Nous y sommes ! Après des débuts tonitruants, la nouvelle direction rossonera doit faire face à sa première grosse difficulté : le renouvellement de contrat de Gianluigi Donnarumma. Pourtant, on ne pourra pas dire que Marco Fassone et Massimiliano Mirabelli se sont reposés sur leurs lauriers. Dès le 13 avril, le duo s’est mis à l’œuvre pour construire une équipe capable de renouer avec les standards historiques du Milan : rencontres avec les joueurs, les agents, les dirigeants d’autres clubs, les sponsors, les têtes pensantes de l’UEFA… Et, au milieu de tout ça, l’épineux cas Donnarumma.
Lors de la première conférence de presse post closing, le nouvel administrateur délégué affirmait « que du côté des propriétaires, il y a la volonté de résoudre rapidement la prolongation de Donnarumma afin de faire de Gigio la colonne de base du futur. C’est une priorité. » Pour le coup, cela n’a pas été des paroles en l’air : Fassone et Mirabelli ont très tôt rencontré la pépite rossonera pour lui faire part de leur intention, en lui proposant un nouveau contrat assorti de 3,2 millions d’euros annuels nets. Cette attention louable n’a pas particulièrement plu à l’agent de Donnarumma, le célébrissime Mino Raiola. En effet, le pizzaïolo n’a pas apprécié d’avoir été court-circuité par les dirigeants lombards qui se sont directement assis autour d’une table avec le joueur… mais sans son agent. Et ça, pour l’égocentrique Mino, c’est impardonnable.
Dès lors, la course au chantage a repris. Longtemps, Raiola a clamé que des négociations sur la fameuse prolongation du contrat arrivant à son terme au 30 juin 2018 ne pourraient avoir lieu qu’une fois la vente du club réalisée. Or, depuis le 13 avril, la vente est réalisée ! Oui… mais non. Pour Raiola, cela ne suffisait pas : il faut maintenant que le Milan renforce son effectif avant même d’envisager pouvoir ouvrir des négociations. En parallèle de cette histoire, on a bien vu que la direction n’a pas attendu pour s’activer sur le mercato, dans l’optique d’avoir le maximum de recrues lors de la reprise de l’entraînement début juillet et en vue du troisième tour préliminaire d’Europa League. Pour le moment, Mateo Musacchio et Franck Kessié ont déjà signé, tandis que Biglia et Rodriguez devraient suivre très prochainement. Raiola sait que cela va en sa faveur : sans recrue de poids, pas de raison de discuter.
Pendant ce temps-là, que devient Gigio ? Eh bien, c’est là que le bât blesse : depuis les premières agitations autour de sa prolongation de contrat, Donnarumma ne dit rien. Le gardien de 18 ans s’est enfermé dans le silence, un silence qui devient lourd et pesant pour les tifosi. Il n’a abordé la question de son futur qu’à de très rares occasions, à la volée, notamment en mars dernier devant les portes de Coverciano lors d’un regroupement de la Nazionale : « Je suis milanista, je suis lié au Milan et j’espère rester au club. Mais en ce qui concerne mon futur, c’est mon agent qui s’en occupe. » Ça ou ne rien dire, c’est sensiblement la même chose. Du haut de ses 18 ans, Donnarumma a au moins acquis les bases de la communication du footballeur moderne : parler sans rien dire.
Et pourtant… Qu’il semble loin le temps où Donnarumma s’approchait des micros pour clamer sa joie de jouer au Milan et son amour pour le club rossonero qui l’a révélé au plus haut niveau ! Enfin, quand je dis loin… C’était il y a tout juste un an, lors de vacances bien méritées dans sa Campanie natale après une première saison en professionnel sous la houlette de Mihajlovic. C’était si bien dit que nous l’avons tous cru : « D’ici dix ans, je m’imagine encore au Milan, peut-être comme capitaine. Je ne sais pas si je serais l’héritier de Buffon, mais j’admets que ces compliments ont été ceux qui m’ont fait le plus plaisir. » Cette volonté de prétendre au statut de bandiera, était-ce sincère ? Etait-ce feint ? Là n’est pas tant la question car ce qui interroge vraiment, c’est ce silence qui a tendance à faire de plus en plus de bruit dans le football italien.
Finalement, nous sommes-nous trompés sur la personnalité de Donnarumma ? Les qualités footballistiques ne sont clairement pas à remettre en cause : rarement un tel talent a explosé au grand jour de manière si précoce et régulière. Le joueur Donnarumma fait l’unanimité dans le football azzurro – le successeur du fabuleux Gianluigi Buffon semble tout trouvé – mais qu’en est-il de l’homme ? Vous pourrez me dire que Donnarumma est encore très jeune, perturbé par le monde du football professionnel et les sommes évoquées pour sa rémunération… J’ai tout de même du mal à y croire. Notre bon Gigio fait preuve d’une incroyable maturité depuis sa première apparition dans la cage du Milan le 25 octobre 2015 face à Sassuolo. Cette maturité lui a permis de se distinguer sportivement et dans ses déclarations, où il a toujours préféré relevé la performance de son équipe plutôt que la sienne, se fixant toujours pour objectif le prochain match et se remettant très vite de ses très rares erreurs.
