Après une dernière rencontre à laquelle il aura assisté depuis le banc de touche, Christian Abbiati a définitivement raccroché les gants et les crampons. Son aventure conjointe avec le Milan, faite de hauts et de bas, de prêts et d’arrêts salvateurs, a donc pris fin samedi dernier, au soir d’une défaite en finale de Coppa Italia. Dorénavant, lui le tatoué au crâne rasé va gérer une concession Harley-Davidson ouverte récemment à Milan. C’est dans les locaux de se nouvelle aventure que le portier italien a accordé une longue interview à La Gazzetta dello Sport, publiée aujourd’hui.
Abbiati, si le Milan avait eu seulement la moitié de la personnalité qu’ont les Harley, la saison se serait déroulée autrement…
« C’est certain. J’aimerais que l’on s’appuie sur le match face à la Juve. Cet effectif valait mieux qu’une septième place. Avec la bonne attitude, on pourrait déjà viser la Champions League dès la saison prochaine. »
L’attitude est un mot qui est revenu régulièrement : Brocchi soutient que certains joueurs n’avaient pas le bon état d’esprit.
« Il a raison. Il y a eu 4-5 éléments qui n’ont pas fait ce qui leur était demandé, et je ne parle pas d’erreurs techniques. Le fait est que s’il n’y en a qu’un, tu le contrôles et tu l’isoles. Mais cinq, c’est trop et tout devient plus compliqué. »
Milan qui a oublié ses valeurs, Milan trop différent par rapport au passé : vous avez dit avoir arrêté pour cette raison.
« Si je ferme les yeux et que je repense au Milan jusqu’à 2011, je vois une autre équipe, à tous les points de vue. Moi, je raisonne selon des valeurs qui m’ont été transmises par Albertini, Costacurta et Maldini. Dans ma carrière, je n’ai pris qu’une seule amende à cause d’un retard, je m’étais endormi… Je ne suis pas en train de dire que nous vivions le bagne mais quand nous nous entraînions, nous le faisons à mille à l’heure. Si on perd, cela ne me vient pas à l’esprit d’aller en boîte de nuit. Désormais, j’étais arrivé à un point où j’avais honte quand je sortais de chez moi le lundi matin. J’avais honte de sortir quand je voyais ce que faisait l’équipe, même si j’avais la conscience tranquille. »
Cela a été dommage de ne pas vous voir sur le terrain contre la Roma.
« Pas de problème. En réalité, j’avais déjà fait une croix sur ce match et c’était normal qu’avec Brocchi, qui est mon meilleur ami, ce soit clair. Cette décision a aussi été prise eu égard aux perspectives de l’année prochaine : j’étais au top, je me suis retrouvé au rez-de-chaussée et je risquais de finir au sous-sol. C’était une question de dignité et d’orgueil. »
Quand avez-vous pensé pour la première fois à arrêter ?
« Après mon entrée face au Chievo, à la mi-mars. La décision définitive est arrivée après le match contre Bologne : j’avais fait le tour. Je vous donne un exemple parlant : quand Bacca a été remplacé face à Carpi et qu’il a quitté le terrain sans attendre la fin du match et sans saluer celui qui entrait, je m’en suis pris à lui dans le vestiaire. Je me suis retourné et il n’y a eu personne pour me soutenir. Evidemment, certains gardent les choses pour eux, ou alors cela ne les intéresse pas. A mon époque, Gattuso aurait déjà sorti un couteau. »
Quelles sont les sensations sans football ?
« Je commencerai à souffrir à la mi-juillet, quand l’équipe se réunira et que je n’y serai pas. La vérité est que je n’ai pas encore craqué. Je pensais que cela arriverait à San Siro contre la Roma mais cela n’a pas été le cas. Cela se fera tôt ou tard, en privé. »
Le nombre de sms reçus ? Que vous a dit Berlusoni ?
« Une centaine, même si c’est bizarre que certains aient écrit sur les réseaux sociaux mais pas à moi personnellement. Rien du Président, j’espère qu’il se signalera, il fait partie de ma famille. »
Ces derniers temps, il est plutôt occupé à vendre le Milan…
« Je comprends l’exigence d’avoir de l’argent frais mais je n’imagine pas un Milan sans lui. J’espère qu’il résistera et qu’il restera où il est. »
Peut-être pourriez-vous le rencontrer dans un autre rôle : vous reverra-t-on au Milan ?
« J’aimerais beaucoup. Je verrai avec Galliani mais nous n’avons pas encore convenu d’un véritable rendez-vous et ce n’est pas moi qui le pousserai à me rencontrer. Toutefois, j’ai en tête ce en quoi je pourrais être utile au club. Je donne un exemple : l’entraîneur vient me voir et il m’explique que tel joueur ne se comporte pas bien. Voilà, moi, je serais celui qui va le trouver pour lui mettre des coups de pied au cul (rires, ndlr). Manager : on appelle ça comme ça, non ? »
Cet entraîneur pourrait être Brocchi ?
« C’est difficile à dire maintenant. Ce qui est sûr c’est que l’on peut débuter un projet avec lui. Vu le football qui plaît à Berlusconi, Cristian est l’homme juste, il a de bonnes idées. Personnellement, je n’aurais pas renvoyé Mihajlovic : il restait trop peu de temps avant la fin. »
Pour quoi aimeriez-vous que l’on se souvienne de vous ?
« Pour l’aspect humain, quelqu’un de correct. Du point de vue technique, cela ne m’intéresse pas. »
Très bien mais si vous deviez donner une note à votre carrière.
« Je dirais 7.5. Allez, 8. J’ai eu des hauts et des bas mais je n’ai jamais déçu dans les matches importants. »
Qu’est-ce qui vous manquera et ce que vous ne regretterez pas dans le football ?
« Le vestiaire me manquera vraiment mais je ne regretterai pas les mises au vert forcées. Te sentir en cage à 38 ans, ce n’est pas le mieux… »