Ce qui n’est désormais qu’un secret de polichinelle est en passe d’être officialisé. Cinq mois à peine après son arrivée, Clarence Seedorf devrait être en effet démis de ses fonctions par le board rossonero, Adriano Galliani en tête de file, instigateur de ce nouveau coup d’éclat au sein de l’institution rossonera à nouveau mise sous le feu des projecteurs pour le déroulement de ses affaires en coulisses.
Signe de temps qui changent, le Milan est soumis comme tous les autres clubs à une instabilité sur son banc des entraîneurs, alors qu’il s’était fait une spécialité de conserver ses techniciens sur la durée, quand bien même les résultats ne suivaient pas ou plus. Un argument notamment avancé par Galliani himself à l’automne dernier pour justifier le non-renvoi de Massimiliano Allegri, alors que le Milan était au plus mal en championnat.
De quoi résolument trancher avec la situation actuelle, plutôt paradoxale. Pensez donc; Clarence Seedorf, néophyte et tout jeune retraité, est parvenu avec ses outils et un groupe qu’il récupère démoralisé en cours de route – qu’il n’a par ailleurs pas choisi – à refaire du Milan en toute fin de saison un prétendant sérieux à une qualification en Europa League.
Peu d’entre nous y auraient cru au soir de la fameuse défaite face à Sassuolo qui a marqué le limogeage d’Allegri, voir même au terme de l’après-midi cauchemardesque face à Parme mi-mars dernier ou le club rossonero végétait en seconde partie de tableau, alors très loin d’espérer une fin de saison aux allures de « course-poursuite » contre le Torino ou encore Parme.
Mais les cinq victoires consécutives acquises ensuite sont passées par là, permettant au Milan de retrouver espoir en fin de saison. Signe que la méthode Seedorf commençait à porter ses fruits, en dépit d’un groupe de niveau moyen, avec lequel Allegri n’avait pas su trouver la formule. Surement en raison d’une certaine rigidité tactique, à laquelle ne s’est pas astreint Seedorf. Bien au contraire.
Le tableau semble donc presque parfait pour le technicien néerlandais, qui a réussi son pari, à savoir redonner des couleurs à un club alors plongé dans un esprit défaitiste, et qui manquait cruellement de fond de jeu, ou tout du moins d’un semblant d’identité tactique, que l’ancien numéro dix rossonero a essayé d’insuffler à ce onze durant ces cinq mois passés, avec plus ou moins de succès.
Mais voilà, il semblerait que ces éléments en faveur du néerlandais ne suffisent pas à confirmer son maintien pour la saison à venir, car plusieurs causes ont scellé la décision de son débarquement prise en début de semaine à Arcore d’après la presse transalpine. En premier lieu, des dissensions entre le principal intéressé et une partie de son groupe.
Et notamment avec Mauro Tassotti, avec qui les relations, certes toujours professionnelles, n’ont jamais été au beau fixe. Et ce en raison de divergences quant à l’aspect technico-tactique, et au présumé manque d’écoute du néerlandais. Ce qui a poussé l’un des anciens de la maison rossonera à indiquer qu’il quitterait le club en fin de saison : une décision semble t-il remise en cause en cas de départ officiel de Seedorf.
Par ailleurs, il se murmurerait que le « noyau » italien ait manifesté son mécontentement à l’égard des méthodes de coaching employées par Seedorf, entre séances d’entrainement inadaptées au regard de leur programmation durant l’après-midi, mauvaise communication, et volonté de remettre les cartes à zéro, notamment au détriment des titulaires italiens tels que Montolivo, Abate, voir De Sciglio, dont le placement exclusif sur le flanc droit a suscité des remous. Néanmoins, ces éléments demandent confirmation, et sont le lot de tout entraîneur en début de carrière, amené à tâtonner quant aux méthodes à employer à l’égard de son groupe. Nul doute que le principal intéressé aurait modifié ses méthodes au fur et à mesure de l’avancée de son aventure sur le banc rossonero.
En second lieu, et source de la cassure entre Seedorf et sa dirigeance, le mécontentement non caché de Galliani à l’égard du hollandais. L’élément déclencheur a sans doute été la fameuse conférence de presse organisée à l’improviste par Seedorf à Milanello, sans en avoir informé la dirigeance, outrepassant par là l’une des clauses de son contrat d’après le numéro deux rossonero. Sans compter les choix tactiques que n’approuve pas forcément l’administrateur délégué milanais, à l’image de la mise sur le banc d’Abate.
