Ce titre vous paraîtra sans doute convenu, mais il ne pouvait en être tout autre : Vincenzo Montella, dit « l’Aeroplanino » pour les intimes (en référence à la célébration des buts qui fut la sienne durant sa carrière professionnelle, les deux bras à l’horizontale, mimant un… avion) a enfin atteri à Milan, un an et demi après le début des premières rumeurs annonçant son arrivée sur le banc rossonero, pour officier en lieu et place d’Inzaghi, en vue de la saison 2015/2016.
Après un premier atterrissage avorté, l’ex-technicien florentin a enfin posé les roues de son coucou aux abords de CasaMilan, pour redonner au Milan – devenu simple avion sans intérêt – la vigueur d’un Boeing 777 ou d’un Airbus A380. Retour sur le passé récent de celui qui fit les beaux jours de l’attaque romaine, et sur ses perspectives milanaises.
Le natif de Castello di Cisterna (en Campanie, dans la région de Naples), a, comme à l’instar d’anciennes gloires de son club, débuté sa carrière d’entraîneur professionnel sur le banc de sa formation chérie, après un court passage à la tête des Giovanissimi giallorossi. C’est donc en février 2011, prenant la suite d’un Claudio Ranieri démissionnaire, que Montella obtint ses premiers émois sur un banc de Serie A, en l’occurrence celui d’une formation de la Roma alors en proie au doute. Cet interlude de seize matchs le vit porter la Roma à la septième place du championnat, ainsi qu’en demi-finale de Coupe d’Italie.
Insuffisant, toutefois, pour la dirigeance romaine d’alors, qui fit place à Luis Enrique dans le but d’obtenir un Barça à l’italienne à l’été 2011, laissant alors Montella sur le carreau. Ce chômage est toutefois de bref durée pour le principal intéressé, débauché par Catane moins de dix jours après son départ de Rome. En Sicile, Montella permit aux elefanti de réaliser leur meilleur total de points de l’histoire en Serie A : 48 points glanés, pour une onzième place aux allures de succès pour le tout jeune entraîneur campano.
De quoi légitimement attirer l’attention d’une Fiorentina qui souhaite mettre en place un nouveau cycle après une saison 2011/2012, véritable annus horribilis côté florentin, terminée à la 13ème place (avec en prime les frayeurs d’une potentielle relégation) : après avoir limogé un certain Sinisa Mihajlovic au terme de onze journées de championnat, ensuite remplacé par le tumultueux Delio Rossi, qui se manifestera en fin de saison par une empoignade surréaliste avec Ljajic sur le banc lors d’un match de championnat, la Fio souhaitait alors se baser sur le fringant Montella.
La famille Della Valle joint alors la parole aux actes : le mercato de l’été 2012 sera assurément celui de la Viola. Et il l’a été. Outre un dégraissage opéré dans les règles de l’art (Montolivo rejoignit alors le Milan, Cerci le Torino, Nastasic Manchester City, Behrami le Napoli…), la direction sportive de la Fio, aidée de Montella, procéda au recrutement de neuf joueurs d’importance. A savoir Borja Valero, Gonzalo Rodriguez, Alberto Aquilani (indésirable au Milan après un prêt d’un an en provenance de Liverpool), Mati Fernandez, Pizzarro ou encore l’intenable Cuadrado.
La campagne de recrutement unanimement saluée de l’autre côté des Alpes, les attentes sont alors logiquement présentes à l’orée de cette saison 2012/2013. Et pour sa première saison sur le banc de la formation toscane, le pari est tenu : développant un jeu résolument tourné vers l’offensive, avec l’émergence des Borja Valero, Rodriguez ainsi que Cuadrado, la Fiorentina boucla sa saison 2012/2013 au quatrième rang, après une âpre lutte pour la 3ème place avec… le Milan, qui valida le dernier ticket qualificatif pour le 3ème tour préliminaire de la Ligue des Champions sur le terrain de Siena, sur fond de polémique arbitrale, à laquelle Montella participa sans vergogne.
