Keizer Keisuke

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C’est désormais officiel, et acté : Honda sera rossonero dès le mois de janvier prochain. Le secret de polichinelle s’est éteint après les déclarations d’Adriano Galliani il y’a trois semaines (voir ici), qui a officialisé l’arrivée du milieu nippon. Le prochain numéro 10 sera donc japonais, soit un virage à 180 degrés, le précédent rossonero ayant porté la tunique flanquée du légendaire numéro dix n’étant autre que le ghanéen Kevin-Prince Boateng. Un virage sur le plan sportif, eu égard les performances de l’ex-milieu milanais, davantage arrivé à porter le numéro dix pour des considérations marketing que sportives.

Keisuke Honda aura donc la lourde tache de redorer cette institution dans l’institution qu’est le poste de numéro 10. Un défi auquel a souhaité se frotter ce dernier, qui a vu son souhait de porter le fameux numéro exaucé par la dirigeance lombarde; voilà un rêve qui devient réalité pour le transfuge du CSKA Moscou, qui a depuis toujours souhaité porter les couleurs d’un écurie renommée du vieux continent du temps de sa jeunesse en terre nippone.

Plus qu’un simple coup marketing (le Milan souhaitant mieux s’exporter en Asie et notamment au Japon, et ainsi donner une impulsion à ses résultats marketing décevants depuis plusieurs saisons) l’arrivée de Honda répond à un besoin, celui de disposer de joueurs techniques, denrée rare depuis deux saisons et les départs des sénateurs. Focus sur un joueur qui a à cœur de prouver sa valeur sur le vieux continent dans les rangs d’une équipe de renommée mondiale.

De Settsu à Milan

Le premier japonais de l’histoire rossonera est donc né un 13 juin 1986 à Settsu, ville située dans la préfecture d’Osaka, troisième plus grande ville du Japon, distante de 500 kilomètres de Tokyo. Le jeune Honda tombe dans la grande marmite du football au cours de son enfance, dans un pays ou le baseball était alors le sport le plus populaire, le football professionnel n’ayant réellement émergé qu’en 1992 à l’occasion de la création de la J-League, la première division de football japonaise.

Signe d’une passion vive (entretenue par un grand frère footballeur, et une famille sportive qui a représenté les couleurs japonaises aux différents JO), Keisuke intègre la section jeunes du club de sa ville natale, le Settsu FC, en 1994, soit à l’age de 8 ans. Son talent ne passe alors pas inaperçu; de quoi lui permettre de monter en grade et rejoindre à 13 ans la division jeunes de Gamba Osaka en 1999. Cependant, il ne parvient pas à faire la différence dans le club de sa région; non-retenu, il file alors rejoindre en 2002 la Seiyro High School située dans la préfecture d’Ishikawa.

Ce petit « exil » lui sera profitable, car un peu plus de deux ans après son arrivée, il parvient à intégrer un club de J-League, les Nagoya Grampus, à l’age de 18 ans seulement. Alors mineur (la majorité est fixée à 20 ans au Japon), il dispute 4 rencontres en J-League lors de sa première saison, pour un total de 357 minutes de jeu. Des statistiques somme toutes encourageantes.

Il n’entre toutefois dans le vif du sujet qu’un an et demi après son arrivée, à l’occasion de la saison 2005/2006. Il dispute en effet 35 rencontres, et inscrit 2 buts. Les deux saisons suivantes confirment son statut de titulaire indiscutable, avec pas moins de 69 matchs disputés toutes compétitions confondues, pour 11 buts.

Le temps de voler vers le vieux continent a alors sonné pour le milieu nippon, qui souhaite donner une nouvelle dimension à sa naissante carrière professionnelle. Il quitte alors son île natale en 2008 à l’age de 21 ans pour rejoindre les Pays-Bas et le modeste club du VVV Venlo, alors en mauvaise posture en Eredivisie. Il parvient toutefois à s’imposer dans l’entrejeu de la formation néerlandaise lors de cette première demi-saison, ou il dispute 14 matchs, alors que cette nouvelle aventure avait tout du traquenard pour un joueur découvrant une nouvelle culture, un nouveau mode de vie, le tout dans un contexte compliqué sur le plan sportif.

Malgré ses coups d’éclat, le VVV est relégué en D2 au terme de cette saison; l’occasion pour lui de démontrer toute l’étendue de son talent dans l’antichambre de l’Eredivisie, avec une pression moindre. Cette seconde saison est un succès pour Honda, qui est devenu un élément clé du onze des jaune et noir. Il réussit alors sa meilleure saison professionnelle, comme en témoignent ses statistiques : 16 buts en 37 matchs disputés. De quoi faire de lui un grand artisan du titre de champion d’Eerste Divisie synonyme de remontée en D1 néerlandaise pour Venlo.

