Boateng : « Enjoy »
Très intéressante interview de Kevin-Prince Boateng réalisé par la Gazzetta Dello Sport. Il explore les sujets qui le touchent personnellement, tel l’Afrique, et son choix du Ghana. Sportivement, il compare les divers championnats, puis donne son leitmotiv dans la vie.
Vous avez eu un succès énorme dans cette première année à Milan. Vous êtes devenu un joueur important, une icône, vous-en rendez vous compte ?
« S’il y a un an, quelqu’un m’avait dit : tu iras jouer au Milan, tu gagneras un scudetto et tu deviendras une idole, je lui aurais demandé quels drogues il prenait. Mais au contraire du temps s’est passé et je me suis rendu compte en vacances, lorsque j’ai eu du temps pour réfléchir. Je répétais à ma femme : Nous l’avons fait, et c’est beau d’être l’idole des enfants. Une fois peut-être, les parents auraient dit : « Il a fait des bêtises dans le passé, il est tatoué, il ne peut pas être ton modèle ». Mais les gens m’ont vu comme je suis, ils ont vu mon coté positif, ils ont compris que je suis quelqu’un qui se bat et qui vie son rêve ».
C’était aussi un rêve la Coupe du Monde en Afrique du Sud, il y a un an de ça ?
« C’était le premier pas de ce que j’espère être une grande carrière, et ça a été une grande occasion pour l’Afrique. Je crois que maintenant les gens regardent le continent avec des yeux différents : ils pensaient qu’ils vivaient tous dans des cabanes, alors que l’Afrique a construit des stades merveilleux et a soutenu le poids d’une grande manifestation ».
Vous rappelez-vous de la rencontre avec Mandela ? Winnie Mandela vous a aussi demandé de l’épouser…
« Evidemment c’était une plaisanterie, de toute façon j’ai expliqué que j’étais déjà marié. Quant à Mandela, je n’ai jamais vu une personne qui transmettait un tel sens de paix. C’était un honneur même de parler juste un peu avec lui et de lui serrer la main ».
Vous avez choisi de jouer avec le Ghana plutôt que l’Allemagne, parce que vous vous sentez africain ou pour une question de football ?
« Je suis à moitié allemand, je me sens européen et aussi africain, peut-être que d’avoir pensé jouer pour l’Allemagne était la chose la plus logique. Mais j’ai eu une opportunité et je l’ai prise. Je pouvais jouer en équipe nationale, et c’était une façon d’en savoir plus de mes racines ».
Vous sentez-vous comme un symbole du football africain comme Weah ?
« C’est difficile de me comparer à lui ou à Eto’o. Je suis né et j’ai grandi en Europe, j’ai été pour la première fois en Ghana il y a peu de mois. Je me sens plus un symbole de la société multiculturelle ».
Vous sentez-vous pouvoir faire quelque chose pour l’Afrique dans le futur ?
« J’y pense déjà : je veux construire une école au Ghana ».
Enfant, votre idole était Pelé.
« Je pense encore que c’est le plus grand de tous les temps, mais les temps changent et d’autres champions arrivent. Maintenant mon idole est Cristiano Ronaldo, quelqu’un qui peut jouer partout, qui a du talent mais il est aussi le premier à arriver au vestiaire et le dernier à partir, en faisant peut-être aussi deux sessions d’abdos au lieu d’une. Il soigne chaque détail, car il aime son travail ».
A propos d’abdominaux, savez-vous que vous êtes devenu un sex symbol ?
« Ceci est une autre histoire amusante. Lorsque je suis arrivé ici j’étais gras : je pesais 90 kilos et mon agent m’a dit : mon garçon, ce n’est pas bien. Maintenant je pèse plus où moins 84 kilos. Une fois j’ai enlevé mon maillot après avoir marqué dans Portsmouth – Tottenham. Il y a une photo similaire à celle-là où j’ai sauté à San Siro sans maillot et lorsque je l’ai vu j’ai pensé : Mon dieu quel ventre j’avais ».
La Morale ?
« La morale est celle-ci je dois remercier le travail. Je sais d’où je viens, et je suis fier de ce que j’ai fait jusqu’à présent ».
Jouerez-vous milieu de terrain si Allegri le demandait ?
« S’il me le demandait oui, même si ça ne me ferait pas plaisir parce que mon poste préféré est derrière les deux attaquants ».
Cela signifie que vous préférerez un Mister X mezzala ?
« Quant on regarde, nous n’avons pas besoin de Mister X. Fabregas, Ganso, Hamsik… S’ils arriveront ils nous donneront un coup de main, mais ce n’est pas le problème. Ici nous avons tout : joueurs expérimentés et jeunes, joueurs de qualités et guerriers ».
Donc, aucun renfort ne servirait ?
« Le problème n’est pas Mister X, la chose importante est l’équipe : ce Milan est fantastique et si nous jouons en équipe, nous pouvons obtenir n’importe quel résultat. Voir courir ainsi Inzaghi à 39 ans te fait penser que tout est possible pour nous. Je vomirais si je courrais autant que lui ».
Fan du scudetto ou de la Ligue des Champions ?
« Je place le championnat avant tout : c’est pour le championnat qu’on travaille chaque jour, c’est le championnat qui nous implique chaque semaine ».
Mais la Ligue des Champions est historiquement l’objectif préféré du Milan : que manque-t-il au Milan pour rivaliser avec Barcelone ?
« C’est une question d’état d’esprit. Ça n’a rien à voir avec combien nous pouvons être bons. Il y a trop de pression lorsqu’on joue la Ligue des Champions, ceci est le problème ».
Le football espagnol est le meilleur d’Europe ?
« Avant de venir en Italie je pensais : quel ennui tous ces 1-1 ou 1-0. Puis je suis arrivé : en Italie les équipes sont fortes et toutes défendent jusqu’à la mort. Le Barca peut mettre cinq buts à chaque match, en Italie c’est impossible ».
Et le football anglais ?
« C’est amusant à suivre, rapide, il y a toujours du combat. Mais techniquement ou tactiquement, hormis Arsenal, il y en a peu. Non le football italien est le plus complet, il a tout ce qui sert ».
Peut-être que si vous gagnez un autre scudetto, vous danserez encore.
« J’étais très nerveux, mais à la fin c’était amusant. Tout a été fait au moment juste, cette soirée là, même si mon moonwalk avait été mal fait, ils auraient tous dit qu’il était parfait. Cependant je l’ai assez-bien fait non ? ».
Boateng, quelle est la chose la plus importante pour vous dans la vie ?
« Les tatouages peut-être ? Je plaisante, c’est une question difficile. Je crois que c’est être heureux et avoir des gens heureux autour. Être heureux, croire en soi-même et en ceux qui ont fait des choses plus importantes. Ça me plait de chanter et de danser dans le vestiaire, pas toujours, mais de temps en temps. Je crois que les gens se plaignent trop de leurs vies. Certes, venant de moi, on pourrait se dire, tu es un footballeur, tu gagnes tant d’argent, pour toi tout est facile. Mais lorsque tu rentre à la maison le soir et que tu as une famille autour de toi et qu’il y a de la nourriture sur la table tu devrais être heureux. J’ai vu des gens au Ghana qui n’ont rien mais vont quand même de l’avant. Vraiment la vie devrait être prise de la bonne façon. S’amuser, sourire, enjoy. Je fais ainsi. Et ça fonctionne ».
