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Abbiati, le « roi maudit »…

Revenons deux décennies en arrière et vous comprendrez mieux : Le roi Sebastiano Rossi qui a triomphé dans les cages milanaises lors de ses plus belles heures de gloires du foot moderne a laissé une trace indélébile dans la dynastie Capello 1er, 4 campionato glanés en tant que titulaire indiscutable, 1 Champions où il aurait pu se permettre de faire un somme de 90 minutes pendant que ses potes faisaient joujou avec le grand Barça des Romario et Koeman, et surtout un record qui reste… 929 minutes consécutives d’invincibilité en Série A, soit 11 matchs… Mais le triomphe ne sera jamais total et il paye cher. Il paye le fait d’évoluer dans le meilleur système du monde, avec les meilleurs défenseurs du monde, des performances relativisées au plus banal d’une façon assez légitime, il ne portera jamais le maillot de la Squadra, mais pire encore, il n’a été convoqué que deux fois.
 
Et lorsque les années fastes de l’équipe ne sont plus, il ne lui reste rien. Un jour, le gardien sans histoire va même finir par péter les plombs, un péno transformé sans problème par notre idole japonaise de Perugia, Hidetoshi Nakata, qu’on adore tous encore, et Rossi n’a pas pu faire la différence, marquer le match de son empreinte… Il s’énerve même et demande à retirer le penalty car Nakata s’est arrêté en pleine course. Lorsque Christian Bucchi vient reprendre le ballon, Sebastiano a un réflexe impulsif, il peut pas accepter ce but et va carrément lui sauter dessus. Ça ne lui vaudra qu’un match de suspension, mais c’était déjà suffisant pour provoquer sa cruelle éviction. Toute l’Italie du football a alors les yeux rivés sur le jeune gardien numéro 2, un provincial qui vient tout droit de la chic Monza, Christian Abbiati.
Comme un symbole, Abbiati est forcé à démarrer lors du premier match de la phase retour du championnat, et provoque le départ d’un nouveau flop pré-Bosman, Jens Lehmann. Très vite il s’encaisse des buts mais parvient à faire la différence à travers des parades somptueuses. Toute l’équipe est sur une bonne phase et Rossi ne reprendra jamais vie. Pour Abbiati, tout s’accélère très vite. Un arrêt tonitruant contre le même Perugia offre le titre au diavolo et le jeune Christian va enchainer avec sa première Champions League et un titre de champion d’Europe des moins de 21 ans, en qualité de titulaire et en compagnie d’Andrea Pirlo et Gennaro Gattuso. La blessure de Gigi Buffon lui offre même une place parmi les très grands, lors de l’Euro 2000 où il va côtoyer les Toldo et Antonioli jusque dans cette terrible finale. Abbiati est jeune, il marche bien, il est donc le futur, et tous les signaux nous indiquaient qu’il était la pour très longtemps. Malheureusement, la succession de Rossi n’est pas encore totalement digérée et un nouveau fils lointain vient réclamer l’héritage.
 
Il est brésilien celui là et se prénomme Nelson, et à l’inverse de Rossi cette fois ci, Abbiati va payer les errements de sa défense en totale reconstruction. 99 et l’heure de grâce de Luigi Sala n’étaient qu’un leurre, on recherche toujours notre nouveau Franco Baresi si tant est qu’il puisse y en avoir un, un jour, dans le monde. La frivolité des Roberto Ayala, Jose Antonio Chamot ou encore Francesco Coco, les surmédicalisés Taribo West et Roque Junior, le désespérant Martin Laursen, Abbiati va payer les pots cassés pour chacun d’entre eux. Incapable de contrecarrer à lui tout seul la perméabilité de la défense milanaise, sa réputation n’en grandit pas et sa place d’indiscutable non plus. Lorsque Ancelotti débarque, il suffira d’une…blessure pour qu’Abbiati cède son poste à temps plein à Dida.

L’histoire se répète, pire encore, la même année, Sebastiano Rossi qui était resté numéro 2 toutes ces années est parti finir sa carrière à Perugia. Les prestations de grande classe de Dida s’enchainent avec cette fois-ci un certain Sandro Nesta devant lui, et à l’empereur Carlo de trancher : Dida est le seul et véritable héritier du défunt Rossi. Mais le natif d’Abbiategrasso (dans la province de Milan), a le sens des valeurs et un quand même certain amour du maillot. Il va rester 3 saisons entières à briquer le banc pendant que les titulaires jouissent sur le toit du monde.

