Cristante : un rendez-vous manqué

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Lundi 1er septembre, 15h00 : alors que la dernière ligne droite du mercato estival a encore quelques surprises à nous faire valoir, il en est une qui a particulièrement suscité la controverse par son caractère inattendu. A savoir le départ d’un certain Bryan Cristante, élevé au rang d’espoir talentueux à qui ne manquait alors qu’une consécration en équipe première. Laquelle n’aura pas lieu, et pour cause : attiré par les appels du pied de Benfica, le milieu italo-canadien (de par son père) est parti rejoindre le club lisboète ou un certain Manuel Rui Costa a amorcé sa reconversion avec succès.

Un échec palpable pour le Milan, mais surtout pour ses tifosi, déboussolés par un départ qui va à contre-courant de la doctrine prônée par le club depuis plusieurs saisons à présent : le fameux projet jeunes, dont la teneur a déjà été évoquée à plusieurs reprises sur ACM-Z (ici, ici et ici). Ce départ laisse assurément un gout d’inachevé pour le microcosme rossonero, sur lequel il convient de s’attarder.

Bryan Cristante, désormais benfiquista, pouvait légitimement susciter l’attente de tous à l’orée de cette saison 2014/2015. Talent précoce, arrivé au sein du secteur jeune rossonero en 2009 chez les Giovannisimi Nazionali, il a grandement contribué cette année là à offrir aux siens un titre de champion, qui échappait alors à cette catégorie des jeunes milanais depuis 1992. De quoi inciter Aldo Dolcetti à l’intégrer à la primavera à l’été 2011, alors qu’il soufflait tout juste ses seize bougies. Aidé par un gabarit généreux (1.86 m pour 78 kg), il était caractérisé par une certaine aisance technique dans l’entrejeu, aidé par une très bonne qualité de passes. Son apport aux taches défensives est également à souligner;  en somme, un leader naturel. Tout du moins sur le terrain, car en dehors des prés verts, le jeune Bryan demeure discret.

Des performances qui ne passent logiquement pas inaperçues auprès de l’encadrement professionnel, qui décida en décembre 2011 d’offrir une convocation au tout jeune milieu rossonero à l’occasion d’un déplacement en Tchéquie sur le terrain de Plzen. Entré en fin de match, il est alors devenu à l’age de 16 ans et 278 jours le plus jeune joueur milanais de l’histoire à revêtir la chasuble rossonera pour un match de Ligue des Champions. Détrônant ainsi un certain Ignazio Abate, qui détenait le précédent record, acquis face au Celta Vigo en 2003 (17 ans et 27 jours).

De quoi logiquement envisager une carrière d’avenir pour le jeune métronome rossonero. Une analyse « épousée » par la dirigeance rossonera, qui suite logique des performances intéressantes de son poulain, lui offrit un premier contrat professionnel en mars 2013, d’une durée de cinq ans. Un contrat également motivé par intérêt porté par plusieurs formations du vieux continent, et notamment Chelsea, qui se montra un temps intéressée par son profil avant de voir le Milan prendre les devants sur le plan contractuel.

Pour autant, le jeune Cristante, tout juste majeur, poursuivit ses gammes au sein de la Primavera, en vue d’une intégration au groupe professionnel la saison suivante. Laquelle s’est déroulée à l’été 2013 sous l’égide de Massimiliano Allegri. Toutefois, malgré des prestations intéressantes en phase de préparation, la sauce ne semble pas prendre avec l’actuel technicien bianconero. Soucieux de ne pas chambouler son équilibre – certes précaire – dans l’entrejeu pour offrir du temps de jeu à l’un de ses éléments à qui il reste tout à apprendre de la rudesse du monde professionnel, le numéro 24 est contraint de ronger son frein sur le banc rossonero, assistant impuissant à la lente descente aux enfers de ses coéquipiers.

En conséquence, en tout et pour tout, il bénéficia de 4 minutes de jeu au cours de la première partie de saison ! Un état de fait que ne goûte peu le joueur, ce qu’il fait savoir par le biais de son agent, qui remit publiquement en doute la confiance accordée par le club à son jeune milieu au cours de la trève hivernale. Hasard, mais surtout circonstance exceptionnelle liée à l’absence de plusieurs milieux, Cristante débute l’année 2014 par une titularisation face à l’Atalanta qui se solda par un but et une passe décisive.