La saison 2013/2014 fut ensuite celle de la confirmation pour Montella et ses hommes : la quatrième place de Serie A fut de nouveau atteinte en mai 2014, sur des bases tactiques identiques à celle de la saison précédente (un 3-5-2 mais aussi et surtout un 4-3-3 pour la majeure partie de la saison). Cette saison vit en outre la révélation de Cuadrado, ainsi que le retour intéressant de Beppe Rossi après plusieurs années de galère, avec seize buts inscrits durant la saison. Le retour en Europe s’avéra plus compliqué cependant, avec une élimination dès les huitièmes de finale de l’Europa League, au terme d’un duel des plus serrés face à la Juventus (victoire 2-1 en cumulé des bianconeri au terme des matchs aller/retour).
La saison suivante, la dernière de Montella sur le banc florentin, a de nouveau vu la Fiorentina terminer au quatrième rang, mais aussi et surtout, vu les coéquipiers de Mario Gomez buter en demi-finale d’Europa League face à Séville, futur vainqueur. Un bilan de fin de saison honorable, mais qui permet pas de cacher l’existence de tensions entre Montella et sa direction, mais aussi entre l’homme fort du banc viola et une partie des tifosi. Pour saupoudrer le tout, des déclarations de l’ex-romain sont par suite venues s’ajouter à la cacophonie ambiante. Débutée sous les meilleurs auspices, l’aventure de Montella à Florence s’est terminée avec pertes et fracas. Le principal intéressé déplorera d’ailleurs dans la presse les conditions de son éviction, qui lui a été signifiée par mail. Comme un symbole du lien rompu entre Della Valle et Montella, dont le contrat commun courait pourtant jusqu’en juin 2017.
Sans club à l’aube de la saison 2015-2016, Montella ne tarde finalement pas à retrouver un banc, qui sera à nouveau celui d’un de ses anciens clubs. En effet, début novembre, la Sampdoria se sépare de son entraîneur Walter Zenga, fraîchement nommé en remplacement de… Sinisa Mihajlovic. Les performances peu convaincantes de l’équipe – notamment une piteuse élimination en troisième tour préliminaire face au club serbe de Novi Sad, Vojvodina (2-4 en cumulé) – poussent le fantasque président doriano Massimo Ferrero à appeler à la rescousse l’Aeroplanino, joueur blucerchiato entre 1996 et 1999 puis en 2008. Son premier choix est de confier à plein temps le brassard de capitaine à Roberto Soriano mais, du côté des résultats, les améliorations peinent à se faire ressentir, faisant passer la Samp de la 10ème à la 16ème place avant la trêve hivernale. Avec un effectif globalement faible et qu’il n’avait pu façonner à sa sauce, Montella arrive à récolter des points essentiels lors de victoires face aux autres candidats au maintien et termine finalement 15ème avec seulement 2 points d’avance sur le premier relégable… Loin d’avoir laissé une trace visible dans le jeu de la Sampdoria, le campano de naissance signe finalement au Milan, laissé libre par le club blucerchiato.
Comme Filippo Inzaghi et Sinisa Mihajlovic avant lui, Vincenzo Montella a reçu la mission d’ouvrir un nouveau cycle victorieux pour le Milan. A l’instar de ce que voulait Silvio Berlusconi, le club s’est attaché les services d’un entraîneur au jeu résolument tourné vers l’attaque. Le Cavaliere en a décidé ainsi : son Milan doit être attrayant, offensif et spectaculaire, à même de lui éviter d’interminables siestes dans sa villa d’Arcore devant les purges produites par son équipe de cœur depuis maintenant plusieurs saisons. Bref, il faut du football champagne pour les pontes de CasaMilan et les tifosi désespérés après quatre ans d’ennui, et vite ! Intéressons-nous donc au jeu à la Montella.
