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Deportivo – Milan (2004) : la Galice jusqu’à la lie

Septembre 2003. Le sacre de Manchester quatre mois plus tôt semble déjà bien loin, une nouvelle campagne de Champions League débute pour un Milan qui ne s’est pas affaibli au cours du mercato estival, se renforçant au contraire avec le recrutement du jeune Ricardo Kaká et de l’expérimenté Cafu. La nouvelle formule de la plus prestigieuse des coupes d’Europe – avec une seule phase de poules et un huitième de finale – ne perturbe pas les rossoneri qui sortent aisément du groupe H malgré la surprenante victoire de Bruges à San Siro. Alors que le Milan joue sur tous les fronts lors de cet exercice 2003-2004 qui le verra remporter le Scudetto et échouer aux portes de la finale de la Coppa Italia, le premier tour à élimination directe de la Champions League offre déjà un petit avertissement. Les hommes de Carlo Ancelotti ne font pas mieux qu’un simple 0-0 à Prague face au Sparta et ne prennent l’avantage qu’à l’heure de jeu lors du retour à San Siro, se concluant sur le score de 4-1. La qualification pour les quarts de finale est donc validée mais le pire était encore à venir.

En quart de finale, c’est un adversaire bien plus coriace qui se présente face à Paolo Maldini et ses coéquipiers : le Deportivo La Corogne. A la fin des années 1990, le club de Galice s’affirme comme une des places fortes du football ibérique, derrière les mastodontes que sont le Real Madrid et le FC Barcelone : un titre de champion d’Espagne en 2000, une Coupe du Roi en 2002, deux quarts de finale de Champions League consécutifs disputés face à Leeds et Manchester United en 2001 et 2002 avec Roy Makaay en fer de lance… En cette saison 2003-2004, l’adversaire a donc fière allure, malgré une défaite 8-3 à Monaco – futur finaliste de la Champions League – lors de la phase de poules, ayant sorti en huitième de finale de la Juventus, championne d’Italie en titre.

En ce mardi 23 mars 2004, le Milan était donc prévenu. Le Deportivo n’est peut-être pas le nom le plus clinquant de la scène européenne, il en reste une équipe redoutable au sens collectif exacerbé, menée de main de maître par l’entraîneur Javier Irureta, deux fois vainqueurs de la Liga avec l’Atlético de Madrid dans les années 1970 en tant que joueur. Dans la fraîcheur hivernale de San Siro, le Mister Ancelotti ne compte pas se laisser surprendre et aligne la grosse équipe, composant toutefois avec l’absence de Nesta. Devant Dida dans les cages, Maldini et Costacurta sont donc associés en défense centrale, avec Pancaro et Cafu sur les côtés. On retrouve au milieu les habituels Seedorf, Pirlo et Gattuso, derrière un Kaká déjà titulaire indiscutable au soutien d’Inzaghi et Shevchenko.

Pourtant averti, le Milan se fait surprendre d’entrée dans son antre, dix minutes après le coup d’envoi. Au terme d’une des plus longues phases de possession du ballon par le Deportivo depuis le début de la rencontre, Costacurta concède un corner. Celui-ci est joué à deux par les blanquiazules : Capdevilla centre et son ballon est repris victorieusement par l’attaquant uruguayen Pandiani, libre de tout marquage entre Seedorf et Cafu. Le public rossonero s’impatiente d’emblée voyant son équipe mise à mal par ce « modeste » adversaire, qui se met à jouer la montre dès l’ouverture du score. Le Milan en pleine torpeur maîtrise le ballon mais ne concrétise pas, donnant l’impression de ne pas prendre la mesure de l’enjeu.

