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ACMZ inside : Andrea P., milanais, flèche brisée atteinte du mal d’avenir…

« Un empoisonnement moral » c’est l’étourdissante pathologie dont semble atteints tous les fans du numéro 21 du Milan depuis ce jour. Sans autre remède que le seul visionnage des images d’un passé présent, la « Pirlo nostalgie » s’installe. Secrètement on diabolise Silvio et Adriano pendant qu’on sort le maillot du placard en versant une larme. 

C’est un choix délibéré de la part d’ACM-Z de vous proposer non pas un hommage en bon et due forme et d’un classicime morne mais un ultime article dynamique consacré à celui qui est non seulement un des plus grands milieux italiens de ces dernières années mais aussi l’artisan majeur des succès du Milan de cette décennie passée, qui va tenter d’analyser le choc que constitue son départ pour le club lombard mais aussi pour lui. 

1 : Le rouge et le noir : histoire d’une passion déraisonnée

 

2001 odyssée d’une nouvelle espèce : année du début d’un dévouement à l’extrême. Car quand Andrea signe avec le Milan pour 18 millions d’euros après une aventure malheureuse avec l’Inter, c’est pour s’évanouir ou s’étourdir dans une étreinte avec le club légendaire avec lequel il se confond année après année. De souvenirs de moments d’héroïsme balle aux pieds cheveux au vent, pour refaire de cet emblème l’empire absolu d’une capitale. « S’il meurt je meurs après lui » aurait-on pu dire. Qui croyait à la possible interruption d’un bonheur sans nuage ? Certes en 2009, les premiers signes de détérioration des rapports avec la dirigeance qui faisait déjà part de son désir de « rénover » l’équipe. Pourtant la fraîcheur, le charme du joueur sur le terrain etaient toujours intacts. En 10 ans, le natif de Flero a fait montre de ses dispositions en se mettant au service de ses couleurs sans bornes ni mesures. On se répand sur ce visage dont on n’aurait pas voulu se séparer. Quel est son crime ? Ne plus être au niveau de ses 26 ans ? Avoir passé la saison à l’infirmerie ? Etre trop payé ? Etre trop lisse ? On ne sait pas vraiment mais sans doute un peu de tout cela….Ne sortons pas les mouchoirs ou ne réclamons pas de la pitié. Une grande incompréhension ou un vaste conflit d’intérêts sous-jacent plus probablement (en particulier ceux de l’agent du milieu de terrain, Tullio Tinti, dont la gestion des cas Toni ou Borriello laissent pantois).

Car si le salaire était au cœur du nerf de la guerre, il ne fait aucun doute que l’amour profond des couleurs que le joueur portait aurait tout surmonté si la durée de son contrat avait été revu à la hausse (on lui proposait un CDD d’un an non renouvelable en somme !). Mais point de compromis et ça commence à devenir irritant. La proposition de la Juventus qui irait jusqu’ en 2014, en émargeant à 2,5 millions d’euros la saison plus bonus est bien loin des dernières rumeurs. Andrea a fait des concessions et pour son club de toujours il en aurait fait mais l’a-t-on écouté ? Voulait-on encore sa présence ? De plus en plus esseulé depuis le départ d’Ancelotti, il semblait traverser une crise morale qui loin de lui redonner confiance l’a éloigné un peu plus du Milan sur et hors terrain. Resteront 401 matchs et 41 buts. Et les dernières déclarations d’un pathétisme affligeant d’Adriano Galliani : « Nos rapports sont excellents, ce ne sera jamais notre adversaire. Dans la vie tout a un début et une fin c’est une décision technique ». Comment passer d’un coup de cœur à un coup de rage sidérant qui vous conduit en enfer…

 

 

Ce Berlu me fait mal au crâne !

 

2 : Singularités d’un jeune milieu.

 

Malgré le principe d’incertitude, on doit désormais se faire à l’idée que ce bon vieux numéro 21 ne sera plus jamais porté par ce nom qui claquait si bien sur ce maillot rayé : ANDREA PIRLO. Oui sa carrière jalonnée de fracas est désormais porteuse d’un « sceau » : celui des joueurs qui jouent ou ont joué dans les 3 clubs majeurs de Serie A (Inter, Milan, Juventus). On entend d’ici les « scélérats » à droite, à gauche. Inutile de vouloir lui faire tomber la tête, son parcours loin d’être celui d’un mercennaire est avant tout celui d’un joueur italien errant dans son championnat qui lorsqu’il a trouvé sa place a fini au fil du temps par être victime du syndrome « lessivage » : on en finit avec les anciens bâtisseurs pour placer des « stars » plus en vue. De trequar’ à mezzapunta en passant par la « tour de garde », récit de la fin de règne d’une étoile filante.     

Des débuts indécis mais prometteurs. Un physique de carpette mais un jeu lêché et raffiné qui ecclabousse les pelouses de Brescia, la Reggina, l’Inter, ou en Under21 :  la qualité de ses passes distillées émerveillent mais sans jamais enivrer la critique. Son mentor Marco Tardelli prend les choses en main en 2000 alors qu’il est coach de l’Inter. Il le relègue sur l’aile gauche, puis il le déplace encore… jusqu’à finir sur le banc. Andrea reste de marbre et finit chez l’ennemi juré entrâiné par Terim avec lequel il doit ronger son frein encore. Quand Ancelotti arrive à l’été 2002 c’est l’éclaircie : lors du Trofeo Berlusconi on cherche un milieu de terrain : Pirlo s’impose par son intelligence et sa polyvalence. Il se rappelle alors au bon souvenir de Brescia quand il recula d’un cran pour jouer derrière Baggio. Le joueur va prendre racines. Ce garçon à l’allure taciturne et au charisme silencieux (Nesta confiera que le vestiaire était silencieux quand il parlait), devient un phare pour les rossoneri. Un joueur moderne, irrésistible, que toutes les équipes commencent à imiter. Le terme « milieu à la Pirlo » est né, et se résume à un contrôle du rythme de jeu, une maitrise du ballon impressionnante et une technique de passes hors norme. « Pirlo da Vinci » réinvente le football avec ses transversales qui amorcent les frappes fulgurantes de Shevchenko et qui font hurler de joie Inzaghi. Il emmene le Milan vers la victoire en Champions League contre la Juventus, frappe des coups-francs à effet qui resteront dans toutes les mémoires. Pendant cinq saisons, Andrea Pirlo devient le joueur le plus inimitable du panorama mondial, dans le complet désintéressement de ceux qui distribuent des prix.

