Pour la première fois depuis la fin de la saison 2018-2019, le Milan a enregistré trois victoires en trois matches, contre Cagliari, la SPAL et l’Udinese. Point commun de ces trois résultats positifs obtenus en huit jours seulement ? L’abandon de l’insipide 4-3-3 par Stefano Pioli et le passage au 4-4-2, entraînant de facto la relégation de Suso sur le banc lors des trois rencontres en question (avec tout de même une entrée en jeu lors du match de Coppa Italia face au club de Ferrare). Les rossoneri ont donc enchaîné les victoires alors que celui qui vampirisait les velléités offensives milanaises depuis trois ans se retrouvait sur la touche : c’est tout le paradoxe de la situation, où l’ancienne idole est finalement devenue paria. Comme une fin de cycle.
Il faut bien reconnaître que l’idylle entre le Milan et Suso a été faite de hauts et de bas. Lorsqu’il débarque en Lombardie en janvier 2015 en provenance de Liverpool pour un petit million d’euros, l’Espagnol n’est pas attendu comme le messie : difficile pour les tifosi de concevoir qu’une potentielle pépite arriverait en fin de contrat chez les Reds pour rejoindre le Milan version Inzaghi empêtré dans le ventre mou de la Serie A… Un prêt salvateur au Genoa un an après permet à l’Italie de découvrir progressivement qui se cache derrière Jesús Joaquín Fernández Sáez de la Torre, avant la révélation définitive sous les ordres de Vincenzo Montella lors de la saison 2016-2017. Le natif de Cádiz s’affirme comme le titulaire indiscutable au poste d’ailier droit dans la formation du vaincu rieur, avec 7 buts et 8 passes décisives en 37 matches toutes compétitions confondues. Sa justesse technique et sa feinte à droite suivie du tir/centre pied gauche – véritable dada des gauchers – mais aussi sa discrétion lui permettent de se faire un nom dans la péninsule et de décrocher une prolongation de contrat jusqu’en 2022.
Toutefois, tout n’est pas rose pour Suso : certes, il surnage dans une équipe qui se cherche des footballeurs mais – déjà à l’époque – un sévère ralentissement est remarqué en deuxième partie de saison (seulement 2 buts sur la période, par exemple), pouvant être interprété comme une certaine fatigue en l’absence d’un remplaçant convenable. Ces maux se répètent pourtant lors de la saison 2017-2018, la seule et unique disputée par le Milan sous pavillon chinois. En 50 matches, Suso distribue 11 passes décisives et inscrit 8 buts… dont 1 seulement après le nouvel an ! Les interrogations commencent à être plus nombreuses chez les tifosi tandis que les adversaires de l’Espagnol se posent moins de questions face à lui. La saison passée, dans un Milan longtemps promis à la 4ème place qualificative pour la Champions League, le jeu de Suso se délite encore plus vite qu’à l’accoutumée et le Suso discret devient aussi agaçant avec le temps, multipliant les déclarations contradictoires sur son avenir ou annonçant vouloir négocier une nouvelle prolongation – et donc obtenir une revalorisation salariale ! – malgré des performances plus que fluctuantes.
Finalement, c’est cet exercice 2019-2020 qui décrit sans doute le mieux le niveau et les capacités réels de Suso. Abonné au couloir droit malgré les différents entraîneurs qui se sont succédés sur le banc du Milan sans arriver à modifier ce système pourtant peu adapté à l’effectif, l’Espagnol voit sans doute d’un mauvais œil la nomination l’été dernier de Marco Giampaolo, chantre du 4-3-1-2. Quelle place dans un tel schéma pour le numéro 8 rossonero ? Parmi le duo d’attaquants ? Au poste de trequartista ? Rien ne convient finalement à Suso et, reniant ses principes, l’entraîneur abruzzese abandonne son système favori pour revenir à l’immuable 4-3-3 avant d’être remercié et remplacé par Stefano Pioli. De retour à son poste, Suso demeure toutefois un problème : son jeu prévisible, son manque de tranchant et une attitude parfois indolente le font prendre en grippe par le public de San Siro, excédé de voir les années de transition se multiplier. Quand il réalisait quatre ou cinq coups d’éclat par match auparavant, l’ex international espagnol n’en réalise plus qu’un par mois. Il ne faut bien sûr par lui faire porter intégralement le chapeau du marasme offensif milanais mais il en est un des exemples les plus criants.
Beaucoup de choses peuvent être reprochées à Pioli (ou au moins aux personnes qui lui ont donné le poste) mais le cinquantenaire barbu a fait le choix de mettre Suso sur le banc de manière prolongée et de voir comment cela se passait sans lui. L’expérimentation a – pour le moment – porté ses fruits avec trois victoires et huit buts inscrits en trois matches, sans Suso donc. L’Espagnol se sent-il écarté pour de bon ? Peut-être. En tout cas, Suso s’est rendu hier à Casa Milan pour discuter de son avenir et aurait demandé à être transféré rapidement. Lui, l’intransférable il y a encore six mois est devenu transférable immédiatement, sous réserve d’une offre d’au moins 25 millions d’euros. Les prétendants existent – on parle avec insistance du Séville FC et de Valence, voire de la Roma – mais ne semblent pas disposer à contenter les demandes du Milan. Faudrait-il donc diminuer le prix de vente, afin d’enregistrer une plus-value tout de même importante dans l’optique du fair-play financier et d’éviter que le prix du joueur ne diminue encore pendant la deuxième partie de saison ? Les pontes du Milan vont donc devoir gérer rapidement ce dossier car quoi qu’il arrive, l’avenir de Suso ne s’inscrit pas en rouge et noir et tout le monde trouverait à y gagner.