La carrière rossonera du frioulan de naissance est-elle lancée ? Que nenni. Titulaire durant 45 minutes lors du naufrage à Sassuolo le dimanche suivant, il ne reverra plus les terrains de Serie A pour le restant de la saison sous les ordres de Clarence Seedorf. Emprunté par Pippo Inzaghi dans le cadre de l’UEFA Youth League et pour plusieurs matchs à enjeu dans le championnat primaverino, il a surtout du composer entre une inflammation au péroné qui l’a immobilisé durant un mois entre février et mi-mars, avant de retrouver brièvement les tribunes puis l’infirmerie, et de nouveau les tribunes de San Siro jusqu’en fin de saison.

Toutefois, la confiance demeure entre les deux parties. Il est signifié au joueur que l’on compte sur lui pour mener à bien l’opération reconstruction prévue pour la saison 2014/2015. Pis, l’arrivée d’Inzaghi sur le banc rossonero ne pouvait être qu’un signe positif pour le milieu de 19 ans qu’il a côtoyé durant une saison en Primavera. Les conditions idéales sont réunies pour enfin permettre une éclosion en équipe première afin de mener à bien des rêves de capitanat (voir ici). Régulièrement titulaire durant la préparation estivale, il a de nouveau fait entrevoir une belle marge de progression. De quoi envisager une titularisation dans l’entrejeu aux cotés de De Jong et Poli, à la faveur de l’absence de Montolivo pour blessure.

Néanmoins, le joueur sent le vent progressivement tourner en sa défaveur à quelques encablures de la reprise du championnat. Incertain d’obtenir du temps de jeu, il voit également l’arrivée programmée du jeune milieu néerlandais Marco van Ginkel d’un mauvais oeil. A t-elle été programmée en l’absence de toute velléité de départs, ou à contrario, en connaissance du départ programmé de son milieu ? Difficile à dire. Cependant, il fut hors de question pour le Milan de céder son métronome, pur produit du centre de formation rossonero et symbole d’un avenir en marche du coté de Via Aldo Rossi pour Adriano Galliani, ce dernier ayant par la suite précisé (afin de contenir la colère grandissante des tifosi sur les réseaux sociaux) que le joueur fut à l’origine de son départ, en dépit des tentatives de l’a-d rossonero de le retenir.

Car en effet, du coté du joueur et de son agent, le lien fut rompu à quelques jours de la reprise des hostilités en championnat. Arguant d’un manque de considération et d’un manque de confiance de la part du staff rossonero, comme en témoignerait l’arrivée de Van Ginkel, le joueur estima qu’il n’avait plus de temps à perdre à attendre une place qu’il ne se fraierait jamais au sein du onze rossonero, presque un an et demi après la signature de son premier contrat professionnel.

Alors symbole d’un centre de formation de retour au premier plan, il est à présent le symbole d’une relation difficile entre le Milan et ses jeunes. Parfois impatients, ces derniers se heurtent à la dure réalité de la composition d’un groupe professionnel ou l’expérience prime avant tout. Ou l’étiquette de l’enfant du club ne saurait octroyer de passe droit au sein de l’effectif. Seule la loi de la compétition à l’entrainement dicte – officiellement – le choix des joueurs composant le onze rossonero journée après journée.

Une réalité difficile à laquelle l’ex-numéro 24 n’a semble t-il pas voulu se confronter, échaudé par un possible remake de la saison passée ou il fut absent des radars de Max Allegri puis Clarence Seedorf. Ce qui lui offre désormais la possibilité de découvrir la Ligue des Champions et le quotidien du championnat portugais. Des craintes qui s’avéraient peut-être fondées en raison du nombre réduit de postes (3) face au nombre de prétendants à une place de titulaire (7) avant son départ.

Néanmoins, aucun joueur ne saurait, quelque soit son statut, se hisser au delà de l’institution rossonera. Formé ou non au club, seule la méritocratie doit en théorie primer, cette dernière impliquant que chaque joueur doit obtenir sa place de titulaire au terme d’une « compétition » remportée face à ses coéquipiers en semaine. Bien que du coté de cette même institution rossonera, l’absence de véritable soutien notamment médiatique a sans doute causé le départ de son pur produit rossonero. Le manque d’audace du Milan à l’inverse d’un FC Barcelone qui n’hésita pas à offrir du temps de jeu à sa dernière pépite de la Cantera dénommée Munir a par ailleurs sans doute pesé.

Un rendez-vous manqué du Milan avec l’une de ses pousses que l’on souhaite désormais circonscrit à l’exception.

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