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Andriy Shevchenko : itinéraire d’une légende inachevée (4/5)

2006-2016. Cela fait tout juste 10 ans qu’Andriy Shevchenko a quitté le Milan, club où il avait tout gagné, pour rejoindre Chelsea, provoquant l’incompréhension de tout le peuple milanais. Alors qu’il fêtait ses 40 ans il y a quelques jours, ACM-Z a décidé de vous proposer un retour sur la carrière de l’ex numéro 7 rossonero, de ses débuts au Dynamo Kiev jusqu’à ‘son’ Euro 2012 organisé chez lui, en Ukraine.

 

Il bacio di Giuda

En juillet 2006, Shevchenko rejoint donc Londres avec sa famille, assuré d’y trouver une école de langue anglaise pour son fils. Il débute en match officiel avec ses nouvelles couleurs le 13 août, à l’occasion du Community Shield face à Liverpool, et se distingue non pas par des actions de classe mais par un geste qui provoquera l’ire de ses anciens tifosi. En effet, à la 43ème minute du match et alors que les Reds mènent 1-0, Sheva se retrouve en duel avec Reina après une ouverture de Lampard et marque son premier but pour Chelsea… avant d’embrasser son nouveau maillot.

Alors que Roman Abramovitch (le propriétaire russe de Chelsea) apprécie le but de sa recrue phare, les réactions ne tardent pas en Italie, notamment chez ses anciens partenaires. Florilège d’amertume : « Ne m’en parlez pas, je ne vais pas dire ce que j’en pense » (Gattuso) ou « Comme quoi, ça ne lui aura pas pris longtemps pour s’attacher à son nouveau club… » (Ancelotti).

Seul Costacurta, dans son style mesuré habituel, ne s’épanchera pas sur l’événement : « C’est un geste instinctif, les tifosi du Milan ne doivent pas accorder d’importance à cet épisode. » Shevchenko lui-même tentera de calmer le jeu : « Les gens donnent trop d’importance à ce genre de geste. Au Milan, je n’ai pas conquis les tifosi en embrassant le maillot mais par ce que j’ai fait sur le terrain. Je veux faire pareil à Chelsea. »

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Malheureusement pour lui, ce n’est pas exactement ce qui se passera. Malgré le premier but en Premier League lors de la deuxième journée et une défaite à Middlesbrough, Sheva n’est plus que l’ombre de l’attaquant formidable qu’il a été : le sens du but a disparu, la vitesse diminue, l’impact physique n’est plus le même… Pourtant, il est très (trop, au goût des supporters des Blues) souvent aligné titulaire par José Mourinho, alors même que celui-ci s’agace régulièrement des performances du joueur, sous l’impulsion d’Abramovitch.

En effet, ce dernier et Shevchenko entretiennent de très bonnes relations. L’oligarque russe, qui avait déjà essayé de l’attirer en Angleterre en 2003 et 2004 (allant même jusqu’à rencontrer Galliani), cherchait dorénavant à pleinement profiter du fait d’avoir un de ses « compatriotes soviétiques » dans l’effectif. Le fait est que dès la trêve hivernale, la presse anglaise évoque un prêt de Sheva au Milan ! Il reste finalement à Chelsea et se retrouve même à évoluer au milieu de terrain (« Je ne suis pas du genre à contester les décisions de l’entraîneur »), sa vitesse n’étant plus suffisante pour prétendre à une place dans une attaque dépendante de Didier Drogba.

Avec son club, il a même l’occasion de retrouver le Milan en finale de Champions League… mais Liverpool empêchera des retrouvailles qui auraient pu s’avérer dangereuses si Gattuso et Sheva s’étaient croisés sur le terrain. L’Ukrainien termine sa première saison anglaise avec le bilan honorable (mais bien loin de ses standards) de 14 buts (dont une merveille contre Tottenham) et 10 passes décisives en 51 matches, remportant la League Cup et la FA Cup. En outre, il a la joie d’avoir un deuxième fils, Christian, né le 10 novembre 2006 (qui pourra lui aussi bénéficier d’un enseignement en anglais au fil des années !), et son Ukraine natale reçoit l’organisation de l’Euro 2012, en partenariat avec la Pologne.

La saison 2007-2008 est cependant celle de l’effondrement total. José Mourinho ne cache plus qu’il ne va plus vraiment compter sur l’Ukrainien. L’entraîneur portugais se distingue même auprès des supporters des Blues à ce sujet : alors qu’un d’entre eux lui demandait ce que devenait Shevchenko, Mourinho répondit en mimant un coup de golf, faisant référence à l’une des passions de Sheva hors football qu’il pratiquait assidument en Angleterre, parfois même avec Abramovitch.

D’ailleurs, la relation liant le joueur au propriétaire de Chelsea a fait couler beaucoup d’encre outre-Manche : en effet, la presse a régulièrement relaté des dissensions dans le vestiaire, certains joueurs ne voyant pas d’un bon œil le crédit illimité dont bénéficiait Shevchenko auprès de l’oligarque russe et, par conséquent, de Mourinho. Cette année-là, l’Ukrainien n’est titulaire qu’à 12 reprises sur 25 matches joués toutes compétitions confondues, n’inscrivant que 8 buts. Symbole de cette déchéance : la place de Sheva dans le parcours de Chelsea en Champions League, qui ira jusqu’en finale pour perdre face à Manchester United.

Dans la compétition qui l’a révélé aux yeux du monde avec le Dynamo, le numéro 7 des Blues ne dispute que 189 minutes, dont une seule entre la fin de la phase de groupe et la finale… Mécontent de son traitement, il ne montera d’ailleurs pas dans les tribunes du Stade Loujniki de Moscou pour retirer sa médaille d’argent. Pourtant, Shevchenko reçoit une récompense individuelle en Angleterre : après le Ballon d’Or 2004, il est élu pire recrue des dix dernières années en Premier League par les lecteurs du Sun.