Pour l’ex attaquant italien, l’équation est simple : son équipe doit avoir la maîtrise du terrain et du ballon, l’une n’allant pas sans l’autre. La possession de balle est donc au centre de son système, ce qui nécessite bien évidemment des joueurs à l’aise avec le ballon qui savent pour autant le récupérer très vite lorsque l’équipe en est dépossédée. Ainsi, les joueurs de Montella ont comme objectif d’évoluer rapidement vers l’avant, afin de profiter des espaces. Utilisant majoritairement le 4-3-3, le néo Mister milanais mise beaucoup sur son regista, à la manœuvre au cœur du jeu : l’utilisation de Francesco Lodi à l’époque de Catane ou plus récemment de Borja Valero à la Fiorentina illustre cet aspect. Le jeu passe forcément par ce joueur, qui régule l’ensemble du bloc équipe. Dans l’effectif actuel du Milan, Montolivo serait-il capable de tenir un tel rôle ?
Cependant, les équipes entraînées par Montella n’étaient pas non plus coupées en deux entre la défense et le milieu, en phase offensive. Les défenseurs centraux sont les premiers relanceurs, souvent vers le fameux regista, et l’entraîneur campano a tendance à demander aussi bien au gardien qu’aux autres joueurs d’éviter au maximum les longs ballons vers les attaquants. Le ballon doit être le plus souvent possible à terre, point. Les latéraux, quant à eux, auront une vocation offensive primordiale, dans l’optique d’amener le surnombre et de jouer des dédoublements avec les milieux, sur leurs côtés. Cette mission ne devrait pas poser trop de problèmes à Abate, dont le physique lui permet de couvrir d’importantes distances, mais qu’en sera-t-il à gauche ? Antonelli et même De Sciglio n’ont pas le volume athlétique du numéro 20 rossonero afin de se projeter vers l’avant.
Lors de sa présentation il y a quelques jours à CasaMilan, l’Aeroplanino avait indiqué ne pas savoir encore exactement quel type de schéma il allait privilégier en attaque : il a évoqué une attaque à 3 ou bien un système avec deux joueurs en soutien d’un seul véritable attaquant. Lorsque l’on s’intéresse à ses équipes passées, et notamment la Fiorentina, Montella favorisait régulièrement le premier cas de figure. Dans son 4-3-3 classique, l’attaquant axial est une figure type du ‘faux numéro neuf’ : sa mission est de laisser vide la zone centrale où il est censé se trouver. Son travail peut avoir différentes formes : l’attaquant ne participe pas à la construction du jeu mais part de suffisamment bas sur le terrain afin de faire un appel dans cette zone, ou bien l’attaquant participe à l’organisation des actions en apportant le surnombre dans la zone du ballon et compte ainsi sur l’ailier et le milieu opposés afin d’amener de la présence devant le but adverse. Sous la direction de Montella, Giuseppe Rossi avait brillé dans ce registre (lorsqu’il n’était pas blessé) et même Josip Ilicic avait reçu quelques fois un tel rôle. Au Milan, entre les joueurs en instance de départ et ceux inadaptés, il ne resterait plus qu’un Lapadula pour accomplir une telle tâche.
En définitive, celui que certains décrivent comme ‘le plus espagnol des entraîneurs italiens’ attend une grande justesse technique de chaque joueur, du gardien jusqu’à l’attaquant axial. Le problème majeur réside évidemment dans l’effectif actuel du club. Si des joueurs comme Bertolacci et dans une moindre mesure Kucka peuvent s’avérer utile au milieu de terrain, il manque une véritable rampe de lancement, Montolivo n’étant que trop irrégulier. Devant, là encore, Montella trouvera-t-il un attaquant axial répondant à ses critères ? De plus, le manque d’un ailier droit se fait une nouvelle fois sentir, surtout dans l’hypothèse d’un 4-3-3 : ni Niang ni Honda ne donnent satisfaction à ce poste et Suso semble être voué à un rôle de monnaie d’échange dans un quelconque transfert. Sans compter que tout ce petit monde devra se montrer suffisamment fort physiquement pour effectuer un pressing très haut comme cela est attendu par l’entraîneur. Finalement, Montella ne croyait pas si bien dire lorsqu’il annonçait aux journalistes : « il y aura beaucoup de travail ».