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Inzaghi : « dépasser Raul à tout prix ! »

Le bomber rossonero est tout proche des terrains verts. Lui que la malchance a touché en novembre dernier, après une entrée stratosphérique face au Real Madrid, déjà entrée dans les annales des tifosi milanistes. Mais un joli réconfort attend Pippo, avec le 18ème scudetto qui sera vraisemblablement rossonero… mais en attendant, place à l’interview qu’il a confié à la revue mensuelle « Onze Mondial » dans l’édition du mois d’Avril…

D’abord, comment vas-tu ?

« Beaucoup mieux ! Cela a été vraiment dur depuis le 23 novembre, jour de mon opération, une date que je ne peux oublier. Elle est bien gravée dans ma mémoire. La blessure était importante : je me suis fait opérer des ligaments et du ménisque du genou gauche. J’ai travaillé sans relâche deux fois par jour pendant la rééducation, matin et soir. C’est déjà difficile pour les jeunes. Alors, imagine pour ceux qui ont mon âge… (Rires) ! »

Quand penses-tu revenir ?

« Avant la fin de la saison, j’espère… Il y a quand même ce temps de rééducation qu’il faut respecter. A ce niveau-là, on ne peut pas non plus faire de miracles. J’ai parlé avec des gens qui ont eu le même type de blessure. La période moyenne pour revenir varie de huit mois à un an. Si je reviens plus tôt, ce sera une énorme satisfaction. »

Pendant cette période, n’as-tu jamais pensé arrêter ta carrière ?

« Jamais ! Je n’y pense pas pour l’instant, j’aime trop le foot. Mais c’est vrai que les premiers jours ont été pénibles. Je suis rapidement passé du paradis à l’enfer. Une semaine auparavant, j’avais vécu un moment de rêve et des jours de joie intense : en Champions League, j’avais inscrit un doublé contre le Real Madrid et cela m’avait permis de reprendre à Raùl le titre de meilleur buteur de l’histoire de la Coupe d’Europe ! Et voilà… Quelques jours après est survenue cette lourde blessure. Pour quelle raison ? Je me le demande encore. Pourquoi moi qui adore tellement jouer ? Finalement, je me suis dit qu’il était mieux de subir une telle blessure à trente-sept ans qu’à vingt… En revanche, malgré la déception de me retrouver sur la touche, je n’ai jamais pensé tout arrêter. Je me suis immédiatement concentré sur mon retour, cela a été tout de suite mon but à atteindre. »

As-tu, au moins une idée de ce que tu aimerais faire dans le futur ?

« Contrairement à beaucoup de mes anciens collègues, désormais retirés, je ne pense pas devenir consultant pour la télévision. J’aimerais plus rester dans le domaine du foot et transmettre ma passion, enseigner aux jeunes. C’est ce qui me motive. J’espère avoir la patience pour offrir beaucoup de conseils aux enfants.
A propos de grands attaquants arrêtant le football, Ronaldo a pleuré lors de sa conférence de presse d’adieu…
(Il coupe l’interlocutrice) Ça m’a désolé. Quand un footballeur stoppe sa carrière, il tourne une page importante de sa vie. Naturellement, on se projette et c’est très difficile à accepter. Je suis certain que je réagirai de la même façon le jour où je quitterai ce milieu. Je ne veux même pas y penser ! »

As-tu apprécié de jouer avec Ronaldo au Milan ?

« Forcément. Mais cela n’a pas duré très longtemps… En fait, il est arrivé en raison d’une blessure qui m’a privé de terrain et le Milan avait besoin d’un autre attaquant. Finalement, lui aussi s’est ensuite blessé. Donc, nous n’avons pas beaucoup joué ensemble… Au bout du compte, c’est terriblement frustrant.
En France, ta popularité est énorme. On t’appelle « l’Eternel buteur », le « Renard des surfaces »…
Cela me fait plaisir ! J’aime beaucoup le France. J’ai d’ailleurs une maison sur la Côte d’Azur et les gens sont toujours sympas avec moi. Je pense qu’avoir gagné deux Champions League avec les Rossoneri m’a rendu populaire au-delà des frontières. C’est une grande fierté pour moi. »

Emiliano Mondonico, ton entraîneur à l’Atalanta, a un jour déclaré : « Pippo n’est pas amoureux du but, c’est le but qui est amoureux de Pippo ». Aimes-tu cette formule ?