Le pays qui a inventé le football s’avère cruel envers un joueur qui ne se sera jamais totalement adapté à la vie anglaise et à la pression perpétuelle de résultats propre aux nouveaux riches comme Chelsea. Dès lors, la rupture semble totale et plus rien ne retient Sheva à Londres, pas même Abramovitch. Ce dernier, conscient que son ancien joueur favori cherche une porte de sortie, trouve une oreille attentive en la personne de Silvio Berlusconi, les deux dirigeants se rencontrant à plusieurs reprises en juillet et août 2008 pour élaborer l’improbable : un retour de Shevchenko au Milan.

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76

Le 23 août 2008, l’improbable se réalise : Chelsea et l’AC Milan annoncent s’être entendus pour le prêt avec option d’achat de Shevchenko. La principale question demeure celle de l’accueil qu’allaient lui réserver ses ex-coéquipiers et les tifosi après le scénario rocambolesque de son départ. A son arrivée à Linate, l’aéroport de Milan, Sheva apparaît amaigri comme rarement mais affiche tout de même un grand sourire, heureux de retrouver sa ville d’adoption.

Il doit aussi se confronter à une délégation de dirigeants de la Curva Sud venue l’accueillir : une discussion de plusieurs minutes, où on lui reprochera le fameux bacio di Giuda, pour mettre les choses au clair et Shevchenko est de nouveau admis en terre milanaise, la paix a été faite, sans enthousiasme débordant. Les choses sont plus compliquées à Milanello, notamment auprès de Carlo Ancelotti : ce dernier confirmera quelques années plus tard les rumeurs de l’époque, comme quoi il n’avait jamais voulu de ce retour et avait été averti par Adriano Galliani alors que le joueur était déjà dans l’avion.

Un public – la Curva Sud n’ayant pas vocation à représenter l’opinion générale des tifosi – ainsi que des coéquipiers et surtout un entraîneur à reconquérir, telle était l’immense tâche qui attendait Shevchenko en cette fin d’août 2008. Symbole que le temps s’est écoulé depuis son départ, l’Ukrainien ne retrouve pas son numéro 7 fétiche, désormais en la possession d’Alexandre Pato, et doit se contenter d’arborer le 76, son année de naissance.

AC Milan's Andrei Shevchenko is congratu

Une semaine après son arrivée, il retrouve un San Siro particulièrement rempli pour la première journée de Serie A face au promu Bologne. Bentornato Sheva ! Pourtant sur le banc, le public reprend le chant à la gloire du joueur, comme s’il n’était jamais parti. La rancœur s’efface toujours bien vite lorsque l’on revoit la personne qui nous a tant fait vibrer… Malgré son entrée à la mi-temps, Shevchenko ne pourra pas éviter une amère défaite 2-1, annonciatrice du niveau rossonero pour la dernière saison de son légendaire Paolo Maldini. « Ca faisait longtemps que j’espérais revenir. Pour moi, c’est comme avoir gagné une Champions League, je suis très heureux. » De là à dire que son niveau d’exigence s’est autant affaibli que son niveau durant son passage à Chelsea, il n’y a qu’un pas pouvant être aisément fait.

Cette saison, Sheva affiche un niveau londonien. Chez les tifosi, on hésite entre la peine, la compassion, ou le sentiment que l’existence d’une justice immanente n’est plus à démontrer : on ne revient pas impunément au Milan après avoir embrassé une autre tunique. Comme avec un jeune du centre de formation, Carlo Ancelotti ne lui fait confiance que dans les Coupes, celle d’Italie et celle de l’UEFA, et lui offre quelques minutes par-ci par-là en Serie A.

Ses deux buts annuels sont une ode à la tristesse, au poids des années, à la mémoire des jours heureux où Il Re dell’Est soulevait les foules et marchait sur l’Europe : il marque à Zurich le 2 octobre sur une passe de Ronaldinho lors d’un match retour de premier tour qualificatif de Coupe UEFA, puis à San Siro le 3 décembre contre la Lazio, un soir d’élimination en Coppa Italia. Pourtant, à chaque fois, la joie qu’il exprime est la même qu’avant, où l’on croit revoir le Shevchenko du début des années 2000, numéro 7 sur le dos avec les bras en l’air et le maillot replié sur le visage.

Non, il ne faut pas se prendre à rêver, tout ceci n’est que du passé, le présent est simplement triste et le futur plus flou que les souvenirs. A chaque fois qu’il apparaît sur le terrain, la même interrogation revient : comment en est-il arrivé là ? Le 16 mai 2009, il rentre pour le dernier quart d’heure d’une piteuse défaite sur le terrain de l’Udinese, pour ce qui sera ses dernières minutes sous le maillot rossonero. Après 26 matches dont 9 seulement en tant que titulaire et malgré son envie de rester encore au club, l’heure des adieux est arrivée : le 11 juin, Adriano Galliani annonce que le Milan ne rachètera pas Shevchenko, qui doit désormais rentrer à Londres. La soupe réchauffée aura finalement eu un goût amer et fade.

L’ultime épisode de cette rétrospective est à lire demain sur ACM-Z.

  • Milan forever

    il n’aurait jamais dû partir, cependant je regrette qu’ancelotti ne lui ait pas fait plus souvent confiance cette année-là… nous n’avons pas réellement pu voir ce qu’il avait dans le ventre. après c’est vrai qu’il a fait une connerie en embrassant le maillot de chelsea, mais je pense que comme l’a dit costacurta, c’était plus un geste instinctif qu’autre chose.

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