Il faut finalement un éclair de génie pour que le Milan se relance dans ce match. Cafu dans son couloir réalise un centre piqué dans la dernière minute de jeu de la première période. Dans la surface, la magie opère par Kaká, enchaînant contrôle de la cuisse gauche et frappe du pied droit pour trouver le chemin des filets. 1-1 à la pause, le Milan est enfin dans le coup et la mi-temps n’arrête pas cet élan. Les rossoneri trouvent une nouvelle fois la faille par un autre exploit individuel seulement 20 secondes après le coup d’envoi de la deuxième fraction de jeu. Servi par Pancaro à gauche de la surface, Shevchenko réalise un contrôle orienté de l’extérieur du pied droit qui élimine Andrade d’un petit pont et Silva sur un grand pont (!), avant de placer son tir poteau opposé.  Le Milan ne s’arrête pas puisque trois minutes plus tard, Kaká est trouvé dans l’axe pour le 3-1 et Pirlo parachève le tout d’un coup-franc direct à la 53’, pour la première réalisation de sa carrière en Coupe d’Europe. En huit minutes, le Milan a inscrit quatre buts et donc renversé la situation.

Loin d’être résignés malgré la déferlante, les visiteurs ne campent pas dans leur camp alors que le Milan se met en mode gestion. Par Luque et Valeron, ils se montrent dangereux près de la cage de Dida alors que les coéquipiers du gardien brésilien auraient pu creuser l’écart s’ils n’avaient pas balbutié leur football à l’approche des derniers mètres et multiplié les positions de hors-jeu. Les deux équipes se séparent donc sur le score de 4-1 en faveur des rossoneri, rendez-vous étant pris deux semaines plus tard dans l’antre du Deportivo pour le match retour.

Le mardi 6 avril, Carlo Ancelotti et ses hommes retrouvent l’Estadio de Riazor de la Corogne, où ils étaient venus s’imposer 4-0 la saison précédente, à l’occasion de la première phase de poules de la Champions League. Cette fois-ci, la donne n’est pas vraiment la même puisqu’il s’agit d’une phase à élimination directe mais le Milan s’avance confiant après sa victoire 4-1 lors du match aller. La composition du onze de départ rossonero évolue avec les remplacements de Costacurta par Nesta et d’Inzaghi par Tomasson.

Dès le coup d’envoi, le Milan semble ailleurs – est-il déjà concentré sur sa future demi-finale ? – et affiche une certaine fébrilité, comme le prouvent ce ballon bêtement perdu par Seedorf à l’entrée de la surface mal exploité par Sanchez et cette passe en touche de Paolo Maldini. Le public du Riazor ne demande qu’à s’enflammer pour ses blanquiazules qui, comme au match aller, trouve la faille d’entrée. A la 5’, Pandiani – qui finira 3ème meilleur marqueur de la Champions League cette saison avec six réalisations – se retrouve étonnamment seul dans la surface rossonera entre Maldini et Pancaro : il a le temps de contrôler le ballon, de se retourner et de placer sa frappe à ras de terre pour tromper Dida. Le stade explose, le Depor n’est plus qu’à deux buts de l’exploit.

Cette sanction dès le début de la rencontre aurait dû secouer les rossoneri mais le choc n’a pas l’effet escompté. Loin de se réveiller, les joueurs du Milan subissent un pressing haut qui coupe l’équipe en deux. Kaká est surveillé comme le lait sur le feu par le milieu Silva-Sergio et est sevré de ballon, cassant ainsi tout le jeu offensif du Milan. A la 20’, le Brésilien gâche son seul face-à-face avec le portier du Deportivo, alors qu’il aurait pu ramener son équipe dans la course avec ce but à l’extérieur si précieux en coupe d’Europe. Les récupérations de balle des locaux sont toujours plus hautes, leurs transitions offensives particulièrement tranchantes et l’arrière-garde rossonera multiplient les longs ballons voués à l’échec vers Shevchenko et Tomasson.

Le Milan va finalement être trahi par un de ses meilleurs éléments. Après deux gros arrêts et une sortie pleine d’autorité sur un corner en quelques minutes, Dida manque sa sortie sur un centre consécutif à un nouveau coup de pied de coin en faveur de La Corogne et Valeron n’a plus qu’à placer le ballon de la tête dans les filets milanais. A 2-0 à l’heure de jeu, la qualification n’est plus qu’à un but pour les hommes d’Irureta. Dans un Riazor en ébulition, le coup de grâce arrive juste avant la pause. Le long dégagement du gardien Molina ne trouve personne, lobe Nesta qui a mal jugé la trajectoire et arrive sur Luque lancé vers le but, qui élimine Cafu à la course avant de tromper Dida d’une frappe sous la barre. L’arbitre siffle la pause, La Corogne a refait son retard en seulement 45 minutes et est dès à présent qualifiée pour les demi-finales grâce à son but inscrit à San Siro.

