La trêve hivernale qui se termine aura permis aux tifosi de disposer de deux semaines pour apaiser des nerfs éprouvés par quatre mois de compétition où le Milan aura connu plus de bas que de hauts, avec un point d’orgue un interminable mois de décembre qui devait pourtant permettre d’engranger des points précieux dans la course à la vitale Champions League.
C’est en outre l’heure du mercato hivernal pour lequel le club lombard a déjà enregistré la venue de Lucas Paqueta. Après ces quatre mois de compétition, c’est aussi l’occasion de dresser un premier bilan de la dernière cuvée de nouveaux rossoneri, qui ont rejoint le Milan au cours de l’été 2018, en s’intéressant à leur rendement par rapport aux attentes suscitées et au rôle qui leur avait été envisagé. Pour l’heure, force est de constater que le cru estival 2018 a été très loin de donner satisfaction…
Le mercato de l’été dernier a été marqué par une particularité assez inhabituelle : il a été géré sous deux directions différentes, avec deux propriétaires différents, pour le même entraîneur. En effet, à l’aube de cet exercice 2018-2019, le Milan était toujours propriété du mystérieux Yonghong Li et la direction était menée par Marco Fassone, avec Massimiliano Mirabelli pour la partie sportive. Nous ne reviendrons pas dans les détails concernant l’année chinoise du Milan mais, pour faire simple, les incertitudes entourant le propriétaire du club et le poids du fair-play financier destinaient le club à intervenir façon petits bras sur le mercato. Cela n’avait pas manqué puisque ce mercato s’appuyait sur le fameux principe du parametro zero, cher à Adriano Galliani.
Pour respecter la tradition de son prédécesseur, Mirabelli avait donc jeté son dévolu sur plusieurs joueurs libres de tout contrat. Deux d’entre eux voyaient leur recrutement bouclé dès le printemps : Pepe Reina et Ivan Strinic (du parametro zero, certes, mais tout de même plus intéressant que les Taye Taïwo et Philippe Mexès, par exemple). Avec l’Espagnol, le Milan s’assurait la présence d’un gardien quelque peu sur le déclin mais d’un niveau particulièrement satisfaisant pour un poste de numéro 2 voire de numéro 1 de transition, si Donnarumma en était venu à faire ses valises. De même, le Croate finaliste de la Coupe du Monde permettait d’offrir une alternative correcte à un Ricardo Rodriguez indéboulonnable après les nombreuses blessures de Luca Antonelli, parti entretemps sous le soleil de Toscane à Empoli.
Signe des temps et des approximations de l’ancienne direction, cette partie de mercato à la sauce Mirabelli était couronnée par le recrutement surprise d’Alen Halilovic. Le jeune trequartista croate formé au Barça n’avait convaincu ni à Hambourg ni à Las Palmas où il avait été prêté un an et demi mais cela ne semblait pas inquiéter le directeur sportif rossonero, qui le faisait signer pour intégrer la rotation.
Les événements que l’on sait ont finalement conduit à un important changement de direction, avec les nominations de Leonardo puis de Paolo Maldini à la direction sportive au cours du mois de juillet. En un mois, l’expérimenté dirigeant brésilien et le novice italien devaient donc réparer les erreurs de casting de leurs prédécesseurs tout en renforçant les points défaillants du Milan depuis plusieurs saisons maintenant : le milieu de terrain et les ailes.
En même temps, il a fallu faire avec les envies de départ des uns et des autres dont celui du capitano 2017-2018. Renvoyé à la Juventus, Leonardo Bonucci permettait au Milan de récupérer le prometteur Mattia Caldara (transfert réciproque à hauteur de 35 millions d’euros) et, dans le même temps, de négocier pour le recrutement d’un numéro 9 d’envergure en la personne de Gonzalo Higuain (prêt de 18M€ avec option d’achat fixée à 36M€).
