L’affaire a fait grand bruit mais est désormais officielle depuis une semaine : l’entraîneur Serbe Sinisa Mihajlovic s’est vu remercier avec pertes et fracas, et a du laisser son poste au désormais ex-entraîneur de la Primavera, Cristian Brocchi.
Si la sanction somme toute sévère a l’encontre de l’ex coach rossonero a subi une vague massive de contestations, l’heure est maintenant à l’analyse du Mister Brocchi. Qui est ce nouvel entraîneur ? Est-il un énième camouflet de la gestion catastrophique de la direction ? Peut-il relever le Milan et convaincre en l’espace de six rencontres Berlusconi de le conserver ? Nous essayerons de répondre à toutes ces questions.
C’était il y a désormais plus de 20 ans que naissait l’amour entre Brocchi et le club rossonero. Présent dans le secteur jeunes – comme un symbole aujourd’hui – du club, c’est lors de la saison 1994/1995 qu’il intégrera officiellement l’équipe première.
Après plusieurs prêts successifs afin de glaner du temps de jeu, les années 2000 verront Brocchi prendre une part importante a la dernière période dorée du club. Bon soldat, remplaçant volontaire et guerrier indiscutable, donnant tout sur le terrain les quelques fois qu’il fut aligné, Brocchi fut de la partie lors du titre de 2004 et des divers épopées Européennes en 2003 & 2007 (mais aussi présent lors de la finale perdue de 2005). Après un total de 6 années passées sous le maillot Rouge et Noir, Brocchi décide en 2008 de continuer et finir sa carrière à la Lazio, un club qui le marquera également.
Tout d’abord titulaire, il sera progressivement laché par un physique et se rapprochera inéluctablement de la retraite lors de la saison 2012/2013. C’est d’ailleurs de la pire des manières qu’il quittera les terrains puisque c’est lors du triste Genoa – Lazio que l’on verra pour la dernière fois ce volontaire soldat, frappé par un tacle assassin et non moins volontaire de Matuzalem qui le verra mettre un terme à sa carrière dès Février 2013.
Privé de quelques mois de carrière supplémentaires, Brocchi va toutefois rebondir très vite, sous une casquette différente, puisqu’il retourne à ses premiers amours en acceptant de devenir le coach des Allievi Lega Pro pour la saison 2013/2014.
Sous la houlette de la génération 98, Cristian Brocchi réalisera une saison exceptionnelle : demi finaliste de l’Al Kaas Cup, vainqueur d’un second tournoi prestigieux au dépens du Real Madrid et surtout premier de son championnat avec dix points d’avance. La bande des Cutrone, Iudica, Llamas, M.Modic mais aussi d’un certain Donnarumma (fraîchement promu par Brocchi malgré son année de retard) a parfaitement répondu aux exigences du coach Rossonero dont les idées commençaient a trouver de plus en plus d’adeptes dans le secteur jeune.
A l’aube de la saison 2014/2015, un ex de ses coéquipiers, Clarence Seedorf se fait froidement remercier par la direction Rossonera et c’est à Inzaghi, alors coach de la Primavera et lui aussi ancien coéquipier de Brocchi, que l’on donne les clés de l’équipe première. Si les feux des projecteurs se braquent sur l’ancien buteur, Cristian Brocchi profite lui aussi de ce jeu des chaises musicales en recevant la direction de la Primavera dès cette deuxième saison.
Avec un effectif ultra jeune (sans doute le plus jeune parmi les grosses écuries du championnat), mené par une poignée « d’anciens » comme Mastalli, Di Molfetta et un certain Calabria, il va consolider son groupe avec un grand nombre de jeunes 97 voir davantage (promotions de quelques éléments parmi les poulains qu’il eut l’an passé comme Cutrone, Locatelli mais aussi la promotion précoce d’un gamin de 15 ans dans les buts, j’ai nommé Gianluigi Donnarumma).
Au terme d’une saison de haute volée, le Milan se qualifie à nouveau (ndlr, ce qui ne fut pas le cas sous Inzaghi malgré un effectif plus âgé) pour la phase finale des U19 au terme d’une très belle saison régulière avec une seconde place avec 52 points et un statut de meilleur attaque U19 avec trois buts par match en moyenne (malgré une défense perméable).
Si l’équipe U19 verra son parcours s’arrêter en quarts de finale, s’inclinant sans perdre aux tirs aux buts face au Torino (futur vainqueur), le Milan version Brocchi a marqué de son empreinte par un jeu plaisant, offensif et qui a fait trembler des adversaires les plus coriaces.
Cette saison, mené par un groupe qu’il connait parfaitement entre une génération 97 utilisée lors de sa première année de Primavera et la génération 98 qu’il connait depuis ses débuts en tant qu’entraîneur, il mettra un temps a créer une alchimie sur ce groupe. Il faut par conséquent en grande difficultés jusqu’au mois de décembre.
Mais depuis mi décembre, Brocchi a enfin trouvé la recette, troquant son habituel 4-3-3 pour un 4-3-1-2 redoutable. Depuis 4 mois, la Primavera Milanaise enchaînera 10 victoires et un match nul en onze matchs, passant d’une sixième place peu glorieuse à une première place provisoire, redevenant également la meilleure attaque du championnat.