« C’est beau, oui… Je suis un attaquant et il est normal d’être jugé par rapport aux buts que je marque. Avec Mondonico, je suis devenu Meilleur Buteur de la Serie A en 1996-1997 avec 24 buts. C’est un magnifique souvenir. »

On parle toujours de ta façon de marquer. Ta force réside dans ton sens du placement et ton opportunisme. Accomplis-tu des exercices spécifiques pour peaufiner ton efficacité ?

« Non, c’est juste quelque chose d’inné. A l’entrainement, on ne peut pas acquérir ce réalisme devant le but. Techniquement, l’attaquant doit se démarquer au bon moment avant la dernière passe du partenaire afin de se trouver dans une position optimale. Ça se fait au feeling ! Dommage que ces techniques offensives ne puissent pas s’enseigner dans les écoles de foot. »

Tu as déclaré : « Je me souviens de tous mes buts, comme s’ils étaient mes enfants ». Quel est le plus beau de tes « bébés » ?

« Ils sont tous beaux ! Chacun m’a procuré de fortes émotions, chacun est un souvenir incroyable… Pourtant, les deux buts marqués à Athènes ont une valeur spéciale (ndlr : finale de la Champions League en 2007, Milan – Liverpool 2-1). Ce soir-là, grâce à mon doublé, nous avons gagné le trophée contre les Reds. C’est inoubliable ! »

Et quel est ton pire souvenir ?

« Il n’est pas lié à une défaire, car l’échec fait partie du foot. Les pires souvenirs restent les blessures. Les pépins physiques t’obligent à rester loin du terrain, le domaine que tu aimes le plus. C’est terriblement traumatisant. Ma dernière blessure a sûrement été la plus douloureuse à supporter. En plus, elle est arrivée à un moment où je me sentais vraiment en pleine forme, cela m’a d’autantplus surpris. C’était imprévisible. Je me sentais de plus en plus essentiel dans le dispositif tactique du Milan. Ce n’est pas rien dans une telle équipe où il y a tellement de champions… »

Tu es l’attaquant de tous les records. Pourtant, l’un d’eux appartient à ton frère Simone (désormais en retraite, il entraîne l’une des équipes des jeunes de la Lazio). Lui en veux-tu ?

« C’est vrai : Simone (ndlr : auquel Filippo est très lié) est le seul joueur italien à avoir marqué quatre buts dans un match de Champions League ! Il les a inscrits contre une équipe française, l’Olympique de Marseille, quand il jouait à la Lazio, au stadio Olimpico (ndlr : 5-1, le 14 mars 2000). Il partage ce record avec Marco van Basten et Andriy Shevchenko. Simone me chambre souvent car, pour ma part, j’ai marqué beaucoup de buts importants, des triplés aussi, mais jamais un tel quadruplé… C’est sa grande fierté ! »

Vous avez eu la chance de jouer ensemble avec l’équipe d’Italie…

« Ça a été un moment magique pour nous. Et, pour ma famille, mes parents, un vrai bonheur. Malheureusement, cela ne s’est produit qu’une seule fois : le 15 novembre 2000, à Turin, contre l’Angleterre (ndlr : 1-0 pour la Squadra Azzurra, Filippo et Simone n’ont été réunis que onze petites minutes). Cela n’arrive pas souvent que deux frères évoluent ensemble avec le maillot de leur équipe nationale ! »

Apprécies-tu ton surnom, « Superpippo » ?

« Tout est parti de l’époque où je jouais à Vérone, en 1993-1994. Ce sont les supporters qui ont préparé la première banderole sur laquelle était inscrit « Superpippo ». Cela faisait suite à un but marqué dans un derby, contre Padoue, à la dernière minute. C’est un surnom qui m’a toujours plu et m’a toujours porté chance. Donc, je le garde précieusement… »

Existe-t-il une équipe pour laquelle tu aurais aimé jouer ?