Evidemment, le choix de son agent interroge. Mino Raiola n’est pas réputé pour agir dans l’intérêt de ses protégés, mais plus souvent pour le sien : plus ils sont transférés, plus ses joueurs lui rapportent de commissions. Il avait su flairer le potentiel du gardien italien lorsqu’il jouait encore en Campanie. Ses parents ont donc fait confiance à ce monsieur, qui a reçu mandat pour gérer les affaires sportives de Donnarumma. Alors que l’Inter et la Juve le voulaient, c’est bien au Milan qu’il a atterri, après une négociation directe avec Adriano Galliani.
Rejoindre le Milan, là où son frère Antonio évoluait aussi… Que demander de plus pour le jeune milanista ? En défendre la cage ? C’est chose faite. Devenir l’idole du peuple rossonero ? Il est le meilleur vendeur de maillots du club. Gagner des titres ? Pas vraiment, et c’est ce challenge qui pousserait n’importe quelle personne déclarant que son club de cœur est le Milan à y rester. Malheureusement, il ne semble pas que cela suffise à Donnarumma. Quand on lui propose 3,2M€ de salaire, il laisse traîner, préférant partir en week-end à Disneyland Paris avec sa petite amie et… Vincenzo Raiola, frère et associé du fantasque Mino !
Encore une fois, on en revient à ce fameux silence… Puisque selon Marco Fassone, « il y a une chose que nous ne pouvons pas faire, c’est attendre », Massimiliano Mirabelli a pris les devants. Avant-hier, alors que tout ce petit monde était avec Mino Raiola à Monaco, le directeur sportif rossonero s’est rendu dans la Principauté avec dans sa valise une nouvelle proposition à soumettre à Donnarumma : 5 ans de contrat avec un salaire de 4,5 millions d’euros annuels nets (pour information, Gianluigi Buffon perçoit une somme équivalente).
Pour le grand Mino, cela est insuffisant : Donnarumma étant « le Maradona des gardiens » (sic), il est impensable qu’on lui force la main en lui proposant moitié moins que ce que le Milan serait prêt à offrir à Alvaro Morata (la presse parle d’un salaire de 8 millions d’euros pour attirer l’Espagnol) ! En plus d’un salaire (trop) conséquent, il faudrait aussi que le nouveau contrat comporte des clauses se rapportant à certains objectifs sportifs (de type si pas de qualification en Champions League, possibilité de quitter le club). De toute façon, Raiola n’est pas pressé et de nombreux clubs l’auraient déjà contacté pour s’enquérir de la situation de son fabuleux poulain.
L’horloge tourne et Marco Fassone ne s’en cache pas : même s’il est optimiste quant à la prolongation de Donnarumma, l’administrateur délégué du club souligne que « nous ne voulons pas un gardien en fin de contrat. C’est pourquoi nous devons avoir un plan B dans le cas où les choses n’iraient pas de la manière dont nous le souhaitons. Nous n’avons pas encore développé ce plan B, car nous sommes convaincus que le projet que nous proposons à Gigio est le bon. »
D’ailleurs, lors du premier conseil d’administration de la nouvelle direction, Fassone avait assuré que des dépenses importantes seraient faites mais non pas sous forme de commissions pour des agents – petit message à l’attention de Galliani ? – et qu’il ne répondrait pas positivement à des exigences absurdes pour un joueur de 18 ans, aussi talentueux soit-il. Que faire alors : le faire jouer même s’il ne prolonge pas, le mettre sur le banc en l’absence de prolongation ou le vendre cet été pendant qu’il peut encore rapporter quelque chose au club ?
Donnarumma bénéficie d’une chance inouïe : celle d’être titulaire depuis ses 16 ans dans ce qui dit être son club de cœur et qui est accessoirement un des (ex ?) plus grands clubs de l’histoire du football. Il est très facile de revendiquer que le Milan est son club de cœur à coup d’embrassade sur son écusson lorsque l’on se retrouve au milieu d’un terrain entouré de dizaines de caméras. Mais dans le secret des couloirs de CasaMilan, sans tifosi conquis ni journalistes unanimes, il semblerait que cela ne soit pas la même chose. Lui qui déclarait vouloir marquer l’histoire du club et en être le capitaine jusqu’à sa retraite en est actuellement bien loin. Imagine-t-on un seul instant Paolo Maldini ou Gianluigi Buffon faire monter les enchères quant à une éventuelle prolongation de contrat ?
Dès lors, je ne m’interroge pas tant sur le rôle de Raiola – Bonaventura, assisté par cet agent, a bien prolongé sans trop de souci – ou des parents du joueur, mais sur Donnarumma lui-même. La question ne serait pas tant celle de savoir s’il continuera au Milan mais plutôt si le Milan est réellement son club de cœur. La réponse à cette question dépendra beaucoup de ce qui va arriver avant la reprise de l’entraînement dans un mois. D’ici là, il ne faudrait pas qu’il oublie que du haut de son mètre quatre-vingt-seize et ses soixante-douze matches en professionnel, il n’est pas plus grand que l’AC Milan…