« Keizer Keisuke » est alors né. Ces performances ne passent logiquement pas inaperçues; cependant, on ne se bouscule pas réellement au portillon pour faire signer le milieu offensif japonais. Le CSKA Moscou parvient donc à l’attirer sans grandes difficultés en décembre 2009, contre un chèque évalué entre 6 et 9 millions d’euros à l’attention du VVV Venlo. Des airs de régression sportive (mais de compte en banque renfloué) ? Pas vraiment, ce dernier ayant ici l’occasion de découvrir la Ligue des Champions.

Compétition ou a d’ailleurs lieu son premier fait d’armes. Il s’est en effet distingué à l’hiver 2010 face au FC Seville à l’occasion des huitièmes de finale, par un superbe coup-franc du pied gauche qui a permis au CSKA de décrocher sa qualification lors du match retour (victoire 2-1).

Il se distinguera quelques mois après lors de la Coupe du Monde sud africaine sous les couleurs de l’équipe nationale japonaise, dont il est l’un des éléments clés. Il a en effet été le grand artisan de la qualification des samouraïs bleus pour les huitièmes de finale ou ils s’inclinèrent face au Paraguay, après avoir dominé un groupe composé du Danemark et du Cameroun notamment. La hype Honda est alors née; tout comme l’intérêt du Milan à son égard, soucieuse d’apporter de la technicité à un entrejeu rossonero encore vieillissant mais encore composé de Pirlo ou encore Seedorf. L’intérêt des formations européennes demeure toutefois superficie; le CSKA peut donc encore compter sur son milieu offensif plein de promesses.

En terre russe, le japonais parvient à faire son trou dans le onze moscovite, et à engranger des titres : un championnat lors de la saison 2012/2013, deux coupes de Russie en 2011 et 2013, et une Supercoupe de Russie durant la même année 2013. La mission est alors accomplie aux yeux du numéro 7 peroxydé, qui a exprimé le souhait de ne pas renouveler son contrat, lui permettant ainsi de s’engager gratuitement en faveur du club de son choix dès le mois de janvier 2014, soit au terme de ses quatre années de contrat.

Très vite, le Milan se positionne sur le dossier du milieu nippon. Les premiers contacts ont lieu en juin dernier; le joueur, séduit par le projet rossonero, et n’ayant jamais caché son souhait d’évoluer à San Siro ni sa sympathie pour le Milan, un accord est trouvé sans difficulté. Et ce malgré un intérêt du FC Barcelone, qui voyait en lui un potentiel joker de luxe. Adriano Galliani souhaite alors voir le joueur évoluer sous ses nouvelles couleurs dès le mois d’août moyennant finances.

La perspective d’un départ à titre gratuit n’inquiète toutefois pas la direction du CSKA, qui refuse des offres de 3 puis 4M€ émises par le club rossonero. Las, le Milan se résout alors à patienter six mois supplémentaires pour voir Keizer Keisuke revêtir la tunique rossonera. Ce dernier ne cache pas son impatience de revetir le maillot rossonero comme en témoigne l’officialisation de son arrivée début novembre (voir ici), après l’officialisation « informelle » de son arrivée par Galliani et Allegri en octobre dernier lors de diverses conférences de presse. L’attente touche désormais à sa fin à quelques encablures de 2014; en quoi Honda est-il un nouvel atout au service d’un Milan en quête d’identité et de fond de jeu  ?

Une polyvalence certaine

« Honda a les qualités physiques, la technique et la mentalité pour réussir en Serie A avec le Milan. Il faut une forte personnalité pour réussir au Milan, et Keisuke dispose de cette qualité, et il a des qualités supplémentaires comme sa force physique et son talent. Ce ne sera pas facile de gagner une place au Milan, bien qu’il ait obtenu le numéro 10, ce qui est le signe d’attentes placées en lui. Mais Keisuke peut assumer cette responsabilité ». 

Ces mots sont signés Alberto Zaccheroni, actuel sélectionneur du Japon, et vieille connaissance du Milan, qu’il a dirigé entre 1998 et 2001, avec qui il a notamment décroché un scudetto lors de la saison 1998-1999. Éloquentes, ces paroles résument les qualités associées au milieu nippon, qui fut capitaine lors de ses débuts à Seiyro, puis à Venlo, signe donc d’un certain esprit de leadership. Mais hormis des qualités humaines, physiques et techniques indéniables, Honda fait également la différence par sa polyvalence. En effet, outre sa patte gauche, qui lui a permis d’inscrire nombre de coups francs directs, et sa qualité de dribbles, sa polyvalence est incontestablement un atout.