Soucieux de rester à Villarreal, Carlos Bacca rapportait 7M€ au Milan qui s’en servait pour faire baisser le prix de Samuel Castillejo, dont le transfert a coûté 25M€. Dans le même ordre d’idée, la venue de Diego Laxalt pour 14M€ était en partie financée par le rachat de Gianluca Lapadula de la part du Genoa moyennant 11M€. Enfin, pour le milieu de terrain, Tiémoué Bakayoko débarquait dans le cadre d’un prêt de 5M€ avec option d’achat fixée à 35M€.
Avec pas moins de sept recrues, le Milan était donc profondément chamboulé à l’été 2018, comme un an auparavant. Parmi ces huit mercenaires, deux d’entre eux semblaient destinés à une place de titulaire : Gonzalo Higuain et Mattia Caldara.
Annoncé depuis plusieurs saisons comme l’un des défenseurs centraux les plus prometteurs du pays, ce dernier débarquait donc à Milan avec l’approbation de l’immense majorité des tifosi, puisqu’il permettait en plus de se débarrasser du schizophrène Leonardo ‘Hungrier than ever’ Bonucci. Le talent de Caldara ne faisait pas de doute après ses belles saisons passées à l’Atalanta, qui lui avaient permis d’être recruté par la Juventus pour 20M€ en janvier 2017 et de la rejoindre enfin cet été… sauf peut-être auprès de Gattuso, qui estimait que son nouveau joueur ne savait pas jouer dans une défense à 4. Bref, cinq mois plus tard, Caldara n’a joué qu’un match en rossonero, face à Dudelange le 20 septembre. Par la suite, une blessure musculaire et une lésion au tendon d’Achille ont écarté des terrains le bergamasque de naissance jusqu’en février au mieux.
Autre juventino devenu rossonero, autre déception : Gonzalo Higuain. Lui aussi particulièrement attendu par les tifosi, le numéro 9 n’a pas eu le rendement escompté dans un Milan avançant à tâtons. Ses 8 buts et 3 passes décisives en 20 matches toutes compétitions confondues ne sont pas du standing d’un attaquant de sa trempe, qui pourrait coûter 54M€ au Milan rien qu’en transfert !
En outre, son attitude a logiquement été pointée du doigt : donnant l’impression d’être nostalgique de la Juventus, l’Argentin a beaucoup râlé et très peu proposé sur le terrain. L’apogée de ses errements a été le match face à son ancien club le 11 novembre dernier, avec pénalty raté et carton rouge pour contestation à la clé. Bref, sous le maillot du Milan, Gonzalo a plus ressemblé à un vulgaire Ménez qu’au véritable Higuain, même s’il faut évidemment reconnaître que les qualités de ses coéquipiers et les idées de jeu rossonere sont plus ou moins inexistantes. En attendant, s’il espère retrouver la Champions League, le club rossonero va devoir espérer un réveil de sa star.
Passons maintenant aux remplaçants et là aussi, il y a des choses à dire. En premier lieu, il y a le cas de Tiémoué Bakayoko. Arrivé officiellement pour faire souffler Franck Kessié après une saison complètement ratée à Chelsea, le Français avait continué sur sa lancée en offrant des prestations dignes des plus grands bidoni passés par le Milan. Le Mister ne se privait d’ailleurs pas pour le sermonner par conférence de presse (façon de faire peut-être douteuse, mais ce n’est pas le débat) et les tifosi réclamaient d’ailleurs sa tête.
Avec un joueur aussi mauvais, difficile d’imaginer de sortir du onze un Kessié pourtant loin d’être convenable. Finalement, la blessure de Lucas Biglia a obligé Gattuso à revoir son organisation et a titularisé les deux hommes ensemble et non l’un au relais de l’autre. Depuis le milieu de mois de novembre, Bakayoko a affiché régulièrement un niveau que l’on imaginait pas après ses deux premiers mois de compétition.