C’est un Milan complètement amorphe qui ressort des vestiaires après la pause. Alors que le Depor paye ses efforts de la première mi-temps et se montre moins inspiré, les rossoneri arrivent à être moins intéressants que leurs adversaires, tandis que Kaká souffre toujours face à sa garde rapprochée. Le Milan ne trouve pas la faille et ne fait rien pour la trouver, les entrées de Serginho et Inzaghi ne changeant rien au cours de la rencontre. Pis, à un quart d’heure de la fin, La Corogne parachève son exploit avec un quatrième but, sur une frappe de Fran – joueur le plus capé de l’histoire du Depor avec près de 700 matches en 14 saisons professionnelles – déviée par Cafu. « Olé ! Olé ! Olé ! » : le public chambre le Milan à chacune des passes réussies par les blanquiazules, l’extase est totale au Riazor. La Corogne tient son exploit en éliminant le tenant du titre, avant d’être à son tour éliminée en demi-finale par le FC Porto de José Mourinho, vainqueur final de la Champions League.

La claque est totale pour le Milan. Certains tifosi attendent les joueurs à leur retour en Lombardie pour exprimer leur colère et les médias se déchaînent à l’encontre des rossoneri, parlant d’un excès de confiance voire d’une réelle arrogance du Milan face à un adversaire pourtant réputé prenable. Les hommes d’Ancelotti sauvent les apparences avec un Scudetto obtenu en fin de saison mais la plaie reste vive chez plusieurs d’entre eux malgré les années. En 2013, dans son autobiographie, Andrea Pirlo ne s’en cachait pas : « La probabilité que nous ne passions pas ce tour était égale à celle que Gattuso soit un jour ou l’autre diplômé en littérature. Nous pensions déjà aux demi-finales avant même de partir pour la Galice, ça devait être une promenade de santé. […] L’impensable s’est pourtant produit. Nous avons oublié de jouer, tous, et le match s’est terminé à 4-0 pour les autres. Ils nous ont ridiculisé. » Face à cette défaite particulièrement traumatisante, Pirlo a même apporté une explication supplémentaire : « Avec le recul, je pense que quelque chose clochait en plus de la façon dont on a abordé le match. […] Nos adversaires ont couru à fond toute la soirée, même les joueurs les plus âgés qui n’avaient jamais été connus pour leur capacité à combiner vitesse et endurance. […] Ce qui m’a le plus frappé, c’est qu’ils continuaient tous de courir à la mi-temps, tous, sans exception. Ils ne pouvaient pas rester immobiles même pendant cette période conçue pour vous permettre de respirer ou tout au plus de marcher. […] Nous avons couru derrière des ombres toute la soirée. Je n’ai aucune preuve donc je n’accuse de rien mais pour la première et unique fois dans ma vie, je me suis demandé si les gens avec qui j’étais sur le terrain n’étaient pas sous l’emprise d’un produit. »

Le ressenti par rapport au scénario de cette rencontre est le même pour Clarence Seedorf, éphémère entraîneur du Depor en 2018, comme il l’avait expliqué à Fox Sports quelques temps après sa nomination en Espagne : « C’est le pire match de ma vie. Mourinho doit encore nous remercier pour être devenu un grand entraîneur après ça car ce Milan était incroyable. C’est le match qui m’a le plus fait mal, encore plus que la finale d’Istanbul. Ici, ils me le rappellent tout le temps : quand je rentre au Riazor, il y a partout des photos de cette soirée-là. A chaque fois que je vais sur le terrain, je suis obligé de passer devant. Ce match a été important pour tous ces gens. Le Milan était énorme, nous aurions dû faire le triplé cette année-là. »

  • nadal

    Je me rends compte que milan aurait pu remporter 3 ldc dans les années 2000 sans ce complexe de supériorité

    • Et celle contre Liverpool en 2005 par complexe de supériorité surtout après le score de 3 a 0 a la mi temps

  • Le jour où j’ai vu pour 1ere fois Maldini, Nesta dépassés

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