En plus de pouvoir évoluer au poste de numéro dix, il a également la possibilité d’évoluer en tant que regista ou encore en tant que second attaquant. Néanmoins, sa position favorite reste celle de trequartista, ou il a la plupart du temps excellé au CSKA Moscou et en sélection japonaise. Une question se pose alors : quelles sont les perspectives de Honda au sein du dispositif rossonero ?

Son insertion dans le onze d’Allegri

Les incertitudes actuelles autour du schéma tactique, qui a oscillé entre 4-3-1-2 et 4-3-2-1 en première partie de saison amènent à se poser la question sur son positionnement dans le dispositif tactique d’Allegri. En premier lieu, au regard de l’effectif sur la ligne offensive, composé de Kakà, El Shaarawy, Birsa, Robinho, Balotelli, Matri, Pazzini, Saponara et donc Honda, les trois places offensives ne pourront guère satisfaire aux envies de temps de jeu de chacun. De ce point de vue là, Kakà et Balotelli n’auront à priori guère de souci à se faire, leur place dans le onze étant pour le moment acquise. Birsa et Robinho ne peuvent quant à eux que prétendre à des rôles de second couteau, tandis que Saponara se dirige vers un prêt.

Restent enfin El Shaarawy, Pazzini et Matri. Le dernier cité, particulièrement décevant depuis son arrivée, est voué à davantage occuper le banc de touche avec le retour de Pazzini. El Shaarawy étant sujet aux pépins physiques, Honda est donc le favori pour une place de titulaire au sein du dispositif offensif, aux cotés de Kakà et Balotelli dans un 4-3-2-1, ou il évoluerait à la gauche de son compère brésilien.

Allegri pourrait également mettre à profit la polyvalence du japonais pour l’insérer au poste de regista, actuellement occupé par un Montolivo insipide. Difficile néanmoins d’envisager une mise sur le banc de l’actuel capitaine rossonero.

Dès lors, afin de davantage profiter des atouts offensifs dont bénéficie le Milan, un passage à un 4-2-3-1 apparaît judicieux, ou pourraient évoluer, de concert, El Shaarawy, Honda et Kakà, derrière une pointe, en l’occurrence Balotelli, voir Pazzini. Un dispositif qui a de quoi séduire sur le papier, mais au vu des incertitudes entourant El Shaarawy, et le possible départ de Saponara, autre candidat dans ce schéma tactique à trois milieux, rendent cette perspective pour le moment inenvisageable pour le technicien rossonero, davantage tourné vers un onze à la défensive.

Dernière perspective, une insertion dans un 4-3-1-2 ou il pourrait à la fois évoluer au poste de trequartista, ce qui amènerait à un repositionnement de Kakà derrière Balotelli, mais également à un schéma inverse, qui verrait le néo rossonero évoluer aux cotés de Balotelli afin de libérer des espaces en faveur de l’attaquant italien. En l’état actuel des choses, une insertion dans le fameux arbre de noel apparaît le plus probable; un trident Honda – Kakà – Balotelli est donc à pressentir pour la réception de l’Hellas Vérone le 19 janvier prochain, dans la mesure ou les formalités administratives ne permettront pas au japonais d’être de la partie face à l’Atalanta voir face à Sassuolo.

Un joueur à la croisée des chemins

Malgré les questionnements légitimes autour de son réel niveau, son adaptation à venir à la Serie A et ses spécificités, la nature même de cette opération à coût zéro limitera « la casse » si le milieu nippon venait à ne pas prendre le pli après plusieurs mois en rossonero. La pression sera d’autant plus présente, année de Coupe du Monde oblige.

Le nouveau numéro 10 est donc à la croisée des chemins, entre celui qui lui permettra de donner une nouvelle dimension à sa carrière (et ainsi devenir le prochain Hidetoshi Nakata, icone incontestée au Japon, qui a rayonné en Serie A…), et celui qui le contraindra à rester confiné dans le rôle du joueur honnête à la renommée essentiellement nationale, tel un Shunsuke Nakamura.

Honda a donc l’occasion de marquer à la fois l’histoire rossonera, et l’histoire du poste de numéro dix, sacré au yeux de bon nombre de tifosi rossoneri, mais aussi l’occasion de faire partie de la « renaissance » rossonera, qui ne débutera réellement qu’à partir de la saison prochaine. Ganbatte kudasai, Keisuke !

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