Il n’en fallait donc pas plus pour que le peuple réclame à grands cris son rachat, montrant à quel point le niveau d’exigence des tifosi a baissé les années passant. Le Français va devoir confirmer dans les six prochains mois avant que la direction ne pose 35M€ pour le conserver mais d’ici là, c’est peut-être bien Kessié qui va faire les frais d’une montée en puissance de Bakayoko intéressante mais pas aussi formidable que vendue (pour plus de détails sur le cas de Bakayoko, voir ici). Un demi-échec, est-ce une demi-réussite ? Vous avez 4h.
Ensuite, les dernières individualités restantes ont quant à elles le statut de remplaçant venu pour ne pouvoir prétendre à mieux que ledit statut, mais leurs rares apparitions n’ont pas été de nature à rassurer. L’exemple le plus frappant est celui de Diego Laxalt, recruté au mois d’août pour palier la défection cardiaque de Strinic. Le recrutement du latéral formé à l’Inter posait déjà des questions à l’époque et en pose encore plus aujourd’hui au vu de son niveau.
Ce n’est pas l’investissement du joueur qui est mis en cause mais le niveau, bien trop faible pour proposer une alternative viable à Ricardo Rodriguez. L’Uruguayen maîtrise l’art de se faire remarquer négativement en ne jouant que quelques minutes par match (786 pour 18 matches joués toutes compétitions confondues dont 8 titularisations). Certes, il y avait urgence à trouver un remplaçant au Suisse mais était-ce opportun de se jeter sur un joueur qui se mettait péniblement en évidence dans une équipe luttant tous les ans pour le maintien sous prétexte que le transfert de Lapadula devait encore être réglé ? On a connu Leonardo plus inspiré que cela, sans compter que son départ semble déjà envisagé par la direction (vers la Lazio ?).
On pourrait avoir le même raisonnement pour Castillejo, recruté à Villarreal à la faveur du transfert au rabais de Carlos Bacca. L’Espagnol était lui aussi venu pour proposer une solution viable à Suso comme à Calhanoglu sur les deux côtés du 4-3-3 mais il s’est vite révélé être un remplaçant loin d’avoir le niveau pour bousculer la hiérarchie en place, tout comme son compère uruguayen en somme.
Là encore, on est en présence d’un joueur tout ce qu’il y a de plus volontaire mais dont les qualités techniques comme tactiques sont encore à découvrir. Samu ne va pas fort mais ne tirons pas sur l’ambulance : il apporte tout de même parfois une pointe de vitesse qui manquait ces derniers temps au Milan. Il paye toutefois un physique version poids plume qui ne lui permet pas de résister aux duels proposés pas nombre de défenseurs sévissant dans la péninsule, à tel point qu’il a fallu attendre la rencontre face à la SPAL à la fin du mois dernier pour le voir réaliser une prestation presque pleine, couronnée par un fort joli but. En attendant, les 25M€ investis laissent songeur…
Enfin, abordons le cas des joueurs qui n’ont pas vu le terrain ou presque. Il s’agit notamment de Pepe Reina, venu pour faire le numéro 2, qui a tout de même pris part à toutes les rencontres d’Europa League (peut-on donc dire que sa saison est déjà finie ?), soit 6 matches et 9 buts encaissés. Lui non plus n’a pas été auteur de prestations rassurantes, dans la lignée de saisons fluctuantes au Napoli.
Toutefois, son apport dans le vestiaire semble particulièrement important – il a été salué par Gattuso, Calabria et Romagnoli notamment – et ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle puisqu’il est un des rares joueurs de l’effectif à disposer d’une expérience importante acquise au cours d’une longue et belle carrière. Si cet aspect est intéressant dans une équipe jeune et en construction comme le Milan, le point qui pose souci regarde plutôt son salaire, qui avoisine les 3M€ annuels nets. En conservant Donnarumma, le Milan pouvait-il se permettre d’avoir un deuxième gardien disposant d’un tel salaire, alors même que le club est contraint à faire des économies ? Ca fait cher la nounou pour un 99 capricieux…
Mais Reina n’est pas la seule déconvenue du mercato pré Elliott et constitué uniquement par des joueurs libres de tout contrat. Il y a aussi Alen Halilovic, qui était à lui-même un étendard du redimensionnement des ambitions du club à la fin de l’ère Yonghong Li. Ne pouvant s’offrir mieux tout en étant en recherche d’éléments offensifs pouvant notamment permettre de faire reposer Suso, Massimiliano Mirabelli avait alors jeté son dévolu sur le jeune croate, qui a très vite subi une préparation estivale particulièrement quelconque et le recrutement de Castillejo.
