6M€ annuels et un emploi fictif pour le frangin – avait finalement accouché d’un accord qui laissait une impression mi-figue, mi-raisin concernant le Milan.
Certes, le club rossonero préservait ainsi un de ses plus beaux actifs jusqu’en 2021. Mais cette sensation d’amertume qui restait en bouche, c’était le goût de la soumission – à un agent crapuleux (pléonasme ?) et à une famille qui ne s’était pas gênée pour moquer le Milan – et de la trahison de la part d’un jeune prodige qui avait mélangé mensonge et loyauté. Le dénouement de toute cette histoire – bien aidé par l’amnésie collective dont on imaginait qu’elle frapperait bien vite le peuple rossonero, ce qui fut le cas – sonnait comme un « plus jamais ça ».
A l’avenir, le Milan ne se ferait plus prendre à revers par un joueur aussi talentueux soit-il et par un agent aussi encombrant soit-il. La situation sportivo-financière du club lombard permettrait à ses dirigeants de ne plus se retrouver dans pareille situation. Le vestiaire rossonero aurait été purgé des ingrats, des mercenaires dont le respect des couleurs de leur employeur est proportionnel au nombre de zéros sur le chèque. Ces vœux sont restés pieux et au gré des différents changement de dirigeants et de stratégie, nous voilà revenus à la case départ, il y a quatre ans en arrière.
Le temps passant, le tifoso du Milan a occulté toute cette histoire. Après une saison post prolongation médiocre, sublimée par un vice du consentement lors de la signature du contrat et couronnée par une prestation abjecte en finale de Coppa Italia, Donnarumma a repris le cours de sa progression au point de devenir titulaire dans une Nazionale en quête de rédemption, approchant la barre des 250 matches professionnels en club à tout juste 22 ans.
Comme il y a 4 ans, il n’y a finalement pas grand-chose à dire sportivement parlant sur le natif de Castellammare di Stabia, qui a globalement progressé dans tous les points de son jeu. Le Milan a la chance d’avoir dans son effectif celui qui sera sans doute la prochaine grande référence mondiale au poste de gardien de but, ayant atteint un niveau de régularité dans la performance rare et appréciable pour un joueur de son âge. Au niveau sur le terrain, souriant sur les photos, discret dans sa communication… Donnarumma est au fil du temps redevenu le gendre idéal de tout tifoso rossonero.
Pour autant, un fond d’amertume demeure. Il y a quatre ans, Donnarumma a prolongé jusqu’en 2021, moyennant un salaire bien supérieur aux habitudes milanaises, tout en en profitant pour arroser son frangin. Or, nous voici en avril 2021, et la situation du numéro 99 a-t-elle évolué ? Non, toujours pas. Alors que le Milan s’est reconstruit une identité par la grâce du retour de Paolo Maldini, en ayant même longtemps été en tête du championnat cette saison, Donnarumma n’est toujours rossonero que pour trois mois et demi.
En 2017, on nous servait l’argument du marasme sportif dans lequel naviguait le vaisseau milanais pour expliquer le retard dans les négociations. Qu’en est-il aujourd’hui ? Quatre ans après cette pathétique négociation, quatre ans après avoir bénéficié d’un incroyable tapis rouge, le sieur Donnarumma semble toujours estimer que son soi-disant club bien aimé doit lui courir après. On criera au loup concernant son agent ! Mais Donnarumma l’a-t-il finalement lâché, comme tous les naïfs l’espéraient il y a quatre ans ? Et non, car comme annoncé par le principal intéressé à l’époque, « Donnarumma, Raiola, hier, aujourd’hui et demain ». Quatre ans plus tard, Donnarumma n’a plus l’excuse du pauvre adolescent influençable, victime des dérives du football moderne. Les vieux démons refont donc surface, comme nous vous l’avions annoncé ces dernières années, et le Milan n’est plus en position de force, si tant est qu’il l’ait été un jour.
#Donnarumma #Raiola
Ieri , Oggi e Domani !!— Gianluigi Donnarumma (@gigiodonna1) June 25, 2017
En ces temps de Covid où tous les clubs sont économiquement affectés, le Milan ne pourra très probablement pas se permettre de refaire des folies pour son gardien, aussi formidable soit-il. La direction actuelle a hérité d’une situation pour le moins délicate, avec un joueur aux émoluments énormes dans un projet où les salaires proposés aux nouvelles recrues sont ‘plafonnés’ aux environs des 2M€ annuels nets.
Il va falloir réussir à concilier le projet sportif avec la ligne de conduite économique fixée par le propriétaire américain du club. Quoi qu’il en soit, les jours passent et de l’avis des médias italiens, les négociations sont au point mort, le joueur et son entourage attendant d’être certains que le Milan disputera la prochaine édition de la Champions League. De quoi mettre une énième fois en perspective le soi-disant attachement de Donnarumma à son club de toujours, de quoi grincer des dents quand le numéro 99 hérite du brassard de capitaine de l’institution rossonera lorsque le porteur habituel est absent. En tout cas, attrapez votre paquet de popcorn et prenez place dans les gradins, les artistes sont déjà prêts en coulisses : la prochaine représentation du cirque Donnarumma est sur le point de commencer !