Enfin, le coté « insoumis » de Seedorf a très certainement suscité l’ire de Galliani, le néerlandais ayant démontré par ses gestes et paroles qu’il ne comptait pas jouer l’entraîneur servile à l’instar d’un Allegri, et qu’il comptait bien faire valoir ses choix et les imposer afin de bénéficier d’un groupe taillé selon ses besoins. De toute évidence, la relation entre les deux hommes ne pouvait que s’avérer compliquée pour l’avenir au regard de leurs divergences de communication, de méthodes, et de choix sportifs. Dès lors, malgré une fin de saison somme toute correcte, l’avenir du batave sur le banc milanais était d’ores et déjà scellé, essentiellement pour ces raisons extra-sportives.
Mais le limogeage du principal intéressé n’était pas encore totalement acquis pour Galliani, dans la mesure ou Seedorf bénéficiait encore jusqu’à il y a peu des faveurs de Silvio Berlusconi, qui n’a jamais caché sa sympathie pour l’actuel et toujours numéro un du banc milanais. Le lobbying de Galliani a toutefois logiquement persévéré, parvenant ainsi à convaincre Berlusconi des bienfaits d’un débarquement de Seedorf. Et ce pour l’intronisation d’un ancien de la maison rossonera, Pippo Inzaghi, actuel entraîneur de la Primavera. Qui devra – et devrait – logiquement se montrer plus consensuel que son ancien coéquipier, sous peine à son tour de ne plus être en odeur de sainteté avec la dirigeance.
En fin de compte, les aspects extra-sportifs ont pris le pas sur un bilan globalement positif pour un entraîneur néophyte, qui a repris une équipe par défaut ne débordant pas de talent, six mois à peine après son arrivée, et après la signature d’un contrat de deux ans.
Ce débarquement aura en conséquence un double impact sur le club : tout d’abord financier, car la résiliation du contrat à l’initiative du club emporte automatiquement le versement d’une indemnité de licenciement correspondant à la durée à échoir du contrat… qui est de l’ordre de plusieurs millions d’euros.
De quoi davantage grever des caisses déjà exsangues. Ce qui met à nouveau en avant une politique « court-termiste », ne prenant absolument pas compte des effets pour l’avenir de la signature d’un contrat portant sur plusieurs années. A l’image des nombreux joueurs arrivés à paramètre zéro ces dernières saisons, dont le Milan a eu du mal à se défaire et aura encore du mal à se défaire.
En second lieu, ce débarquement aura un impact sur l’image du club en prendra à nouveau un coup : jusqu’alors carré dans sa gestion des hommes, le Milan se fourvoie à nouveau dans ce dossier, laissant entrevoir – de nouveau – les limites de la gestion du tandem Galliani – Berlusconi, dominé par le premier cité, toujours plus omniprésent. En effet, après avoir repoussé les vaines tentatives de « coup d’état » de Barbara Berlusconi, il s’est de nouveau départi d’un encombrant entraîneur, aux exigences sportives bien trop grandes pour ce Milan là et au caractère affirmé. La méritocratie a clairement été mise de coté dans ce dossier, le technicien néerlandais n’ayant pas réellement fauté au cours de ces derniers mois sur le plan sportif.
On pourra toujours débattre de la pertinence de ses choix, et notamment de la mise sur le banc d’Abate (qui n’a finalement pas véritablement pesé sur les performances rossonere), mais cela concernera également Inzaghi dans un futur proche.
Les cinq mois passés par coach Seedorf n’ont donc rien d’un échec au vu de la situation dans laquelle était plongée le club à son arrivée. Ils ont eu la nature d’un enseignement, à savoir remettre en exergue l’influence bien trop grande de l’omnipotent Adriano Galliani, qui ne bénéficie pas de vrai contrepoids au sein du club, dans la mesure ou Silvio Berlusconi n’étant désormais plus qu’une sorte de contre-pouvoir sur le papier.
Clarence Seedorf sera donc contraint de remettre les clés de la maison à son successeur et ancien coéquipier Pippo Inzaghi de manière quelque peu ingrate et peu en rapport avec la classe que devrait afficher l’institution rossonera à l’égard de l’un de ses anciens, qui n’a pas hésité à mettre la main au cambouis quand la maison rossonera vacillait dangereusement en janvier dernier. Sachant que deux ans auparavant, le départ de ce même Seedorf s’était fait dans un quasi anonymat.
Nous ne pouvons donc que remercier ce même Clarence Seedorf pour son apport certes court, indépendamment des raisons de son départ, et souhaiter bon courage à Pippo Inzaghi, dont l’apprentissage a quelque peu été interrompu de manière prématurée par la dirigeance, et qui aura fort à faire pour redresser une institution rossonera qui ne sait plus trop ou elle en est aujourd’hui…