Il va sans dire que passer d’un an et demi en prêt à Las Palmas – moyennant un interlude de quelques jours à Hambourg pour rompre son contrat – au Milan, ce n’est pas donné à tout le monde. Le Croate n’a pas convaincu Gattuso qui ne lui a jamais véritablement fait confiance, lui préférant son sprinter espagnol et le multirôle Borini, puisqu’il n’a joué que 60 minutes de jeu en trois matches d’Europa League. En attendant, l’avenir d’Halilovic s’inscrit inévitablement loin du Milan et c’est sans doute la meilleure chose à faire pour tout le monde : il a été vu en compagnie de son agent et du président de Besiktas ce mardi à Milan. Petit ange parti trop tôt.
Les Croates ne sont pas en réussite cette saison au Milan : Ivan Strinic lui non plus n’a pas vu le terrain mais il a pour lui une sacrée excuse, celle d’un problème cardiaque. Finaliste de la Coupe du Monde 2018 avec des performances probantes à la clé en tant que titulaire, l’ex joueur de la Sampdoria semblait plus à même de proposer une alternative convenable à Ricardo Rodriguez mais le sort en a décidé autrement.
La fin de carrière de Strinic se dessinait à 31 ans mais une belle rémission lui a permis de revenir à l’entraînement dès le mois de décembre, après avoir été privé de toute pratique sportive pendant 4 mois. Reste maintenant à savoir à quel moment il retrouvera la pleine possession de ses moyens mais il y a de fortes chances que ce délai soit trop long pour que Strinic soit totalement à la disposition du Mister d’ici à la fin de la saison. Un échec pour le moment, donc, mais qui cette fois n’est pas lié aux aspects sportifs ou financiers.
Le constat est accablant à la trêve : le mercato estival 2018 semble donc raté, comme son prédécesseur. Ces huit arrivées ont une nouvelle fois chamboulé le visage de l’effectif sans pour autant en améliorer de manière importante les niveaux technique et tactique, ce qui manque pourtant cruellement à ce Milan.
Défaut d’adaptation, soucis de santé ou absence de qualités intrinsèques illustrent parfaitement un cru 2018 marqué par deux périodes distinctes du fait des soucis récurrents de direction. Le timing serré et les contraintes du fair-play financier n’ont certes pas permis au duo Leonardo/Maldini de travailler de manière sereine et réfléchie mais cela ne peut pas excuser totalement certains choix qui étaient difficilement compréhensibles lors de leur concrétisation et qui le demeurent à l’heure actuelle.
Si le tableau apparaît plutôt noirci à l’heure actuelle, plusieurs motifs d’espoir existent pour sauver cette promotion. Higuain a retrouvé le chemin des filets juste avant la trêve et son but a fait la part belle à un collectif visiblement soudé. Bakayoko montait progressivement en puissance depuis six semaines environ et il est à espérer qu’il continuera dans cette voie afin de devenir véritablement un des éléments moteurs de cette équipe.
Caldara est proche du retour et la place de titulaire au côté de Romagnoli dans la défense centrale n’a pas trouvé de porteur indiscutable pendant son absence… Tout n’est donc pas entièrement à jeter mais les enjeux sont si cruciaux pour le Milan qu’il ne reste plus qu’à espérer que les performances des uns et des autres s’améliorent avant d’effectuer un énième « grand ménage » à l’été 2019, de manière contrainte ou non.