Décevant, insipide, médiocre, sans inspiration, affligeant : tels sont les durs et cruels adjectifs employés pour parler des prestations rossonere depuis le début de saison. Avec comme un air de déjà vu. Plus qu’une impression, le bilan statistique confirmant cela : après six journées, huit point seulement ont été récoltés, contre sept la saison passée. Un bilan dont Adriano Galliani n’a pas manqué de se vanter, évoquant après quatre journées que le début de saison était en tout points meilleur que celui de la saison passée… un point de plus ayant été glané au classement par rapport à l’an passé. Un cynisme pour le moins pathétique.
C’était pourtant de bon cœur que bon nombre de tifosi ont pris acte du nouveau discours des pontes de Via Turati à l’orée de la saison qui vient de s’ouvrir. Un discours optimiste, qui fait la part belle à une cohésion retrouvée, et à une synergie renouvelée entre le trio de choc du Milan : Berlusconi – Galliani – Allegri. La confiance renouvelée à l’égard du technicien toscan en est d’ailleurs le symbole, après un renouvellement dont le final a été « scénarisé » à la Villa d’Arcore du Cavaliere en juin dernier. Disposant désormais de toutes les forces vives (et de l’écoute du board rossonero pour les questions de mercato), Allegri avait désormais les clés pour redonner le sourire à des tifosi désabusés, blasés par une saison éprouvante et indigne du standard d’un club comme le Milan.
Le faux-départ en championnat a pu réveiller les vieux démons, mais le passage des tours préliminaires face au PSV a plaidé en la faveur du Mister, qui a honoré l’un des objectifs de ce début de saison. Soit, le couac face à Vérone n’était peut-être qu’une fausse alerte. Pis, l’arrivée de Kakà ou encore d’Alessandro Matri, censé apporter son sens du but laissaient à croire que ce début de saison inaugurerait – peut-être – le renouveau du Milan version Allegri désormais tourné vers un 4-3-1-2, vestige de la saison passée, dans lequel l’enfant de Milan retrouverait toute sa splendeur d’alors.
Que nenni… le match nul acquis dans les toutes dernières minutes de jeu face au Toro ayant laissé émerger le vaste chantier encore en cours. A l’image de la saison passée : l’histoire n’est décidément qu’un éternel recommencement : la blessure de Kakà est d’ailleurs un symbole fort. Qui n’est pas le seul à rejoindre l’infirmerie, qui au vu du nombre de ses pensionnaires provisoires, pourrait à elle seule composer le onze des éclopés de Milanello.
L’excuse semble alors toute trouvée. On ne peut certes nier le poids de ces absences (les cadres tels que Montolivo, Pazzini, El Shaarawy voire Kakà étant indisponibles), mais un club de l’envergure du Milan se doit de pouvoir parer à toutes les éventualités comme l’a rappelé un certain Billy Costacurta il y’a quelques jours. Ces blessures ne sont par ailleurs qu’une petite partie du problème, car ce Milan donne l’impression de ne pas pouvoir rivaliser avec ses adversaires sur la scène européenne, mais aussi interne. La Juventus, la Fiorentina, le Napoli, la Roma, ou encore l’Inter (!) apparaissent bien mieux armées que la formation lombarde pour jouer les premiers rôles.
Le Milan ne semble pas en mesure de faire jeu égal, d’autant que le retard accumulé au démarrage pèsera lourd lors du décompte final. Les plus optimistes argueront du très bon retour réalisé en seconde partie de saison l’année passée, mais la Fiorentina ou la Roma n’étaient pas aussi bien armées que cette année notamment. Le plateau est bien plus relevé, assurément, et les places seront chères. Mais plus que les questions comptables, c’est le Milan dans sa globalité qui inquiète.
A commencer par Allegri. Outre sa langue de bois bien affûtée, qui agace de plus en plus, l’ex-homme fort de Cagliari semble avoir bien fait le tour de la question au Milan. Sauvé par l’abnégation mais aussi par l’apport de l’expert ès pénaltys Mario Balotelli, le technicien rossonero limite tant bien que mal les dégâts à l’heure actuelle. Les sauvetages de fin de match ne sont toutefois pas la norme, ni constamment acceptables, car signes d’une absence de solidité défensive mais aussi d’un fond de jeu permettant de prendre possession du jeu sans avoir à constamment courir derrière le score au cours de la partie.