Comme un symbole, il réalisera un festival offensif lors de son dernier match (amical) avec une nette victoire 7-3 contre Novara. Adoubé par un président particulièrement fan du jeu offensif prôné par Brocchi, il laissera ses poulains un certain 12 Avril pour recevoir une nouvelle promotion et pour commencer un challenge des plus excitants, bien que tout aussi périlleux.
De ces deux années et demi sous les bancs Milanais auprès des jeunes talents du club, il aura été plus qu’un entraîneur, mais un véritable moteur pour le projet jeunes.
Si certains éléments (avec en tête de liste Gianluigi Donnarumma, mais aussi Calabria et plus récemment Locatelli) ont pu intégrer l’équipe première, ils le doivent en grande partie au travail de Brocchi. C’est lui qui a promu le portier de 17 ans avec les 98, c’est encore lui qui décide de placer sa confiance en un jeune gardien d’alors 15 ans quand son portier titulaire n’est pas disponible, c’est toujours lui qui déclarera lors de cette même journée que l’âge n’importait pas, que seul le talent était a prendre compte et qu’il était là pour faire éclore certains jeunes. C’est pourquoi il n’a pas hésité à confier les clés du jeu a Manuel Locatelli, vice capitaine de la Primavera et meilleur élément jusqu’a sa promotion cet hiver chez les pros.
Cristian Brocchi est un formateur. C’est d’une part quelqu’un qui a privilégié durant ces deux années la formation de ces poulains aux résultats sportifs, et d’autre part, quelqu’un qui n’a jamais cessé de produire du jeu et ce même lorsque son équipe menait au score. Enfin, c’est quelqu’un qui a toujours eu comme première ambition de promouvoir certains de ses éléments en équipe première. Véritable « papa poule » chez ses jeunes joueurs, il n’a jamais caché sa joie de voir un jeune percer en pro et n’a jamais caché ce véritable but, quitte à en faire passer le résultat de la Primavera pour secondaire.
Loué par ses pairs (encore récemment avec les commentaires élogieux du nouvel entraîneur de la lazio Simone Inzaghi, ou bien encore de l’entraîneur de la Primavera Interiste Vecchi) pour cet aspect, il est également salué par le jeu qu’il a développé avec ses équipes.
Dans un style très offensif, basé sur du jeu au sol et une possession de balle fréquemment supérieure à ses adversaires, l’idée de Brocchi et de faire des défénseurs centraux (et parfois même du gardien de but) les premiers relanceurs et la première pierre a l’édifice de chaque attaque, des attaques souvent menées par un surnombre avec l’utilisation offensive des latéraux défensifs, mais également de deux des trois milieux du centre.
Jonglant entre un 4-3-3 et un 4-3-1-2, il conserve donc comme base une défense à quatre et un milieu a trois dans lequel est intégré un regista technique devant la défense; une base où seul le trio offensif demeure incertain et variable en fonction de l’adversaire, de la forme du moment ou des joueurs a disposition.
Toutefois, si certaines idées resteront, Brocchi maintient quand même quelques incertitudes au regard de ses compétences tactiques et va devoir modifier certains aspects.
En effet, malgré les louanges faites à son égard par de nombreuses personnalités du football, Christian Brocchi ne reste qu’un coach sans expérience. Un entraîneur qui va devoir convaincre la direction mais aussi les tifosi (hostiles quant au choix d’évincer le Serbe avant la fin de la saison), et qui va devoir composer avec un climat délicat, empiré une direction aux choix abracadabrantesques.
Qu’importe les compétences acquises chez les jeunes, elles restent maigres au regard de l’enjeu essentiel de ces six derniers matchs avec une sixième place à conserver (un seul point d’avance et une différence de but particulière pénalisante sur Sassuolo) et une finale de coupe à disputer. Si le mister Brocchi a évoqué les mots « stimulant » et « excitant », le commun des mortels emploierait davantage le mot « dangereux », voir « suicidaire » pour les plus sceptiques.
En outre, des questions demeurent sur ces connaissances tactiques. Ayant pour ligne de conduite une progression des jeunes avant le résultat, ligne qu’il ne pourra conserver au regard des exigences sportives qui lui sont demandés, il est a l’heure actuelle impossible de réellement percevoir les qualités et carences tactiques du coach rossonero puisqu’il n’a guère eu l’occasion de les montrer.
Enfin, si certains aspects de ses idées resteront (le talent avant l’âge ou bien encore le module de jeu), il pourrait se heurter à quelques freins, comme la qualité d’un effectif ne lui permettant pas forcément d’obtenir le jeu qu’il souhaiterait. En effet, pour effectuer dans son 4-3-1-2, un jeu de possession basé de passes au sol, il faut des joueurs techniques, des latéraux offensifs et des mecs avec une intelligence tactique certaine, ce qui n’est pas forcément le cas de l’effectif actuel.
Quoi qu’il en soit, Cristian Brocchi s’apprête à vivre une nouvelle aventure palpitante, marquée une nouvelle fois par les couleurs du club qui l’a formé et qu’il a tant aimé. Ce weekend, Broccolo s’apprête a retrouver les pelouses de Serie A un peu plus de trois ans après les avoir quitté en pleurs, fauché par cette horrible blessure. Et ça, qu’importe la suite des événements, cela constitue tout de même une petite victoire pour notre soldat Rossonero.