De l’encre a coulé en ces 3 saisons, désormais Dida est le meilleur gardien du monde et a déjà tout gagné. Abbiati se fait une raison, un transfert est inévitable pour continuer à vivre le rêve professionnel. Ça sera tout d’abord un prêt à la Juventus où la blessure de Gigi Buffon lui offre une place parmi les seigneurs de Capello, lors du sacre en 2006 où il va côtoyer le trident Del Piero – Ibrahimovic – Trezeguet. Rassurez moi, je n’ai pas fait de copier-coller ? Mais Christian est maudit, et ce titre ne peut pas être comptabilisé, la faute à une sordide affaire qu’on appelle… Calciopoli. Mais il a laissé une marque à Turin, et c’est le Torino qui va officialiser un nouveau prêt pour lui. Il permettra au Toro d’éviter de justesse la relégation à un point près, le même écart qui permit au Milan de gagner le Scudetto en 99. Puis vient le tour du dépaysement total avec un passage en Liga chez l’Atletico qui a les dents longues et la soif de reconquérir du terrain sur le Real. C’est Leo Franco qui part numéro 1 dans la hiérarchie, mais il fait des bourdes et l’Atletico se retrouve au plus mal, super Abbiati arrive comme il peut, à la rescousse en seconde partie du championnat, pour permettre aux colchoneros de glaner la fameuse quatrième place synonyme d’un ticket pour le dernier tour préliminaire de la Champions.

De l’encre a coulé en ces 3 saisons, désormais Dida est devenu Didastro (hommage à toi kk2278), et Christian refuse Palermo. Cette saison-là, l’effectif est un peu meurtri, il n’y a que la coupe UEFA en jeu, et l’Inter va repartir une nouvelle fois favorite en championnat. Et Abbiati que San Siro découvre désormais chauve va montrer qu’il avait toujours eu le niveau. Tout le secteur défensif de l’équipe est une nouvelle fois au chou mais Christian montre plus de pugnacité, et multiplie les sauvetages. Cette fois-ci il l’a, sa place d’indéfectible numéro 1 !! Jusqu’à ce qu’une blessure arrive, Beppe Favalli lui rentrant dedans lors d’une action chaude contre Siena, le verdict est lui, cruel : distorsion des ligaments du genou gauche. En un duel qui semblait anodin, c’est 10 mois qu’il faudra pour revenir. Dida fait l’intérim, Leonardo devient entraineur et annonce la couleur : si le censé troisième gardien, Marco Storari a fait une excellente première partie de saison, une blessure… lui fait céder sa place à Dida et l’entraineur brésilien est pleinement satisfait par son compatriote.

Il faudra finalement attendre une Coppa salutaire pour Christian et une prestation solide contre l’Udine, mais une énième fois, malgré une série de parades, il finit par craquer devant une défense frivole et une équipe bis qui n’avait pas une envie féroce de victoire. Mais ça sera seulement à cause d’une lacune physique de Nelson, qu’Abbiati pourra signer son retour durable en Série A. Une série de matchs très convaincants qui le voit arrêter un penalty contre Bari, sauver les 3 points de la victoire contre la Fiorentina, pour ne se prendre que 4 buts en 8 matchs. Le portier semble arriver à sa plénitude, mais le but pris dans les arrêts de jeu par Valeri Bojinov synonyme de défaite sur le terrain parmesan lui fera perdre jusqu’à la fin de la saison sa place de titulaire. Comme si Leonardo n’attendait que ça…

Aujourd’hui il n’est plus mister et Dida part avec les honneurs mais l’avenir n’est pas assuré pour Abbiati. Ce numéro trois alias Marco Storari a également fait une superbe fin de saison avec la Sampdoria et appartient toujours au club. Il veut être titulaire et vient de prolonger… ce n’est pas bon signe, bien qu’on l’envoie régulièrement à la Juve. Et maintenant on parle d’un possible prêt avec option d’achat de Marco Amelia malgré une saison catastrophique au Genoa, ou plus fort encore, d’un retour de Dida qui après coup n’aurait rien contre une ultime pige. Comme si le roi Abbiati était maudit, il est quasiment condamné à l’exil si ces thèses aboutissent. À 32 ans, ce n’était pas la carrière qu’on lui avait prédit, une décennie plus tôt.

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