Ce qui laisse entrevoir un constat : son aventure en terre lombarde semble avoir été prolongée plus que de raison, dans la mesure ou il n’apparaît plus capable d’apporter ce souffle nouveau tant souhaité par tous. Sa rigidité dans ses choix, son entêtement dans certains choix tactiques (pourquoi une telle importance accordée à un Muntari, par exemple ?), sa frilosité à faire émerger un jeune primaverino tel que Cristante, et par dessus tout, une lisibilité médiocre de son système de jeu. On a concrètement du mal à voir ce que souhaite Allegri, ce qu’il demande aux joueurs.
D’où l’impression de parfois voir onze joueurs envoyés sur le terrain, démunis de toutes indications tactiques. C’est tout du moins l’impression donnée, qui revient à intervalles régulières lorsque l’on évoque la tactique voulue et mise en place par Allegri, qui s’est par exemple avérée contre-productive hier soir face à l’Ajax, avec une possession de balle qui est montée jusqu’à 70% en faveur des ajacides… choix assumé par le toscan après la rencontre !
Enfin, les blessures à répétition de ce début de saison laissent planer sur le coach rossonero une once de responsabilité : la préparation d’avant-saison aurait-elle été un peu trop intensive ? Les entraînements sont-ils bien trop « musclés » ? On est tentés de le croire, car une telle hécatombe de blessés ne relève pas seulement de la malchance. Ce qui amène à s’interroger sur le role du fameux Milan Lab, censé être l’un des centres de soin le plus perfectionné en Italie et dans le monde, qui apparaît bien inutile au regard du nombre de blessures cumulées depuis le début de saison, sans compter les saisons passées, elles aussi plutôt fournies en blessures en tout genre.
Son avenir ? Sa place ne semble pour le moment pas menacée malgré les bruits de couloir. Un renvoi en cours de saison sonnerait comme un désaveu de la politique rossonera et du choix effectué cet été, ce dont Galliani et Berlusconi souhaitent se passer. Il est donc très probable qu’Allegri termine la saison sur le banc, avant de convoler peut-être vers la Nazionale.
Un constat qui met le doigt sur l’autre point sujet à réflexion au sujet du Milan : sa dirigeance. Car elle semble également dépassée par les événements, mais aussi par le temps. Son président Berlusconi englué dans les procédures judiciaires à n’en pas finir, qui ne peut logiquement à la fois manier l’ex club le plus titré du monde et ses déboires politico-judiciaro-privés. Mais le numéro deux, Adriano Galliani, n’inspire plus réellement confiance à l’heure actuelle. Hormis le retour de Kakà, joliment réalisé (vente à 64M€, retour pour 0€), l’administrateur-délégué semble ne plus en mesure de pouvoir prendre les meilleures décisions pour le Milan.
Car plus qu’Allegri, il est pour grande partie le responsable de la présence de certains joueurs qui n’ont raisonnablement pas le niveau pour porter le maillot rossonero, participant à la dilapidation du peu de fonds dont dispose le Milan à accorder au marché des transferts (à l’image de l’onéreux transfert de Matri, alors que les solutions Petagna et Paloschi à moindre coût existaient).
D’autres décisions telles que le rachat de Zapata dont les faiblesses ont été mises en exergue depuis la reprise, ou encore l’aval donné au maintien d’Allegri sont autant de choix qui ne plaident pour le moment pas en sa faveur. Enfermé dans ses certitudes, il ne donne pas l’impression de vouloir changer, ou tout du moins faire évoluer ses positions. Comme en témoignent ses déclarations, ou l’analyse de ce début de saison repose quasi-exclusivement sur les blessures dues à la malchance.
Ce qui fait de Galliani, sans conteste, l’un des responsables de la gabegie actuelle. Sans que sa position soit réellement fragilisée, car Galliani et Berlusconi ne vont pas l’un sans l’autre. Vingt-cinq ans de collaboration oblige. Qui enferment Via Turati dans une bulle ou le renouvellement des générations est honni, dont le club rossonero pâtit aujourd’hui. Car le Milan a besoin d’air frais, de nouvelles idées, et de nouveaux choix stratégiques.
Tel est le constat que l’on peut dresser aujourd’hui à l’évocation du Milan, une fois de plus en reconstruction, mais sans cap précis, ni horizon clair. La déception semble désormais être la norme lorsque l’on évoque le Milan, et c’est désormais de nouveau aux tifosi que nous sommes d’avaler les couleuvres, repensant au faste d’antan, l’amour du Milan étant plus fort que tout…