Pourtant Pirlo a marqué des buts et pas des moindres. La panenka face à Buffon en Supercoupe d’Italie, ce but magnifique contre le Ghana et le pénalty en finale du Mondial 2006, le coup de tête en quarts de finale de Ligue des Champions 2007 contre le Bayern à San Siro. Et que de coup francs : contre Schalke, contre la Juve. Des frappes à distance de folie : contre le Chievo à San Siro, avec des gialloblù menant 0-2 et se mue en veritable chef de file du titre de champion 2003/04. Un sang-froid morte que les supporters milanisti ont appris à apprécier peu à peu : à peine arrivé Andrea prenait le ballon à la limite de la surface et serein donnait des sueurs froides à la Curva avant de frapper au but. « Donnez la à Pirlo ! » est ensuite devenu le leitmotiv obligatoire !

Billy Costacurta avait confié que derrière son air d’anti-star, Pirlo était le plus espiègle du vestiaire, un vrai bout en train avec son fidèle Gattuso. Enième paradoxe de ce joueur devenu en un éclair l’architecte des victoires. Victoires qui se sont raréfiées avec le temps. Les adversaires avaient compris qu’en harcelant la source de jeu rossonera, celle si pouvait se flétrir. Mais c’est surtout les blessures qui se sont fait plus fréquentes. L’infirmerie jusqu’ici inconnue devient incontounable. Le plaisir fait place à la galère et aux doutes. Les saisons pleines aux vides. 

 

Désolé j’ai d’autres plans ! 

 

 3: Hors la loi, décôté et bientôt retraité ?

«C’est surtout mon corpsJe me suis dis que je ne pouvais pas repartir un an. Cela fait deux ans que les résultats ne sont pas là. Quand vous n’atteignez pas les objectifs, vous vous posez des questions » voilà ce que disait Zinedine Zidane (avec lequel il partage pas mal de choses au final) lorsqu’il a décidé de prendre sa retraite avant la fin de son contrat au Real alors âgé de 34 ans. Nous sommes en 2006 et pourtant on a comme l’impression d’entendre chez Pirlo un arrière goût de lassitude physique et psychique. Y’a t-il une recherche de soulagement, d’apaisement ? Le joueur a souvent confié qu’il aimait passer du temps avec sa famille et qu’une fois les crampons déchaussés, il se rêvait sur le banc. Rêve t-il d’une autre vie ? Il a presque tout gagné : 2 titres de champions, 2 Ligues des champions, 1 Coupe d’Italie, 1 Supercoupe d’Italie,  2 Supercoupes d’Europe, 1 Coupe du Monde, 1 Mondial des Clubs. Comme le faisait son glorieux prédécésseur, l’équipe nationale reste pour lui un cas particulier, cette bulle où tous les poids sont oubliés, où l’on se redécouvre presque. Une cure de jouvence, sa dernière espérance. Ayant une influence toute footballistique, le « modèle Pirlo » est une icône rare. Un véritable joyaux que le club rossonero a mis aux ordures pour mieux casser toute perspective.

« Il metronomo » faisait corps avec le maillot frappé de l' »ACM » et c’est même l’idée de pouvoir être encore déterminé à se tirer vers le haut qui va donner le ton de savoir si Pirlo croit même à court terme pouvoir recommencer à zéro ailleurs. Un nouveau panier de crabes, de nouveaux défis …sans être idolâtré le joueur était respecté dans son antre, il va devoir à nouveau convaincre. Tout est à refaire. Bien qu’il ait souvent fait part de vélleités de départ à l’étranger, on comprenait bien que les chances de le voir partir étaient faibles tant il était à son aise dans sa ville, son cocon. Là aussi il va falloir tout déconstruire pour reconstruire et arriver à s’intégrer sans faire de vague. Mais on mise bien sur la capacité de l’homme à se fondre dans des environnements qui lui sont étrangers au vue de son passé si mouvementé et pourquoi pas à faire tourner l’équipe autour de lui comme à la grande époque pour relancer un club à la dérive et lui faire tutoyer les sommets histoire de regagner en image de marque et faire regretter ses anciens dirigeants de l’avoir débarqué ! Via Turati, la transition s’annonce difficile aussi : trouver un remplaçant à un joueur unique relève du domaine de l’utopie. Après tout on se fait une specialité d’entretenir des chimères….  

 

 

S’arrêter pour mieux redémarrer ? 

Trilly Campanellino (surnom made in Carlo Pellegatti) peut espérer oublier ses tracasseries et redevenir l’homme de génie qu’il a toujours été pas seulement un soir de 2006. Une certitude : aucun tifoso qui a supporté le Milan dans cette décennie ne pourra oublier le numéro 21 et son toucher de balle digne d’une caresse. C’est avec une peine non dissimulée qu’on lui dit non pas adieu mais au revoir !

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