« Aucune ! J’ai eu la chance de jouer dans deux des plus fortes et plus prestigieuses formations d’Europe, la Juventus et le Milan. Je n’ai jamais rêvé d’évoluer au sein d’une équipe étrangère. Je regarde avec plaisir, par exemple, les matches de Barcelone et du Real, mais sans plus. J’ai tout de même gagné deux Champions League sous le maillot rossonero… Cela suffit à mon bonheur. »

Quel défenseur t’a le plus gêné dans ta carrière ?

« Il y en a beaucoup avec lesquels j’ai vécu des duels coriaces mais loyaux. Je pense à ces rencontres face à Alessandro Nesta ou Paolo Maldini, quand nous étions adversaires. Eux ne faisaient aucun cadeau ! Heureusement, ce sont devenus des coéquipiers… C’est délicat aussi d’affronter des défenseurs tels que Walter Samuel et Giorgio Chiellini. »

Avais-tu une idole quand tu étais jeune ?

« Par pur hasard, il s’agit d’attaquants (sourire)… Je pense à Paolo Rossi et Marco van Basten. Des joueurs qui avaient l’ADN du but dans le sang. »

Quel entraîneur t’a le plus marqué ?

« Au début de ma carrière, Bortolo Mutti et Luigi Cagni ont été très importants. Sous leurs ordres, j’ai vécu mes premières années pros. Je ne peux pas non plus oublier Emiliano Mondonico. Mais, au-dessus du lot, il y a Carlo Ancelotti. Plus qu’un entraîneur, il est un confident pour moi. Nous avons travaillé ensemble dix et avons partagé la joie de remporter deux C1 avec le Milan. C’est l’entraîneur qui me connait le mieux. Il y a de l’amitié et de l’estime entre nous, bien au-delà du foot. Pour moi, il est une sorte de frère aîné. On s’appelle toujours, même encore aujourd’hui alors qu’il dirige Chelsea. C’est un technicien très humain, mais qui sait se faire respecter. Massimiliano Allegri, l’actuel coach du Milan, lui ressemble. Et j’espère pouvoir gagner autant avec lui qu’avec Carlo Ancelotti. »

On raconte qu’à tes tout débuts, les dirigeants de ton équipe, San Nicolò, falsifiaient ta licence pour pouvoir te faire jouer. Est-ce une légende ?

« Non. Généralement, on fait le contraire, on essaie de rajeunir les plus âgés… Dans mon cas, c’était l’inverse ! Dès l’âge de sept ans, j’ai joué dans des catégories plus âgées et je marquais quand même ! »

Tout a commencé à Piacenza, ta ville natale…

« Oui. Mon rêve était déjà de devenir footballeur. Avec mon frère, nous étions obnubilés par le ballon. Ma mère a toujours raconté que cela se voyait que nous deviendrons professionnels, avec Simone. Nous ne faisions que ça ! Tous les dimanches, mon père nous emmenait au stadio Leonardo Garilli et nous assistions aux matches de Piacenza. Nous avions cet amour fou pour le jeu. J’ai logiquement commencé sous ce maillot, avant d’intégrer le centre de formation du club. »

Te souviens-tu de ton premier but en pro, le 20 décembre 1992, avec l’équipe d’Albinoleffe, en Serie C ?

« Oui, ça reste inoubliable. C’était contre Sienne. Et, j’ai marqué le 300ème but de ma carrière avec le maillot milanais contre cette même équipe de Sienne. Incroyable ! Evidemment, Sienne fait partie de mon destin. »

Ton passage à l’Atalanta demeure-t-il un tournant dans ta carrière ?

« Sûrement. A l’époque, je jouais à Parme et sortais d’une blessure, mais les dirigeants de l’Atalanta avaient confiance en moi et ils misaient sur mes qualités. Surtout le président du club, Alessandro Ruggeri. J’ai trouvé dans le club de Bergame une ambiance fantastique. Tout le monde croyait en moi : les coéquipiers, l’entraîneur Mondonico, les supporters… En plus, j’ai rapidement trouvé le chemin des filets et ai marqué beaucoup de buts en championnat. Cela m’a aidé à m’insérer sans problème. Et j’ai terminé la saison capocannoniere, avec 24 buts. »

Puis sont arrivés la Juventus et le Milan, au sein desquels tu as joué avec beaucoup de grands champions, sont Zinedine Zidane. T’a-t-il impressionné ?

