Hier soir, encore une fois, le Milan n’a pas su accrocher la victoire dans le derby della Madonnina. Encore une fois, comme lors des huit dernières stracittadine milanaises disputées en Serie A. Cette fois-ci, pourtant, le scénario était prometteur : en menant de deux buts et en maîtrisant globalement une première période rythmée, le Milan offrait un peu d’espoir à ses tifosi raillés depuis bien trop longtemps par leurs cugini. Mais ça, c’était avant le second acte. Finalement, le crash habituel a bien eu lieu et ce de manière particulièrement retentissante. Un derby à l’image des autres, en somme.
Comme d’habitude, les adversaires directs du Milan avaient perdu des points au cours de cette 23ème journée de Serie A : la Roma s’était inclinée à domicile contre Bologne, tout comme le Napoli face à Lecce avec un doublé de Lapadula et Parme contre la Lazio. Seul un surprenant Hellas s’était imposé face au leader bianconero, grâce à deux réalisations des ex milanais Borini et Pazzini. Les astres étaient donc alignés pour le Milan qui avait pris 11 points sur les 5 dernières rencontres de Serie A disputées depuis la fin de la trêve hivernale. En face, l’Inter avait engrangé 9 points sur la même période, mais l’équipe entraînée par Antonio Conte semblait tout de même en manque de garantie, symbolisée notamment par une victoire obtenue à l’arrachée sur le terrain de l’Udinese lors de sa dernière sortie. Car depuis le début de la saison, l’Inter surprend : Conte le magicien l’a sortie de l’ornière dans laquelle elle s’était perdue en même temps que le Milan – au point d’en faire un candidat sérieux au scudetto les semaines passant – mais l’Inter reste pazza, à même d’offrir des prestations schizophréniques allant d’étendard du Conte ball pragmatique et efficace à une léthargie inquiétante en quelques minutes d’une même rencontre. Finalement, ce que l’Inter a perdu en potentiel comique, elle l’a gagné en maîtrise et en cynisme, qui font toujours cruel défaut à notre Milan.
Comme d’habitude lorsque les grands matches arrivent, la totalité de l’effectif milanais semblait dans le bon état d’esprit. Même les tifosi les plus sceptiques se sentaient pousser des (petites) ailes à l’approche de la rencontre car après tout, un derby reste un derby… La Curva Sud s’imposait même dans l’avant-match en contrecarrant l’animation proposée par l’Inter dans un San Siro plongé dans la pénombre avec une chorégraphie lumineuse vantant la constitution de base du club nerazzuro. Et la première mi-temps donnait raison à tout ce petit monde. Stefano Pioli avait modifié son schéma tactique habituel afin d’opter pour un 4-4-1-1, ou 4-2-3-1, permettant de densifier le milieu de terrain et ainsi perturber Brozovic dans le cœur de l’entrejeu nerazzurro en réduisant au possible les distances au pressing. Les intentions étaient bonnes, les boulets habituels étaient disciplinés, le Milan marquait puis doublait la mise avec un Z. omniprésent… Mais ce scénario était bien trop beau pour être vrai.
Comme d’habitude, le Milan s’est liquéfié. Les bons préceptes de jeu du premier acte étaient oubliés au vestiaire et, en l’espace de quelques minutes, l’avance du Milan au tableau d’affichage avait fondu comme neige au soleil. A vouloir reculer et défendre bas, les rossoneri étaient pris au jeu d’une équipe composée de joueurs autrement plus talentueux et emmenée par un entraîneur coutumier de miracles, y compris avec onze bouts de bois. Ceux qui avaient su élever leur niveau de jeu en première période pour offrir un bloc équipe séduisant disparaissaient finalement et cette fragile équipe du Milan retombait dans ses travers, s’avérant incapable de résister à la pression d’un adversaire pourtant mené de deux buts à 45 minutes du terme. Cette énième défaillance mentale a une nouvelle fois mis en exergue l’écart qui existe et qui se creuse entre l’Inter et le Milan avec d’une part une équipe menée par un entraîneur-penseur aguerri et composée de joueurs d’expérience et/ou de qualité et d’autre part une somme d’individualités brinquebalantes chapeautées par un Mister de bas de tableau. Une opposition entre deux mondes, entre deux clubs au passé récent assez similaire mais dont les stratégies ne sont pas les mêmes.
Et finalement, comme d’habitude, ce derby a été l’illustration des interrogations persistantes qui existent autour du projet économico-sportif du Milan. Nous n’avons eu de cesse de le répéter sur ce site ces derniers mois : le Milan navigue à vue, tandis que l’Europe s’éloigne. Ce qu’il faut retenir, c’est que ce derby n’a pas été perdu hier soir, sur une passe pas assez appuyée ou sur un marquage laxiste. Ce derby a été perdu au mieux l’été dernier, lorsqu’il a fallu recruter un nouvel entraîneur devant permettre au Milan de remonter la pente, lorsqu’il a fallu trouver – ou pas – des joueurs adaptés à un schéma de jeu qui a été abandonné au bout de deux semaines de compétition, lorsqu’il a fallu insuffler une vision stratégique dans la politique sportive du club. Les constructions et dé-constructions successives du Milan depuis trois ans au bas mot ne permettent pas à notre club de cœur d’envisager atteindre prochainement le bout du tunnel, mettant à mal notre passion à nous, les tifosi. Comme si une énième claque dans un derby n’était déjà pas suffisante en soi pour flinguer sa semaine.