Eloge du Milan paillasson

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Ces derniers temps, au Milan, les saisons se suivent et se ressemblent. Souvent. Beaucoup, même. Pourtant, alors que l’on pense toucher sportivement le fond à chaque exercice, les péripéties sur le pré sont toujours accompagnées de nouveautés extra-sportives, ces petits ingrédients qui permettent année après année à notre club de coeur de s’enfoncer dans le commun du football italien et mondial. Je ne vais pas m’amuser à refaire la carte du visite de feu l’AC Milan mais je rappelle tout de même que s’il y avait bien une institution de football au-dessus de tout il n’y a pas encore si longtemps, c’était bien cette società. Or, les années passant, le Milan est devenu un repère à petites frappes, que là encore je ne vais pas énumérer mais je citerai tout de même la campagne de communication « A cresta alta », les énergumènes au brassard comme Muntari ou Mexès, les pleurnicheries de Donnarumma pour devenir un des gardiens les mieux payés au monde et pour évoluer au côté de son frère, les guignolesques Bakayoko et Kessié s’amusant à souiller le maillot de l’adversaire… Bref, tout cela pour dire que le Milan n’est plus qu’un paillasson à footballeur, et cette trêve internationale en a été une nouvelle fois l’exemple.

En début de semaine, c’est Krzysztof Piątek qui a sonné la charge avec une déclaration bien sentie à TVP Sport, une chaîne de télévision polonaise : « Mon transfert au Milan est allé si vite que je ne me suis même pas rendu compte de l’importance de ce qui m’arrivait, j’étais concentré sur mon travail. Désormais, je vaux 38 millions d’euros et je veux tout faire pour en valoir 60-70 la prochaine fois que je changerai de club. Il faut être ambitieux. » Paf, nouvelle salve d’immondices sur le paillasson AC Milan. Alors que sa carrière surfe pour le moment sur une seule saison réussie dans un des quatre grands championnats, le Polonais semble bien vite oublier l’allure de son exercice actuel, où il culmine au score pharaonique de 3 buts – dont 2 penalties – en 12 matches. On peut faire toutes les célébrations ridicules que l’on veut en mimant des coups de feu, cela n’a jamais permis à personne de valoir 60-70 millions d’euros au terme d’une saison réussie… Après seulement dix mois sous les couleurs rossonere, ce bon Piątek se permet donc de mettre en avant ses envies de départ sur la place publique, sans même être capable d’être irréprochable sportivement. De là à dire qu’il a oublié qu’il faut être bon avant de parler… Mais heureusement pour lui, cette risible sortie a bien vite été oubliée grâce à l’aide d’un de ses copains de galère.

Pour ce faire, il n’a pas fallu aller bien loin de la Pologne puisque hier, c’est une déclaration d’Hakan Çalhanoğlu au journal allemand Bild qui a eu du mal à passer auprès des tifosi. L’international turc né à Mannheim n’y est pas non plus allé par quatre chemins : « D’un point de vue sportif, c’est évidemment un objectif de jouer pour le Bayern, le Borussia ou un autre grand club d’Allemagne. […] Ca aurait été difficile pour moi d’avoir ma place au Bayern quand ils m’ont approché en 2014 puisqu’il y avait Robben et Ribéry. Mais si le Bayern revenait vers moi, je ne dirais pas non cette fois-ci. » Vous reprendrez bien quelques saletés à essuyer sur le Milan, non ? Comme quoi, un match réussi face à Lecce et une bonne entrée en jeu contre une équipe de France poussive avec la Turquie, ça vous change un homme… J’ai peine à croire que de tels propos aient été tenus par un des plus mauvais joueurs du Milan des trois dernières années, qui se permet en plus d’arborer le mythique numéro 10 (qui n’a d’ailleurs plus rien de mythique depuis les passages de Boateng et Honda), et pourtant. Du haut de ses 2 buts et 1 passe décisive en 12 matches cette saison, ce malgré un statut d’intouchable confirmé en ce début d’exercice après 2017 et 2018, Çalhanoğlu se croit être en mesure de valoir mieux que ce médiocre Milan, médiocrité dont il est un des symboles vivants.

Certes, je peux mettre de côté mon ressenti de tifoso à l’égard des propos tenus par ces deux candidats au Ballon d’Or pour essayer de comprendre comment ils en sont arrivés là : après tout, Piątek et Çalhanoğlu ne sont que des joueurs de football et certainement pas des as de la communication, ainsi, leurs propos ont-ils peut-être dépassé leur pensée… Mais une nouvelle fois, c’est le Milan qui en pâtit : comme tout club du ventre mou qui se respecte, ses joueurs ne s’inscrivent pas dans la durée, n’ont même plus envie d’y réussir avant de viser plus haut ou plus loin. En soi, il faut être complètement aveugle pour ne pas se rendre compte que le Milan n’est plus qu’un point de passage et non pas un club dans lequel on se projette pour faire carrière (car ce temps-là est révolu depuis longtemps dans le football moderne !), alors même que les joueurs en question n’ont absolument jamais montré pouvoir viser mieux que ce pauvre Milan. Ce qui me dérange dans les propos de Piątek et Çalhanoğlu, outre leur stupidité à l’égard de leur employeur actuel, ce n’est pas tant le fait que ces joueurs veuillent partir un jour mais que ces phrases témoignent déjà du fait qu’ils ont abandonné la saison en cours dès le mois de novembre.

Comme lors d’une quelconque interview de la fin du printemps ou du début de l’été, lorsque le championnat est fini depuis longtemps et que les vacances viennent tout juste de commencer, Piątek et Çalhanoğlu se rendent coupables d’une abjecte démission collective devant leur club, qui les paye, et les tifosi, qui continuent pourtant à suivre cette équipe de bras cassés au stade ou devant leur poste de télévision. Cette posture est d’autant plus grave quand on connaît le classement actuel de l’équipe, engluée à mille lieux de la qualification à la Champions League, objectif (raisonnable ou non ?) du début de saison. Une nouvelle fois, le Milan est pourri de l’intérieur par ceux qui portent ses couleurs sur la pelouse de San Siro, devant les caméras de télévision du monde entier. Ces déclarations gratuites de Piątek et Çalhanoğlu, qui n’ont pas fait le centième de ce qu’ont pu réaliser Inzaghi ou Rui Costa (illustres prédécesseurs à leurs postes respectifs), sont donc un ramassis de stupidité et, surtout, un miroir de ce que devient le Milan. Le Polonais et le Turc n’ont rien inventé, ils se comportent comme se comportent les joueurs qui se montent la tête pour une passe réussie dans la course au maintien. Naïvement, je pouvais, nous pouvions penser que la présence de Paolo Maldini puis la nomination de Zvonimir Boban permettraient à l’institution Milan de reprendre quelques couleurs… Mais d’institution à paillasson, il n’y a qu’un pas, qui a déjà été franchi bien trop de fois.

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