« Zidane a été l’un des plus forts. Nous avions beaucoup de feeling et d’estime réciproques. C’est quelqu’un de génial, même en dehors du foot. C’est vrai que j’ai eu la chance de jouer avec des joueurs immenses : Zizou, Del Piero, Shevchenko, Maldini, Kakà, Ronaldinho, Pato, Ibrahimovic… Même sous le maillot de la Nazionale avec, par exemple, Francesco Totti. La liste est longue… »

En revanche, existe-t-il un joueur avec lequel tu aurais aimé jouer ?

« Franco Baresi. Je suis vraiment désolé de n’avoir jamais pu évoluer à ses côtés. Il avait un charisme exceptionnel, c’était un incroyable défenseur. Je l’ai croisé comme adversaire, mais pas comme coéquipier, car il avait déjà arrêté quand je suis arrivé au Milan. »

A propos de coéquipier, Paolo Maldini a récemment critiqué Yoann Gourcuff. Qu’en as-tu pensé ?

« Gourcuff possède un grand talent et je suis désolé qu’il n’ait pu le démontrer à Milan. Dans les équipes de fort standing, il faut arriver au bon moment. Parfois, on est trop jeune ou pas encore prêt. Avant d’arriver à la Juventus, j’ai fait beaucoup de sacrifices, cela n’a pas été toujours évident. Mais Yoann, en France, a prouvé ce dont il était capable. »

Comment fais-tu, à bientôt trente-huit ans, pour être toujours si motivé ?

« Parce que je vis pour ce que je fais ! J’essaie toujours de me préparer à cent pour cent pour un match. Le but est le produit de mon travail, le résultat final de tous mes efforts. Ainsi, je suis tranquille quand je sors du terrain, car je sais que j’ai donné le maximum ».

Lis-tu les notes dans les journaux les lendemains de match ?

« (Rires)… Si j’ai bien joué, oui ! Sinon, j’évite… De toute façon, je sais accepter les critiques, je suis adulte. Avant, j’étais beaucoup plus assidu et lisais vraiment tout. »

Estimes-tu que le football italien est actuellement en crise ?

« Il y a des cycles avec, parfois, quelques zones de dépression. C’est aussi une question de chance, de périodes favorables, de générations de joueurs aussi… J’espère que, bientôt, le Milan régnera de nouveau sur l’Europe, comme en 2007. »

Avec le peu de temps passé sur le terrain que retiens-tu de la Coupe du monde en 2006 ?

« Cela reste un moment magique, même si je regrette de ne pas avoir énormément joué. J’ai disputé un seul match, contre la République tchèque (ndlr : 2-0, Inzaghi est entré à la 60ème minute à la place de Gilardino) et j’ai marqué un but. J’aurais dû jouer plus. C’est aussi pour cette raison que je vibre plus en me remémorant la victoire en Champions League en 2007 qu’en évoquant celle en Coupe du monde. »

Selon toi, qui va remporter le Scudetto ?

« L’AC Milan ! Nous avons acheté des supers joueurs comme Robinho, Cassano, Ibrahimovic… Lui est fantastique. D’autre part, le nouvel entraîneur s’est tout de suite installé dans l’ambiance milanaise. Une fois de plus, il faudra surveiller l’Inter qui possède des joueurs de très haut niveau et tous expérimentés. Attention à Naples aussi, même si nous l’avons récemment battu à San Siro (3-0) ! »

Qu’as-tu pensé de l’arrivée de Leonardo, un ancien Rossonero, sur le banc des Nerazzurri ?

« Le connaissant, cela ne m’a pas surpris. Avec ses qualités humaines et ses capacités professionnelles, Leonardo est capable de réussir partout où il passe. Total respect pour le Brésilien. »

Excepté le football, aimes-tu un autre sport ?

« J’apprécie le tennis, mais le football me passionne complètement. J’adore regarder les matches, car c’est ma vie, ma passion. Je suivrai même la Coupe du monde féminine en juin prochain. »

As-tu envie de te lancer un dernier défi sur le terrain ?

« Je voudrais être encore déterminant avec le Milan et m’amuser encore en compétition. Et puis, je dois à tout prix dépasser de nouveau un certain Raùl en Coupe d’Europe ! »

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